Handicaps
Coordonné par E. Bui Quoc
P.-Y. Robert
L’abbé de l’Épée, à la fin du XVIIIe siècle, a le premier déclaré qu’il fallait donner une éducation aux sourds et aux aveugles. En 1784, Valentin Haüy créait l’Institut des jeunes aveugles à Paris, institution qui fonctionne encore aujourd’hui.
Depuis cette époque, les initiatives se sont multipliées en France pour donner aux enfants déficients visuels une éducation. À la fin du xixe siècle, les lois Jules Ferry ont établi l’école primaire gratuite, laïque et obligatoire pour tous. Ces deux évolutions expliquent qu’avec plus de 250 structures spécialisées sur le territoire national, la prise en charge des enfants déficients visuels est aujourd’hui beaucoup mieux développée que celle des adultes déficients visuels.
La prise en charge d’un enfant déficient visuel comporte toujours deux volets :
une prise en charge de son développement psychomoteur et sensoriel;
une assistance à la scolarisation, en milieu ordinaire ou en milieu spécialisé.
Dès la naissance, un enfant dont le handicap est diagnostiqué peut être éligible à une prise en charge par le centre d’action médico-sociale précoce (CAMPS), qui coordonne l’action médicale et paramédicale autour du handicap. Il en existe 250 en France. Ils dépendent en général d’une structure publique (hôpital, conseil général) ou privée (association).
Sur un plan médico-social, les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) ont été mis en place par le décret no 89-798 du 27 octobre 1989.
Leur rôle est de favoriser l’intégration scolaire, idéalement en milieu ordinaire, à défaut en milieu spécialisé.
Les SESSAD coordonnent les professionnels médicaux, paramédicaux et pédagogiques, en centre spécialisé, à domicile ou en milieu scolaire. L’orientation vers ces structures se fait sur notification de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
Les SESSAD prennent en charge des enfants de 0 à 20 ans, et prennent un nom différent selon l’âge de l’enfant et selon la présence ou non d’une déficience sensorielle :
service de soins et d’aide à domicile (SSAD) : enfants polyhandicapés (déficience motrice et déficience mentale) âgés de 0 à 20 ans;
service d’accompagnement familial et d’éducation précoce (SAFEP) : enfants de 0 à 3 ans déficients auditifs et/ou visuels;
service de soutien à l’éducation familiale et à l’intégration scolaire (SSEFIS) : enfants de plus de 3 ans déficients auditifs;
service d’aide à l’acquisition de l’autonomie pour la scolarisation (SAAAS) : enfants de plus de 3 ans atteints de déficience visuelle. Les SAAAS ont remplacé en 2011 les services d’aide à l’acquisition de l’autonomie et à l’intégration scolaire (SAAAIS).
L’intégration scolaire des enfants déficients visuels est toujours un défi pour les parents et l’équipe d’accompagnement. L’objectif est une intégration sociale la plus normale possible, et donc une intégration la plus rapide possible en milieu ordinaire.
En 1989, la loi d’orientation no 89-486 d’orientation sur l’école encourage le développement de facilités pour accueillir des élèves en difficulté dans les établissements scolaires ordinaires. Depuis, l’accueil scolaire des enfants handicapés a fait l’objet de nombreux règlements, en particulier le dispositif HANDISCOL (circulaire no 99-187 du 19 novembre 1999). La loi no 2005-102 du 11 février 2005 va plus loin, donnant obligation à la totalité des établissements scolaires d’accueillir les enfants handicapés qui le souhaitent.
Les dispositifs actuels sont issus de la circulaire du 8 aoÛt 2016 (2016-117) qui rappelle les dispositifs de scolarisation. Les classes pour l’inclusion scolaire (CLIS) sont remplacées par les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS), déclinées en ULIS-École, ULIS-Collège et ULIS-Lycée, ainsi que les ULIS-TFV (trouble de la fonction visuelle) plus spécialisées dans l’inclusion scolaire des enfants déficients visuels.
X. Zanlonghi
Il peut exister un retard à l’annonce du handicap, car les parents et les soignants sont plus engagés au départ vers le diagnostic et les éventuels traitements d’une déficience visuelle [1]. Le délai moyen entre la découverte du handicap par la famille et le passage en commission peut être estimé à environ 3 ans et demi [2].
Les soins et le remboursement de certaines aides techniques dépendent de l’assurance maladie [3]. Nous retiendrons en priorité la constitution d’un dossier affection longue durée (ALD) que ce soit en ALD non exonérante, ou en ALD exonérante comme l’ALD 17 « Maladies métaboliques héréditaires » . Dans les deux cas, il faut remplir ou faire remplir par le pédiatre ou le généraliste un protocole de soins (document CERFA no 11626*03). Pour les moins de 20 ans, les aides techniques de type loupe, système à vision microscopique, système à vision télescopique, système d’agrandissement électronique (appelé couramment loupe électronique), guide à ultrason pour nouveau-nés aveugles, sont inscrites dans la liste des produits et prestations remboursables1.
1. Voir Liste des produits et prestations remboursables par l’Assurance maladie : www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/LPP.pdf
Il existe des mutuelles spécifiques pour le handicap qui peuvent apporter des solutions adaptées à tous ceux qui sont touchés par le handicap ou la perte d’autonomie.
La MDPH, qui se transforme progressivement en maison départementale de l’autonomie (MDA), a plusieurs missions. Nous retenons les suivantes :
elle informe et accompagne les personnes handicapées et leurs familles dès l’annonce du handicap et tout au long de son évolution;
elle met en place et organise l’équipe pluridisciplinaire qui évalue les besoins de l’enfant et propose un projet personnalisé de scolarisation (PPS) :
comprenant au minimum la désignation d’un enseignant référent;
précisant la qualité et la nature des accompagnements nécessaires, notamment thérapeutiques ou rééducatifs, le recours à une aide humaine (aide individuelle scolaire par un auxiliaire de vie scolaire [AVS]), le recours à un matériel pédagogique adapté (agrandissements, loupes, etc.), les aménagements pédagogiques (enseignement mixte « noir-braille » , c’est-à-dire à la fois avec des supports visibles et des supports en braille).
elle assure l’organisation de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et le suivi de la mise en œuvre de ses décisions. La CDAPH apprécie le taux d’incapacité de l’enfant handicapé, ses besoins de compensation. De ces éléments va découler l’attribution de certaines prestations ou droits : la prestation de compensation du handicap (PCH), l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et son complément, la carte d’invalidité, la carte de priorité pour personne handicapée, la carte de stationnement, etc. (Fig. 32-1).
Un dossier MDPH doit comprendre un certificat ophtalmologique détaillé2.
2. http://www.cnsa.fr/documentation/formulaires/le-certificat-medical
Fig. 32-1 Logigramme de décision d’attribution éventuelle d’aide en cas de handicap.
ALD : affection longue durée ; AEEH : allocation d’éducation de l’enfant handicapé ; PCH : prestation de compensation du handicap.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées renforce les actions en faveur de la scolarisation des élèves handicapés. Elle affirme le droit pour chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, à un parcours scolaire continu et adapté.
En pratique, selon les besoins de l’enfant, les années scolaires charnières sont :
la grande section de maternelle, ou les premières aides techniques simples de type loupe/pupitre/éclairage et documents agrandis doivent être présentés à l’enfant; la préparation au braille doit également être faite;
le CM2, pour anticiper l’organisation de la sixième : il faut savoir si l’enfant doit se déplacer entre chaque cours, quelle est la multiplicité des enseignants, comment peut-on utiliser de l’informatique, avec maîtrise du clavier et apprentissage de la dactylographie;
la troisième, année des stages en entreprise, année du choix des études, avec la perspective du baccalauréat, d’un certificat d’aptitude professionnel (CAP), etc. L’apprentissage peut être envisagé en alternance; il peut être décidé une orientation à terme possible établissement et service d’aide par le travail (ESAT); enfin, c’est l’année de la possibilité ou non d’utiliser un véhicule motorisé (permis AM et permis B).
L’accessibilité est une condition primordiale pour permettre à tous d’exercer les actes de la vie quotidienne et de participer à la vie sociale [4]. La loi no 2005-102 du 11 février 2005 prévoit le principe d’accessibilité généralisée, quel que soit le handicap (physique, sensoriel, mental, psychique, cognitif, polyhandicap). Cette loi a renforcé les exigences en matière d’accès des personnes handicapées aux établissements recevant du public (ERP). Les notions de sécurité et de confort d’usage sont intimement liées à l’approche de l’information ou de l’environnement pour les enfants aveugles et les enfants malvoyants. Pour chacune de ces populations, le sens visuel est inopérant ou fonctionne soit de façon aléatoire, du fait de l’environnement qui évolue en permanence, soit de manière inégale du fait de la pathologie. L’accessibilité consiste à permettre la compréhension d’un espace pour se situer et à rendre disponibles des informations.
[1] Desbeauvais C. L’annonce du handicap. Livret d’accompagnement. Éditions D’un Monde à l’Autre ; 2006, 68 p.
[2] Scheidegger S, Raynaud P. Les caractéristiques des handicaps en fonction de leur période de survenue. Études et Résultats, DREES 2007 ; no 559.
[3] Fricotté L. Droits des personnes handicapées. Coll. NERET. Groupe Liaisons/Wolters, Kluwer ; 2016, 410 p.
[4] Allaire C. Informer les personnes aveugles ou malvoyantes : partage d’expériences. Guide INPES, coll. Référentiels de communication en santé publique. INPES ; 2012, 57 p.
B. Le Bail
Totale ou partielle, la déficience visuelle n’est pas un obstacle à la scolarisation. Chez les enfants, les techniques de compensation du handicap visuel permettent, le plus souvent, l’inclusion en milieu ordinaire. L’existence de handicaps associés (retards cognitifs, déficience auditive, troubles moteurs, pathologies psychiatriques, etc.), les impossibilités d’intégration sociale par inhibition relationnelle, les difficultés d’ordre familial ou économique font émerger, chez certains jeunes, des besoins d’accompagnement qui ne peuvent pas être dispensés en milieu ordinaire. L’orientation vers un établissement spécialisé est alors préconisée par une notification de la CDAPH.
Parmi les établissements médico-éducatifs, les instituts spécialisés dans l’accueil des enfants déficients visuels sont des instituts d’éducation sensorielle (IES). Dans ces structures, une équipe pluridisciplinaire assure des prises en charge éducatives, pédagogique et thérapeutique. En concertation avec les familles, en respectant le plus possible les souhaits des enfants, les professionnels y élaborent et mettent en œuvre un projet personnalisé spécifique à chaque jeune (projet individualisé d’accompagnement [PIA]). Le fil conducteur de ce projet est le respect des possibilités d’évolution du jeune, même si elles sont minimes, en y incluant toutes les contraintes annexes (internat, externat, éloignement géographique, difficultés sociales, etc.).
Les suivis thérapeutique et ré-adaptatif sont coordonnés au sein de l’équipe médicale. Certains établissements disposent de médecins (ophtalmologistes, médecins généralistes, psychiatres si nécessaire) et d’un panel conséquent de rééducateurs : orthoptistes mais aussi psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes, rééducateurs en « activités de vie journalière » , instructeurs « en locomotion » , orthophoniste, etc. La scolarisation des élèves est assurée au sein d’une unité d’enseignement (UE) par des professeurs mis à disposition par l’Éducation nationale. Pour les plus âgés, quelques structures peuvent préparer aux diplômes professionnels (CAP, baccalauréat pro, brevet de technicien supérieur [BTS]).
Les premières interventions éducatives pour les enfants aveugles ont eu lieu dans des institutions spécifiques avec notamment les travaux de Valentin Haüy (1745-1822) et de Louis Braille (1809-1852). L’idée d’éducabilité est alors affirmée. Pendant la Révolution de 1789, l’Institut royal des jeunes aveugles créé en 1784 par Valentin Haüy, dans lequel Louis Braille fut élève puis professeur, devient l’Institut national des jeunes aveugles (INJA). Pour l’essentiel, ce sont des médecins qui réfléchissent à l’éducation des enfants « anormaux » . Le véritable développement de l’éducation spécialisée se fait après la Seconde Guerre mondiale dans deux domaines qui coexistent à ce jour : le premier est le secteur médico-éducatif qui collabore aux dispositifs mis en place par le second qui est l’Éducation nationale.
Sous l’impulsion des associations de parents, dans les années 1950-1960, se développent les instituts médico-éducatifs (IME) comprenant les instituts médico-pédagogiques (IMP) et les instituts médico-professionnels (IMPro) (exemple : IME Jean-Paul à Évry).
La loi du 11 février 2005 et le décret du 2 avril 2009 favorisent la coopération entre les secteurs médico-sociaux et l’Éducation nationale avec la création des UE.
Pour tous les enfants, handicapés ou non, les principes légaux de scolarisation s’appliquent. Ce droit à la scolarisation pour tous (Code de l’éducation article L. 111-1) est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation et de s’insérer dans la vie sociale. Cela se traduit par un droit d’inscription dans un établissement de référence, un droit à des adaptations en milieu spécialisé, un droit à l’accessibilité des locaux et une prise en charge financière de ces enseignements par l’État.
C’est ce principe qui explique l’existence et la répartition des institutions spécialisées dans la déficience visuelle dans notre pays. Même si la population concernée par le handicap visuel est essentiellement adulte et le plus souvent âgée, la grande majorité des services spécialisés est dédiée aux enfants (250 selon l’annuaire ONISEP [Office national d’information sur les enseignements et les professions] 2014 [1]) et donc la très grande majorité des professionnels médicaux qui exerce dans ce domaine le fait au bénéfice de jeunes. Rappelons que seulement une trentaine de structures prend en charge les adultes.
C’est la CDAPH qui se prononce sur l’orientation de l’enfant ou de l’adolescent. L’âge varie selon l’agrément dont dispose l’établissement, en général de la petite enfance jusqu’à l’âge de 18-20 ans. Les frais de séjours sont assumés par la Sécurité sociale; toutes les structures sont mixtes et fonctionnent en internat et/ou externat.
Comme nous l’avons dit, un PIA est élaboré pour chaque enfant. Les soutiens et les actions thérapeutiques et ré-adaptatives y sont précisés. Les indications, les moyens, les fréquences de prises en charge y sont explicités. Sont concernés les techniques de stimulation des moyens sensoriels et psychomoteurs, les soutiens de type psychologique ainsi que les apprentissages des moyens de compensation (braille, informatique adaptée, techniques de locomotion, etc.). Le but est d’élaborer la réalisation d’un parcours de soins spécifique à chacun, inclus dans une notion globale de parcours de vie, à laquelle les familles collaborent en toute transparence.
À côté des services de soins à domicile qui seront décrits ultérieurement, les CAMSP sont des centres de prévention et de soins. Ils interviennent auprès des enfants de moins de 6 ans présentant des déficits sensoriels, moteurs ou mentaux, en vue d’une adaptation sociale et éducative. Les soins rééducatifs se déroulent en général en ambulatoire dans leurs locaux, et sont complétés par une action de conseil de type guidance familiale. Si nécessaire, une prise en charge peut être assurée de manière conjointe par deux structures. Par exemple un CAMSP et un SAFEP peuvent soutenir le même enfant, chacun lui prodiguant les soins correspondant à ses ressources en personnels spécialisés : stimulation en vision fonctionnelle réalisée à domicile par l’orthoptiste du SAFEP, kinésithérapie se déroulant dans les locaux du CAMSP, etc. Il est à noter que certains CAMSP sont spécialisés dans la prise en charge du déficit visuel comme ceux de Loos, de Villeurbanne ou de Fontainebleau avec des interventions d’orthoptistes et d’ophtalmologistes.
Les CMPP pratiquent le diagnostic et le traitement d’enfants présentant des troubles neuropsychiques ou des troubles du comportement. En pratique clinique, nous constatons régulièrement l’admission dans les SESSAD pour déficients visuels d’enfants adressés par les CMPP. En effet, les troubles du comportement, fréquents chez les jeunes déficients visuels, sont une porte d’entrée qui parfois masque le déficit sensoriel. Par la suite, une prise en charge conjointe CMPP/SESSAD peut être instituée.
Soulignons enfin les actions préventives spécialisées qui sont assurées par des équipes itinérantes dans des centres de protection maternelle et infantile (PMI) ou des établissements d’éducation préscolaire.
Depuis 2006, le nombre de ces établissements diminue. En 2016, il en existe 13 répartis sur le territoire français métropolitain. Privées sous contrat, ces structures sont gérées par des associations à but non lucratif sous tutelle du ministère de la Santé. Seul l’Institut national des jeunes aveugles (INJA) dépend de l’Éducation nationale.
Depuis la primauté donnée à l’inclusion en milieu ordinaire, les motifs d’admission dans ces établissements ont évolué. Si le critère d’éloignement géographique reste pertinent, d’autres facteurs deviennent prévalents : nécessité d’acquérir rapidement un nouvel outil scolaire (apprentissage du braille ou de l’informatique adaptée suite à une perte fonctionnelle récente ou brutale); difficultés d’ordre familial ou social; vécu difficile de l’adolescence avec le désir de se retrouver dans un milieu « avec d’autres jeunes comme moi » tous porteurs de handicap similaire, et non d’être « avec d’autres jeunes non porteurs de handicap » , l’adolescent étant relativement seul et isolé par une déficience singulière.
Dans ces établissements, l’accent est mis sur l’acquisition des connaissances scolaires et d’une formation professionnelle. Le recours aux moyens spécifiques du suivi médical et des compensations du déficit visuel fournit le soutien indispensable à la réalisation des objectifs pédagogiques. On y enseigne l’acquisition de la lecture et de l’écriture en braille, l’écriture manuscrite, l’utilisation du clavier informatique, la reconnaissance des éléments de dessins en relief, l’initiation à l’utilisation des différents matériels informatiques ou électroniques, l’apprentissage des techniques de locomotion et d’activité de vie journalière. L’INJA possède, en outre, un département d’informatique et de recherche chargé de développer différents logiciels de transcription et des moyens d’accès aux nouvelles techniques de communication, ainsi qu’une Banque de données d’éditions adaptées (BDEA).
Outre les professionnels médicaux, les personnels éducatifs et pédagogiques qui y assurent l’encadrement bénéficient de formations spécifiques.
L’hébergement des jeunes est assuré dans les locaux propres aux institutions, dans des foyers ou dans des centres de placements familiaux spécialisés.
Quelques établissements publics existent encore : les établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA). Ils dépendent directement du ministère de l’Éducation nationale et ne sont plus qu’au nombre de trois (Saint-Lô, Loos, Villeurbanne). Ils comprennent un centre de ressources pédagogiques et techniques dédié à l’enseignement scolaire et un service d’accompagnement d’actions médico-sociales pour la déficience visuelle. Les élèves y bénéficient donc d’une pédagogie adaptée dans des classes d’effectifs réduits.
Une dizaine de lycées professionnels est spécialisée dans l’accueil des jeunes déficients visuels. Les formations accessibles concernent de nombreux secteurs d’activité. Historiques, les CAP « cannage paillage en ameublement » ou « accordeur de piano » subsistent encore. D’autres domaines sont accessibles : agriculture (CAP agricole « productions horticoles spécialité productions florales et légumières » , CAP agricole « travaux paysagers » ); restauration (CAP « cuisine » , « agent polyvalent de restauration » , « assistant technique en milieu familial et collectif » ); commerce et vente (bac professionnel « accueil relation clients et usagers » , BTS « management des unités commerciales » ); gestion-administration (bac professionnel, BTS « assistant de gestion PME/PMI » ); soin et bien-être ( « spa praticien » ou « praticien bien-être » ), mais aussi informatique, conditionnement, nettoyage, protection de l’environnement, etc. En milieu ordinaire, les services de soins (SAAAS) permettent l’intégration individuelle à ce niveau d’étude dans des établissements non spécialisés.
Les études supérieures sont généralement suivies en milieu ordinaire. Cependant quelques structures, type centre de rééducation professionnelle (CRP), sont dédiées à l’accueil des personnes handicapées visuelles. Leur but est de permettre une intégration en milieu ordinaire par le biais d’une formation professionnelle associée à un accompagnement médico-psycho-social en milieu spécialisé. L’admission se fait après avoir obtenu auprès de la MDPH une « reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé » (RQTH) et une décision d’ « orientation professionnelle » (OP).
Par exemple en région parisienne, trois CRP existent :
l’Association Valentin-Haüy forme des étudiants en masso-kinésithérapie, en accueil téléphonique, en secrétariat et en praticien « bien-être » ;
le Centre Paul-et-Eliane-Guinot de Villejuif propose des formations de masseur kinésithérapeute, de conseiller relation client à distance, de développeur d’application informatique, d’employé administratif d’accueil;
le Centre FORJA (formation jeunes aveugles) à Paris effectue des remises à niveau et des formations professionnelles aux métiers du tertiaire.
Les instituts médico-éducatifs sont des structures médico-sociales destinées à accueillir des enfants et des jeunes de 3 à 20 ans souffrant de déficience intellectuelle. Certains de ces établissements sont spécialisés dans le pluri-handicap : handicap visuel associé à un déficit intellectuel, moteur, psychique, etc.
L’admission dans les IMP se fait après accord des parents sur décision de la MDPH. Ils sont gérés par des associations, mais les frais de séjour sont assumés par la Sécurité sociale.
Chaque enfant y bénéficie d’un PIA. Devant la complexité des handicaps intriqués, les équipes rééducatives doivent non seulement s’appuyer sur le potentiel de chaque jeune mais aussi faire preuve d’une créativité permanente pour élaborer des prises en charge spécifiques à chacun, un « sur mesure » indispensable. Pour cela, les professionnels s’inspirent et adaptent des techniques utilisées dans l’autisme, les troubles relationnels ou de la communication.
Ainsi les bases du ressenti sensoriel peuvent être favorisées par des méthodes de stimulation type « Snoezellen » adaptées [2]3. . Le déclenchement du mouvement volontaire, la prise de conscience et la mémoire du ressenti de l’espace peuvent utiliser le concept « petite maison » de Lilli Nielsen (Fig. 32-2) [3]. La communication peut être favorisée par des adaptations type « imagier personnalisé » (par support d’images adaptées ou d’objets symboles à toucher), par des supports « Makaton » adaptés [4]4. ou des images de type picture exchange communication system (PECS).
Fig. 32-2 La petite maison concept active learning selon Lilly Nielsen à l’IME Jean-Paul d’Évry.
Les IMPro assurent une formation professionnelle pour les jeunes de 14 à 20 ans en vue d’une insertion dans le monde du travail protégé. Certains comme celui de Chilly-Mazarin accueillent de jeunes déficients visuels porteurs de pathologies complexes. L’équipe pluridisciplinaire d’encadrement doit en permanence ajuster ses pratiques afin de pouvoir mettre en place des ateliers préprofessionnels : chaiserie, cuisine, repasserie, conditionnement, horticulture, etc. Il est à noter que ces formations débouchent essentiellement sur un bassin d’emplois type ESAT ou « atelier protégé » . Malheureusement les débouchés sont limités pour le handicap visuel, en concurrence avec d’autres handicaps mais également avec l’arrivée d’autres publics en difficulté (troubles relationnels, sociaux, etc.).
Ces établissements accueillent des enfants ou adolescents présentant un handicap grave à expression multiple associant déficit moteur et déficience mentale sévère ou profonde.
Cela entraîne une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation. Dans ces polyhandicaps, les moyens de communication sont souvent minimes et même si les possibilités visuelles sont réduites, c’est souvent ce canal sensoriel qui est le plus adéquat pour échanger avec ces jeunes et tenter de leur donner quelques éléments d’autonomie. Le handicap visuel n’est pas le plus prégnant mais paradoxalement prendre en charge ce type de basse vision, par un travail sur l’instrumentation du regard par exemple, est primordial pour assurer une qualité de vie à ces enfants. L’idéal, pour intervenir dans ces établissements qui n’ont pas de professionnels dédiés au handicap visuel, est de proposer des prises en charge conjointes avec les SAAAS ou à défaut de faire intervenir des orthoptistes libéraux dans ces structures. Les bonnes volontés existent, mais les contraintes administratives sont souvent très lourdes.
Ces services ambulatoires sont des structures médico-sociales qui assurent deux missions : le développement de l’autonomie et un soutien dans l’intégration scolaire [5]. Gérés par des associations et agréés par l’assurance maladie, les SESSAD constituent un soutien précieux pour les familles [6]. Ces services interviennent au titre des annexes XXIV du Code de l’action sociale et des familles. Pour les enfants déficients visuels graves ou aveugles, c’est l’Annexe XXIV quinquies (décret du 27 octobre 1989) qui fixe les missions et les modalités de fonctionnement des deux types de services spécialisés pour le handicap visuel : SAFEP et SAAAS. L’orientation vers ces services se fait après notification de la MDPH.
Les SAFEP prennent en charge les tout petits de moins de 3 ans. Ils assurent le conseil et l’accompagnement des familles et de l’entourage familial de l’enfant, l’approfondissement du diagnostic fonctionnel et le suivi du développement psychomoteur et sensoriel initial. Les soins sont définis en lien étroit avec les familles et s’intègrent dans leur projet d’éducation parentale.
Les prises en charge se déroulent à domicile ou sur les lieux de vie (crèche, halte-garderie, domicile des nourrices, etc.). Elles sont prodiguées par une équipe pluridisciplinaire médicale, paramédicale et socio-éducative (orthoptiste, psychomotricien, ergothérapeute, éducateur de jeune enfant, assistante sociale, etc.). Une proposition de soutien familial sous forme de « guidance » peut être proposée par la psychologue du service.
Ces services s’adressent aux enfants à partir de 4 ans et aux adolescents jusqu’à 20 ans. Ils sont animés par une équipe pluridisciplinaire. Leur mission est d’assurer la mise en place de l’ensemble des moyens de compensation du handicap visuel : développement des moyens sensoriels et psychomoteurs, stimulation de la vision fonctionnelle, apprentissage des techniques palliatives (braille, locomotion, informatique adaptée, techniques d’activités de la vie journalière), utilisation des aides optiques et non optiques, et possibilité de mise à disposition de certains matériels spécialisés. Les prises en charge se déroulent dans tous les lieux de vie : école (en lien avec l’équipe pédagogique), domicile, centres de loisirs, etc.
Il est primordial de faciliter la cohésion des différents intervenants autour du projet et du parcours du jeune : ceux du milieu scolaire et ceux des services de soins. Pour cela, les contacts sont établis entre les SAAAS et les établissements scolaires dès le stade de la préparation de l’arrivée de l’élève. Des réunions d’information et de sensibilisation sont initiées afin de diminuer l’appréhension de certains enseignants et d’améliorer les conditions d’intervention du SESSAD dans la structure scolaire. Par la suite, les réunions des équipes de suivi de la scolarisation (ESS) permettent une coopération entre les parents, l’école, les accompagnants thérapeutiques et le représentant de la MDPH (enseignant référent).
Pour exemple, en novembre 2015, le SAAAS du 94 (service départemental pour l’intégration des enfants déficients visuels [SDIDV]) a pris en charge 102 enfants sur 80 lieux d’intégration. En 2016, il existe 83 services de ce type sur notre territoire. Ces structures sont réparties de façon inégale puisque 21 départements en sont dépourvus.
Un décret du 2 avril 2009 invite à développer la coopération entre les établissements médico-sociaux et les écoles ordinaires. Cela peut se faire sous diverses modalités :
mise en œuvre d’une convention de coopération entre établissement scolaire et établissement médico-social : par exemple, des adolescents d’IME peuvent être inclus quelques matinées par semaine dans des classes de collège type section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA);
concertation entre les enseignants des établissements scolaires et les enseignants des unités d’enseignement exerçant dans les instituts spécialisés;
possibilités de formation par des professionnels des services médico-sociaux, des centres de ressources ou des associations de personnes handicapées.
Même si la loi Handicap du 11 février 2005 a nettement affirmé la primauté de l’inclusion en milieu ordinaire, la complexité de certaines prises en charge (handicaps associés, handicaps multiples, etc.) fait que le recours au milieu spécialisé reste parfois indispensable. Celui-ci ne doit pas être vécu comme un lieu d’exclusion de notre société, mais comme une entité qui dispose des ressources indispensables à l’épanouissement de certains enfants. Ces établissements ne sont plus refermés sur eux-mêmes en vase clos, ils s’ouvrent de plus en plus vers le milieu ordinaire et multiplient les coopérations avec les établissements scolaires, les clubs de sport, les activités artistiques, etc. La véritable accessibilité ne se limite pas à l’installation de rampe pour fauteuils roulants ou à la généralisation de l’audiodescription, mais à l’acceptation de la différence grâce à des passerelles qui permettent à la fois le soin et le bien-être dans des milieux protégés et l’ouverture sur la société grâce à des collaborations ciblées.
[1] Annuaire jeunes handicapés visuels. Guide ONISEP 2014.
[2] Snoezelen. En ligne : www.snoezelen-france.fr
[3] Nielsen L. L’espace et soi : l’apprentissage actif par la petite maison. Éditions Les doigts qui rêvent ; 2010.
[4] Makaton. En ligne : www.makaton.fr
[5] La scolarisation des enfants handicapés. Actualités Sociales Hebdomadaires no 2813 ; 7 juin 2013.
[6] ANESM. L’accompagnement des jeunes en situation de handicap par les services d’éducation spéciale et de soins à domicile. ANESM ; juin 2011.
X. Zanlonghi , L. Gerard
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’au niveau mondial, près de 314 millions de personnes sont atteintes de déficience visuelle, dont 45 millions sont aveugles. On retrouve dans les causes de cécité des anomalies de réfraction non corrigées (18 % ), des maladies oculaires de l’enfant (3 % ). L’OMS insiste sur le lien étroit entre les populations les plus pauvres, le manque d’accès aux soins oculaires et la déficience visuelle. La « cécité » est définie comme une acuité visuelle inférieure à 3/60 ou une perte correspondante du champ visuel (à moins de 10°) pour le meilleur œil avec la correction disponible. La « déficience visuelle sévère » est définie comme une acuité visuelle inférieure à 6/60 mais supérieure ou égale à 3/60, et la « déficience visuelle modérée » comme une acuité visuelle inférieure à 6/18 mais supérieure ou égale à 6/60 [1].
En France, les problèmes seraient (encore aujourd’hui, même si les questions de déficits publics et d’accroissement des dépenses sanitaires et sociales, pour des raisons multifactorielles de coût de la santé, de dépendance et de vieillissement, pourraient à terme « handicaper » les politiques d’aide au handicap) moins d’ordre financier pour la prise en charge du handicap que la question de la reconnaissance du handicap par la société. En effet, le besoin fondamental de l’enfant en situation de handicap est d’être reconnu comme un enfant avant tout accepté tel qu’il est, avec ses forces et ses faiblesses [2]. En France, l’école est obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans. Ce parcours scolaire peut se faire en milieu ordinaire et/ou adapté. Malgré cette obligation légale et la ratification par la France de la Charte internationale des droits de l’enfant, 13 000 enfants en situation de handicap sont sans solution éducative [3].
Depuis quelques années, le coût de l’enfant est posé comme question centrale de la politique sociale et familiale de la France [4]. Les politiques sociales se construisent à la fois en référence à un modèle social et à la perception d’une réalité virtuelle, de ce que serait la situation sans intervention de l’État et qu’il convient de modifier. S’agissant de compenser le « coût de l’enfant » , il faudrait donc pouvoir l’évaluer en dehors de toute politique sociale et familiale. Mais les comportements des familles ne peuvent se dégager de l’influence de cette politique : les ménages élaborent leur budget ou expriment leur bien-être en fonction de leur revenu primaire, mais aussi des transferts qu’ils perçoivent et prélèvements qu’ils supportent, et de leur capacité d’accès aux services publics. Les estimations du coût de l’enfant sont donc bien celles du coût in fine à la charge des ménages, c’est-à-dire implicitement « corrigés » de la part prise en charge par l’État. La plupart des études réalisées sur le coût de l’enfant s’attachent à l’analyse des dépenses ou de la « variation de bien-être » supportées par les ménages. Mais les dépenses correspondent aux seuls coûts directs immédiatement quantifiables, à l’exclusion de coûts plus indirects, qui pourraient résulter d’éventuels manques à gagner en termes de revenu : par exemple, une interruption d’activité consentie pour élever l’enfant se traduit par une baisse de rémunération immédiate, voire par une carrière ultérieure moins favorable. Par ailleurs, l’évaluation du coÛt de l’enfant à partir des seules dépenses des ménages masque les dépenses prises en charge par la collectivité. Or, le coût pour les familles dépend largement de la règle de partage entre l’État (ou les collectivités) et les ménages pour la prise en charge de la dépense, c’est-à-dire du modèle social.
La présence d’enfant(s) dans un ménage tend à augmenter les dépenses de consommation de manière non négligeable. En 2011, les familles monoparentales dépensent en moyenne 5900 euros de plus par an que les personnes seules, et les couples avec enfant(s) en moyenne 8400 euros de plus que les couples sans enfant. La part des dépenses, avant allocations et aides, directement imputable à l’enfant représente en moyenne 13,6 % de la consommation totale des ménages avec enfant(s). Dans les familles avec un seul enfant, plus celui-ci est jeune et plus la part des dépenses individualisables dans le budget est importante : de 20 % lorsque l’enfant a moins de 3 ans, elle tombe à 5 % lorsqu’il a entre 12 et 15 ans (tableau 32-1). En effet, plus l’enfant grandit, plus il partage la consommation des adultes et moins ses consommations sont spécifiques. Il en est de même avec les familles ayant 2 enfants (tableau 32-2).
Le premier objectif de la politique familiale au sens large est de « contribuer à la compensation des charges de famille » . À ce titre, les composantes familiales des transferts sociaux et fiscaux procurent en moyenne aux familles dont les enfants ont entre 3 et 19 ans un supplément de revenu disponible mensuel de 213 € par enfant. Pour les familles dont les enfants sont âgés de 3 à 19 ans, les dispositifs en faveur des familles compensent en moyenne 34 % du coût empirique des enfants et 26 % de leur coût normatif, le degré de compensation étant plus important pour les familles monoparentales ou nombreuses. Pour l’année 2015, les dispositifs sociaux et fiscaux en faveur des familles sont évalués à 52,1 milliards d’euros pour 9,3 millions de ménages. Environ 30 milliards d’euros transitent par les prestations familiales et 17 milliards par les dispositifs fiscaux [5].
Il faut distinguer trois types de coÛts :
ceux correspondant aux sommes globales consacrées par les autorités publiques : les établissements et services médico-sociaux (tableau 32-3), les ressources (allocation adulte handicapé, garantie de ressource des travailleurs handicapés, dépenses fiscales), la compensation (allocation d’éducation de l’enfant handicapé et prestation de compensation du handicap), les établissements sanitaires, l’Éducation nationale. Par exemple, pour l’autisme qui concerne environ 100 000 individus de moins de 20 ans, le coût est de 1,4 milliard pour l’autisme (22,6 € par an et par habitant) hors coût hospitalier et sanitaire [3];
le coût pour la famille, dont l’analyse détaillée s’avère assez complexe, car la difficulté principale réside dans le fait que de nombreuses personnes handicapées (autisme, déficient visuel, etc.), ne sont pas identifiées comme tels. Par exemple pour l’autisme, le coût des places varie en fonction du taux d’encadrement, du niveau de diplôme, de la qualification et de l’ancienneté des personnels recrutés. Il s’inscrit dans une fourchette de 15 700 € à 109 000 €, soit une moyenne de 52 300 €. Autre difficulté, la prise en charge des personnes handicapées (autisme, déficient visuel, etc.) peut nécessiter l’intervention de professionnels libéraux et d’établissements relevant du champ hospitalier ou médico-social;
les coût indirects engendrés par une mauvaise prise en charge sont inconnus car non mesurés [3]. Cependant, un défaut d’accompagnement, un accompagnement incomplet ou inadapté va à l’encontre d’un pronostic favorable pour une meilleure autonomie individuelle. Le reste à charge des familles est souvent important et contraint bon nombre de parents à réduire ou arrêter leur activité professionnelle pour se consacrer à l’éducation de leur enfant handicapé.
Tableau 32-1 - Dépenses en euros des couples en 2011 selon le nombre d’enfants et le statut d’occupation du logement.
Champ : Ménages de France métropolitaine dont la personne de référence a entre 25 ans et 54 ans inclus, sans enfant de plus de 16 ans. (Sources : Insee, enquête Budget de famille 2011 [4].)
Tableau 32-2 - Dépense en euros des couples en 2011 avec deux enfants dont l’un a moins de 4 ans et selon le statut d’occupation du logement.
Champ : familles monoparentales ou couples de France métropolitaine dont la personne de référence a entre 25 ans et 54 ans inclus, avec des enfants de moins de 16 ans, et sans enfant de plus de 16 ans. (Source : Insee, enquêtes Budget de famille 2011 [4].)
Tableau 32-3 - Mode de scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap en 2014-2015.
1Niveau d’enseignement estimé pour la scolarisation collective et la scolarisation en établissements hospitaliers ou médico-sociaux.
2 Hors jeunes accueillis et scolarisés pour de courtes périodes.
3 Élèves fréquentant un établissement du second degré sans en avoir nécessairement le niveau.
4Élèves scolarisés dans un établissement spécialisé dont le niveau est difficile à déterminer.
Pour les économistes, le handicap est :
une limitation des capacités productives d’un individu, de son projet professionnel, de son projet de descendance, etc.;
une perturbation qui frappe la société dans son ensemble et l’empêche d’être performante;
une source de dépenses sans aucune contrepartie.
En 2013, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) consacrait, par ses ressources propres et les crédits d’assurance maladie qu’elle gère, près de 23 milliards d’euros au financement des politiques d’aide à l’autonomie, à peu près à parité entre personnes âgées et personnes handicapées. S’y ajoutent, des financements de l’État pour un peu plus de 15 milliards d’euros, de la Sécurité sociale pour presque 10 milliards d’euros, des conseils départementaux pour un peu plus de 12 milliards d’euros et de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) pour 442 millions d’euros.
Le handicap ne donne pas systématiquement lieu à une reconnaissance administrative pouvant ouvrir des droits à des prestations ou à des dispositifs d’accompagnement spécifiques. Que ce soit pour les enfants ou les adultes handicapés visuels, seuls 20 % bénéficie d’une reconnaissance administrative de leur handicap [6].
Le handicap est une notion complexe à définir. Il n’existe pas de recensement des personnes en situation de handicap, mais des données issues d’enquêtes ou de sources administratives qui permettent d’approcher la population concernée.
À la rentrée 2014, 330 200 enfants et adolescents en situation de handicap étaient scolarisés (tableau 32-3). Les trois quarts de ces élèves étaient scolarisés en milieu ordinaire et le quart restant dans des établissements hospitaliers ou médico-sociaux [7].
On retrouve en 2010, 1817 places dans les établissements accueillant spécifiquement des enfants déficients visuels [8] et 3322 places dans les services d’éducation spéciale et de soins à domicile autonomes (SESSAD comprenant SAFEP et SAAAS) soit un peu plus de 6000 places, alors que l’on estime à 60 000 le nombre d’enfants et adolescents de moins de 20 ans présentant une déficience visuelle modérée à très sévère [9].
La grande majorité des enfants déficients visuels sont soit :
non pris en charge par une structure spécifiquement pour déficient visuel, car déjà suivis par une autre structure ou service, la déficience visuelle n’étant pas la principale;
non pris en charge par une structure, souvent non ou mal repérés par l’école, très rarement suivis par une orthoptiste « basse vision » .
On retrouve les déficients visuels éparpillés dans de nombreuses structures, sans pouvoir en isoler le nombre précis (tableau 32-4) [10].
Le coût annuel en 2013 en SESSAD est de 16 007 € par enfant pris en charge [11]. Dans un autre rapport, on trouve un coût annuel des SAFEF SSEFIS de 25 027,19 € [12].
Quelques données étrangères sont disponibles, notamment en provenance du Canada. On estime, pour l’année 2007, à 15,8 milliards de dollars canadiens le coût financier réel de la perte de vision au Canada en 2007, ce qui représente 1,19 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. Le coût financier réel se compose de deux éléments : des coûts indirects estimés à 7,2 milliards de dollars canadiens et des coûts directs (liés à la santé dont 40 % des frais sont associés aux services des ophtalmologistes, des optométristes et des opticiens, de même que les verres correcteurs) de 8,6 milliards de dollars canadiens. Le coût net de la souffrance (aussi appelé « fardeau de la maladie » ) due à la perte de vision s’ajoute au coût financier et a été estimé à 11,7 milliards de dollars canadiens pour 2007. Le coût de la perte de vision est un fardeau énorme au Canada, beaucoup plus lourd que celui de la plupart des autres maladies. La perte de vision constitue une proportion importante, soit environ 8 % , du fardeau économique de la maladie au Canada. Par rapport à d’autres maladies, la perte de vision constitue aussi un lourd fardeau sur le plan des dépenses globales, attribuable en grande partie au coût élevé de la perte de productivité pour l’économie canadienne. Pour ce qui a trait aux coûts financiers totaux (directs et indirects), la perte de vision se classe au quatrième rang par rapport à toutes les autres catégories de maladies, devant le diabète, les maladies respiratoires et les troubles mentaux [13].
En France, quelques coûts directs sont disponibles à partir de données issues des ALD, car la plupart des maladies visuelles de l’enfant aboutissant à une déficience visuelle peuvent relever en France du régime des ALD [14].
Les ALD sont des affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse. Celle-ci passe notamment par la définition, pour tout enfant entrant en ALD, d’un nouveau protocole de soins définissant le parcours de soins souhaitable pour le malade. Le protocole est validé par le médecin conseil de l’Assurance maladie. Les ALD concernent des pathologies et non des déficiences (tableau 32-5) [15].
Tableau 32-4 - Structure de la dépense des établissements et services médico-sociaux en faveur des personnes handicapées enfants et adultes en 2015.
* Chiffres arrondis pour chacune des 6 lignes suivantes de la colonne, expliquant le total de 6331 et non pas 6329 pour la somme des lignes 2 à 7.
** Sauf centre d’action médico-social précoce (CAMSP) et centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) qui ont une logique de file active.
(Source : Les soins de longue durée aux personnes handicapées. Les dépenses de santé en 2015, fiche 33. DREES ; 2016, p. 116. En ligne : http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cns2016.pdf)
Certaines maladies rares avec atteintes visuelles [16] ont des recommandations écrites par la Haute autorité de santé (HAS) comme :
ALD hors liste – syndromes de Marfan et apparentés;
ALD hors liste – syndrome de Prader-Willi;
ALD – syndrome de Bardet-Biedl.
Le régime des ALD a une portée plus limitée. Il vise à réduire le reste à charge des patients bénéficiaires du régime pour les soins liés à l’ALD exonérante. Il permet encore d’assurer une prise en charge plus importante que pour les autres patients mais pas une prise en charge intégrale. Le périmètre des soins exonérés est limité. L’exonération du ticket modérateur est limitée aux soins en rapport avec la maladie exonérante et ne permet pas de financer, par exemple, l’intégralité des aides techniques nécessaires à la compensation du handicap.
Le taux de personnes sans couverture maladie complémentaire était en 2004 de 11,2 % pour les personnes en ALD et de 8,1 % (le taux des personnes en ALD sans couverture complémentaire croît avec l’âge : 7,2 % entre 2 et 15 ans, 10,2 % entre 16 et 39 ans) pour les assurés non ALD. Ainsi, plus d’un million de personnes en ALD ne sont pas couvertes par une complémentaire. Il s’agit souvent d’assurés modestes, âgés et inactifs. Ces personnes doivent assumer directement l’intégralité du reste à charge. Cette situation pourrait les conduire à renoncer à des soins.
Le marché des aides techniques au handicap représente 19 milliards d’euros, soit 12 % de la consommation des biens médicaux, et plus de 60 000 produits différents. Les produits remboursés par l’assurance maladie ne représentent qu’une faible partie du total : 3,097 milliards d’euros sur 19 [17]. Différents types d’aide technique visuelle et leur coût moyen sont présentés dans le tableau 32-6.
Tableau 32-5 - Déficiences visuelles dans certaines affections longue durée (ALD) touchant l’enfant de moins de 20 ans [15]. Numéro ALD Nom de l’ALD
Tableau 32-6 - Différents types d’aides techniques visuelles et leur coût moyen.
VL : vision de loin ; VP : vision de près.
[1] OMS. Plan d’action pour la prévention de la cécité et des déficiences visuelles évitables, 2009–2013. OMS ; 2010, 36 p.
[2] Von Lennep F, Galtier B, Riposa C. Bien-être des jeunes enfants dans l’accueil et l’éducation en France et ailleurs. Actes du colloque, 10 et 11 octobre 2011, Coll. Études et Statistiques. DREES ; 2011, 185 p.
[3] Prado C. Le coût économique et social de l’autisme. Avis du Conseil économique, social et environnemental. Éditions des Journaux officiels ; 2012, 66 p.
[4] Hotte R, Martin H. Mesurer le coût de l’enfant : deux approches à partir des enquêtes Budget de famille. Solidarité Santé (DREES) juin 2015, no 62.
[5] Favrat A, Marc C, Pucci M. Les dispositifs sociaux et fiscaux en faveur des familles : quelle compensation du coût des enfants ? Économie et Statistique 2015, no 478, 479 et 480.
[6] Cambois E, Montaut A. État de santé et participation sociale des adultes atteints de limitations fonctionnelles. In : L’État de santé de la population en France. Rapport 2011. Coll. Études et Statistiques. DREES ; 2011.
[7] INSEE. Nombre de personnes handicapées. TEF édition 2016. Coll. Insee Références. INSEE ; 2016.
[8] Makdessi Y, Mordier B. Établissements et services pour enfants et adolescents handicapés. Résultats de l’enquête ES 2010. Série Statistiques (DREES) mars 2013, no 177, 362 p.
[9] Sander MS. La population en situation de handicap visuel en France : importance, caractéristiques, incapacités fonctionnelles et difficultés sociales. Exploitation d’enquêtes HID 1998/99. Observatoire régional de la santé des Pays de la Loire ; 2005, 162 p.
[10] Les soins de longue durée aux personnes handicapées. Les dépenses de santé en 2015, fiche 33. DREES ; 2016, p. 116. En ligne : http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/cns2016.pdf
[11] Accompagnement des personnes en situation de handicap. ARS Pays de la Loire ; 2014. En ligne : http://www.ars.paysdelaloire.sante.fr/fileadmin/PAYS-LOIRE/F_accompagnement_soins/accompagnement_medico-social/indicateurs/plaquette_indicateurs_PH_2014.pdf
[12] Rapport d’orientation budgétaire régional 2012 pour les établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées financés par l’assurance maladie. ARS Midi-Pyrénées ; 2012. En ligne : http://ars.sante.fr/fileadmin/MIDI-PYRENEES/0_INTERNET_ARS_MIP/ACTEURS_EN_SANTE/Etablissement/Lettre_ROB_PH_2012.pdf
[13] Le coût de la perte de vision au Canada : rapport sommaire. INCA/SCO ; 2009, 26 p. En ligne : www.inca.ca/cpv
[14] Door JP. Rapport d’information en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale sur les affections de longue durée. Rapport no 1271 présenté à l’Assemblée nationale par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, nov. 2008, 217 p.
[15] Affection de longue durée (ALD). Données statistiques annuelles sur les patients du régime générale de l’assurance maladie bénéficient d’une prise en charge pour affection de longue durée (ALD- et leurs pathlogies. En ligne : http://www.ameli.fr/l-assurance-maladie/statistiques-et-publications/donnees-statistiques/affection-de-longue-duree-ald/
[16] Schéma national d’organisation sociale et médico-sociale pour les handicaps rares 2014–2018. CNSA ; 2015, 156 p.
[17] Rapport sur les apports de la science et de la technologique à la compensation du handicap. 2008. En ligne : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-off/i1010.asp#P1463_186569
D. Lassalle
Légalement, toutes les structures doivent pouvoir, en principe, accueillir un enfant en situation de handicap. Cet accueil est un facteur important d’intégration sociale et une étape capitale pour le développement des capacités et des potentialités des enfants déficients visuels.
Néanmoins, si ses besoins le nécessitent, l’enfant peut bénéficier d’un suivi spécifique par un service médico-social ou dans un établissement spécialisé.
Différents modes de scolarisation existent pour les élèves déficients sensoriels, selon leurs besoins.
La loi du 11 février 2005 a créé un lieu unique destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées : les MDPH. Ces dernières offrent dans chaque département un accès unifié aux droits et prestations prévus pour les personnes handicapées.
Ces MDPH par l’intermédiaire d’une équipe pluridisciplinaire sont chargées de l’évaluation des besoins de compensation de la personne dans le cadre d’un dialogue avec elle et ses proches.
Ensuite, la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), née de la fusion en 2005 de commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) et des commissions départementales d’éducation spéciale (CDES), prend les décisions relatives à l’ensemble des droits de la personne handicapée sur la base de l’évaluation réalisée par l’équipe pluridisciplinaire et du plan de compensation proposé.
Elle associe étroitement les parents à la décision d’orientation de leur enfant et à toutes les étapes de la définition de son projet personnalisé de scolarisation.
Cette prestation familiale est destinée à aider les parents à faire face aux dépenses liées à l’éducation de leur enfant handicapé. Elle est versée mensuellement par la Caisse d’allocations familiales (CAF) sur décision de la CDAPH. La demande doit être adressée à la MDPH par la famille de l’enfant. L’attribution de cette allocation par la CDAPH dépend du taux d’incapacité permanent fixé par cette commission. L’allocation peut être versée dès la naissance et jusqu’à l’âge de 2 ans.
La carte d’invalidité procure à son bénéficiaire ou, pour les mineurs, à leurs parents ou aux personnes qui en ont la charge, certains avantages financiers ou matériels destinés à compenser les atteintes dues au handicap. La carte d’invalidité permet ainsi à son titulaire de bénéficier d’une demi-part supplémentaire dans le calcul de l’impôt sur le revenu. La demande de carte doit être adressée par simple courrier à la MDPH.
Pour les élèves handicapés qui présentent un taux d’incapacité égal ou supérieur à 50 % , un transport individuel peut être mis en place pour l’année scolaire.
Si la famille assure elle-même le transport de l’élève handicapé, elle peut bénéficier d’une indemnisation par les services du conseil général.
Tous les enfants sont inscrits à l’école de leur secteur. Celui-ci constitue l’établissement de référence. Un élève handicapé peut déroger à cette règle lorsque les aménagements nécessaires à sa scolarité ne peuvent pas être mobilisés au sein de cet établissement.
Ce projet est élaboré par l’équipe pluridisciplinaire d’évaluation. Il tient compte des souhaits de l’enfant ou de l’adolescent et de ses parents ainsi que de l’évaluation de ses besoins, notamment en situation scolaire.
L’équipe exerce une fonction de veille sur le projet personnalisé de scolarisation afin de s’assurer que toutes les mesures qui y sont prévues sont effectivement réalisées et d’observer les conditions de cette réalisation.
Dans un secteur déterminé, un enseignant référent a pour mission d’être le moteur des projets personnalisés de scolarisation et le premier interlocuteur de tous les partenaires de la scolarisation des élèves handicapés, en tout premier lieu des parents de ces élèves.
Les CLIS permettent l’accueil dans une école primaire ordinaire d’un petit groupe d’enfant (12 au maximum) présentant le même type de handicap.
Les UPI sont des dispositifs ouverts au sein des collèges ou des lycées ordinaires afin de faciliter la mise en œuvre des projets personnalisés de scolarisation des élèves qui ne peuvent s’accommoder des contraintes parfois lourdes de la scolarisation individuelle.
Il existe des dispositions particulières pour permettre aux élèves de présenter tous les examens et concours de l’Éducation nationale dans des conditions aménagées : « tiers temps » (augmentation d’un tiers du temps des épreuves ou réduction du nombre d’épreuves ou exercices), utilisation d’un matériel spécialisé.
L’enseignement à distance par le Centre national d’enseignement à distance (CNED) est possible. Le CNED a signé fin 2009 une convention cadre avec la Fédération nationale pour l’insertion des personnes sourdes et des personnes aveugles en France (FISAF) pour proposer des supports de cours adaptés aux personnes aveugles et malvoyantes.
Les portes de l’université et des écoles s’ouvrent aux déficients visuels depuis une dizaine d’années. La loi du 11 février 2005 sur l’égalité des chances a permis la généralisation de structures d’accueil spécialisées et la mise en place de dispositifs pour faciliter le suivi des cours. Signée en septembre 2007, la charte « Université handicap » les engage notamment « à rendre accessibles les supports d’étude » .
L’université, quand elle n’a pas le matériel, passe une convention avec une association. Certains font aussi appel au service d’aide à l’acquisition de l’autonomie et à la scolarisation (SAAAS) qui les suivait au lycée.
Des aménagements sont, par ailleurs, prévus pour le passage des examens : un tiers-temps et en général le sujet sur support informatique, accessible sur son ordinateur.
Malgré une diversification des emplois accessibles aux déficients visuels, notamment grâce aux progrès technologiques, les déficients visuels continuent de souffrir de sous-emploi.
Le taux de chômage des déficients visuels est encore de plus de 19,5 % selon la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes (CFPSAA).
Sur les quelque 17 000 personnes aveugles en âge de travailler, seules 7000 auraient aujourd’hui une activité professionnelle.
Durant des années, les personnes avec une déficience visuelle ont été traditionnellement orientées vers certains métiers supposés plus adaptés (masseurs-kinésithérapeutes, accordeurs de piano, rempailleurs) mais depuis, les possibilités d’orientation professionnelle se sont largement diversifiées : musicien, informaticien, enseignant, interprète, juriste, chercheur, téléconseiller, et bien d’autres encore!
Pour en savoir plus
Les sites Internet de l’Éducation nationale :
Le certificat MDPH ophtalmologique : certificat_oph_2r.pdf
X. Zanlonghi
Le vélo, cycle ou bicyclette, est un véhicule ayant au moins deux roues et propulsé par la force humaine. Le vélo doit rouler sur la chaussée ou sur une bande cyclable quand elle existe. Une exception : les cyclistes de moins de 8 ans peuvent se déplacer sur le trottoir.
Chez le jeune enfant, il existe des systèmes d’accrochage d’un vélo enfant à un vélo d’adulte, voire de tandem dont la place arrière est plus basse. Plus grand, selon le degré de déficience visuelle, le vélo est possible accompagné d’un ou de deux adultes pour le guider à la voix. Un champ visuel tubulaire pose des problèmes de détection des piétons et autres véhicules, alors qu’une perte de la vision centrale entraîne une perte de contraste, une perte de l’appréciation des distances et une grande difficulté à apprécier les petits obstacles comme les dénivelés ou les bordures de trottoir.
Le tricycle est à proposer en cas de trouble moteur ou de l’équilibre comme dans le syndrome de Usher de type 1.
Pour le vélo et le tricycle même électrique, il n’y a besoin ni de permis de conduire, ni d’aptitude médicale. Seule l’assurance responsabilité civile des parents est nécessaire. Nous recommandons de demander l’avis d’un instructeur en locomotion ou d’un moniteur d’auto-école spécialisé.
La vitesse par construction du fauteuil est au plus celle du pas, c’est-à-dire égale ou inférieure à 6 km/h, l’utilisateur étant assimilé à un piéton (art. R. 412-34, II, 3e alinéa du Code de la route qui concerne le fauteuil roulant manuel et le fauteuil roulant motorisé). Il existe un code du piéton pour les personnes handicapées en fauteuil, élaboré par l’Association régionale des infirmes moteurs cérébraux (ARIMC), pour acquérir les compétences nécessaires pour circuler sans accompagnement et en sécurité en ville [1].
Si la vitesse dépasse les 6 km/h, le fauteuil est assimilable à un véhicule appartenant à la catégorie quadricycle léger et lourd à moteur. Son conducteur est tenu d’être titulaire soit du permis de conduire (catégorie AM), soit de la catégorie de permis de conduire correspondant au véhicule [2].
Les fauteuils roulants sont utilisés par des enfants et adolescents présentant une double déficience à la fois visuelle et neurologique. L’ophtalmologiste doit aider la famille et l’équipe rééducative en donnant des indications sur la perception des obstacles périphériques (passage de porte, etc.) et surtout des obstacles situés « droit devant » : l’enfant sera-t-il capable de repérer un escalier et de freiner à temps? Si l’enfant n’a pas cette capacité, la famille pourra utiliser des fauteuils roulants dits « vélos » .
Depuis le 19 janvier 2013, de nouveaux permis de conduire sont délivrés. Accordés sous condition d’âge, ils devront être renouvelés tous les 15 ans (tableau 32-7).
L’aptitude médicale est régie par l’arrêté du 18 décembre 2015 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée. Nous retiendrons principalement :
l’article 2.1.1, concernant l’acuité visuelle en vision de loin et stipulant s’il y a incompatibilité si l’acuité visuelle est inférieure à 5/10; si un des deux yeux a une acuité visuelle nulle ou inférieure à 1/10, il y a incompatibilité si l’autre œil a une acuité visuelle inférieure à 5/10;
l’article 2.1.2 concernant le champ visuel (critères de champ visuel pour l’aptitude médicale des permis A1, A, B1, B) : il y a incompatibilité si le champ visuel horizontal est inférieur à 120°, à 50° vers la gauche et la droite et à 20° vers le haut et le bas; aucun défaut ne doit être présent dans un rayon de 20° par rapport à l’axe central; il y a incompatibilité en présnce de toute atteinte notable du champ visuel du bon œil si l’acuité d’un des deux yeux est nulle ou inférieure à 1/10.
Tableau 32-7 - Catégories de permis.
* Il remplace le brevet de sécurité routière (BSR).
ASR : attestation de sécurité routière ; ASSR : attestation scolaire à la sécurité routière
En matière de vision, les normes adoptées permettent une prise en compte plus globale des fonctions visuelles. Refuser l’aptitude à la conduite sur base d’un seul critère, sans tenir compte des autres, ne correspondrait plus à la réalité d’aujourd’hui; en effet, une faiblesse sur un point précis, comme une acuité visuelle limite, peut souvent être compensée par de bons résultats pour d’autres critères, comme le champ visuel, la vision crépusculaire, la sensibilité à l’éblouissement et aux contrastes, par exemple. Une demande de dérogation est possible auprès d’un médecin agréé de la préfecture du département avant de commencer l’apprentissage du permis de conduire [3].
Il entre dans les missions du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche d’assurer la sécurité des personnels et des élèves dans l’enseignement primaire et secondaire, mais aussi de prévoir une éducation à la sécurité dans les enseignements concernant la vie scolaire mais également sous d’autres formes pour les activités post- et périscolaires (Code de l’Éducation nationale, sous-section 1 : l’enseignement des règles générales de sécurité, article D. 312-40). L’obligation d’assurer une éducation à la sécurité en milieu scolaire concerne trois familles de risques :
la sécurité routière;
les accidents domestiques;
les risques majeurs naturels et technologiques.
Les accidents de la route constituent la première cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 24 ans. Environ 46 % des victimes de moins de 15 ans sont des piétons ou des cyclistes. Pour prévenir et réduire ces accidents, la période de la scolarité au collège représente un moment privilégié d’éducation à la sécurité routière.
La circulaire no 2002-229 du 25-10-2002 met à disposition des équipes pédagogiques deux documents pour leur permettre d’organiser la mise en œuvre de l’attestation de première éducation à la route (APER) [4].
L’éducation à la sécurité routière est finalisée par l’obtention de deux attestations scolaires à la sécurité routière (ASSR) : l’une de niveau 1 en classe de cinquième et l’autre de niveau 2 en classe de troisième. La formation pratique de 7 heures est assurée par une école de conduite ou par une association d’insertion ou de réinsertion sociale ou professionnelle agréée par le préfet [5].
Si la déficience visuelle est trop importante, il existe une attestation d’éducation à la route (AER). L’épreuve est une adaptation de l’ASSR avec une sélection de questions centrées sur les piétons, les passagers et la santé. Les élèves concernés n’ont pas de limite de temps pour passer l’épreuve qui leur permet d’obtenir une attestation de connaissances sur le partage de l’espace routier et des risques encourus dans leur position d’usager.
[1] ARIMC. Le code du piéton. En ligne : http://cajvaise.free.fr/codedupieton/index.php
[2] APF-CTN-LA/PCN – Thème 1 – Fiche pratique 1e : les déplacements en fauteuil électrique – avril 2010 (http://vos-droits.apf.asso.fr/). En ligne : http://vos-droits.apf.asso.fr/media/01/01/1984651309.pdf
[3] Zanlonghi X, Bizeau T, Thorel P. Les déplacements terrestres : aptitude visuelle. Conduire sans permis. In : Zanlonghi X, Quinton-Fantoni S. L’aptitude visuelle : l’oeil sain, l’oeil opéré, l’oeil pathologique. Rapport des sociétés d’ophtalmologie. Marseille : Lamy ; 2013, p. 46-58.
[4] Mise en oeuvre d’une attestation de première éducation à la route dans les écoles maternelles et élémentaires. Encart B.O. no 40. 2002. En ligne : http://www.education.gouv.fr/botexte/bo021031/MENE0202499C.htm
[5] Attestations scolaires de sécurité routière. Mise à jour : juin 2016. En ligne : http://www.education.gouv.fr/cid2625/les-attestations-scolaires-de-securite-routiere.html
X. Zanlonghi
L’évolution des mentalités et des techniques s’est couplée à des évolutions législatives favorisant l’intégration des personnes handicapées notamment par le sport. Ainsi, la loi française précise dans l’article L. 100-1 du Code des sports : « Les activités physiques et sportives constituent un élément important de l’éducation, de la culture, de l’intégration et de la vie sociale. Elles contribuent notamment à la lutte contre l’échec scolaire et à la réduction des inégalités sociales et culturelles, ainsi qu’à la santé. La promotion et le développement des activités physiques et sportives pour tous, notamment pour les personnes handicapées, sont d’intérêt général. » [1, 2, 3]
Les améliorations techniques et l’audace des sportifs handicapés permettent tous les espoirs et ce qui paraît actuellement inconcevable sera peut-être demain réalisé [4].
L’école est un lieu particulièrement important pour cette initiation sportive car l’éducation physique et sportive (EPS) est un espace de socialisation du fait de l’interaction avec les autres (confrontation, compétition, partenariat, etc.) engageant la prise de position d’une place dans un groupe et d’un statut dans une équipe [5, 6].
Tableau 32-8 - Quelques sports accessibles aux jeunes déficients visuels [9].
L’appareillage optique doit perturber au minimum la prise d’information visuelle en particulier la vision périphérique. Les lunettes doivent être :
légères;
non dangereuses (matériaux en polycarbonate);
stables sur le visage, souvent avec un dispositif anti-perte.
On privilégiera la correction de loin avec souvent des verres filtrants.
Quelques sports peuvent nécessiter une sécurité spéciale :
natation (agression par antiseptiques, type agent chloré);
squash, tennis, badminton, etc. (risque de traumatismes graves).
On trouve sur le marché, des verres et des montures adaptées à chaque type de sport, le catalogue le plus connu étant celui de Demetz5. .
Les sports possibles pour un enfant ou un adolescent qui présente une déficience visuelle sont à différencier selon le niveau de pratique :
en initiation : quasiment tous les sports peuvent être pratiqués « à l’essai » avec un encadrement technique professionnel, y compris l’escalade, ou même le tennis;
pour le loisir : le nombre des sports se révèle beaucoup plus limité;
en compétition : la pratique devient très réglementée; elle est réservée à un certain niveau de compétence sportive et est limitée par certaines déficiences; elle va nécessiter des certificats médicaux :
de « non-contre-indication ophtalmologique » à la pratique d’une activité bien spécifique (dangerosité, fragilité oculaire, etc.);
détaillant un niveau de déficience visuelle; dans ce cadre interviennent les classifications visuelles nécessaires pour l’accès aux compétitions (tableau 32-8) [7, 8, 9].
Il existe enfin pour les yeux « fragiles » des contre-indications ophtalmologiques.
Des recommandations de pratiques sportives pour les enfants et adolescents déficients visuels, avec globe oculaire anatomiquement fragile, que ce soit pour le loisir ou en compétition [10], peuvent éventuellement dans certaines situations contre-indiquer les sports suivants :
le départ plongé en natation;
le judo avec les chutes à répétition sur le tatami;
l’haltérophilie et ses efforts en apnée qui augmentent la pression intra-oculaire;
la plongée sous-marine et l’hyperpression;
le « cécifoot » , sport de contact avec des traumatismes fréquents;
les sauts en hauteur, en longueur et le triple saut à cause des chocs à la réception.
En fonction de la cause du handicap visuel et du sport pratiqué, l’ophtalmologiste peut émettre des restrictions et notamment lorsque les globes oculaires sont dits « fragiles » (antécédents de décollement de rétine ou de buphtalmie par exemple).
Actuellement, un certificat de non-contre-indication à une pratique sportive est obligatoire.
[1] Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l’action de l’État. Rapport public thématique. Cour des comptes ; janvier 2013, 230 p.
[2] Adapter l’enseignement de l’EPS à un élève déficient visuel. Académie de Versailles, Inspection pédagogique régionale ; juin 2004. En ligne : http://eps.ac-rouen.fr/telechargement/epsadapte/handicap% 20visuel% 20et% 20EPS.pdf
[3] Handisport sport et activités sportives des personnes handicapées. Revue Réadaptation 1998 ; no 45 : 5-46.
[4] Genolini JP. Le statut du handicap dans la représentation du sport comme facteurd’intégration sociale. Handicaps et Inadaptations. Les Cahiers du CTNERHI 1994 ; no 62 : 61-74
[5] Bras C, Nicolas C, Quelleuc PY, Guillement J. Guide pratique : « sport et déficience visuelle » . Association Gabriel Deshayes, mars 2009, 50 p.
[6] Un exemple d’adaptation en EPS pour les déficients visuels. Académie de Grenoble. En ligne : http://www.ac-grenoble.fr/ash/file/Christine-RessourcesPegagogiques/Michel-Frank-Ex-Adaptation-EPS-DV.pdf
[7] De Salvia L. IBSA Classification rules and procedures. IBSA Medical Director, Second Revision – January 2012, 26 p. En ligne : http://www.ibsasport.org/classification/
[8] Sports praticables par les personnes déficientes visuelles. Fiche 20A de la Fédération française d’handisport. En ligne : http://www.handisport.org/documents/pedagogie/Sports-DV.pdf
[9] Zanlonghi X, Challe G. OEil et sport. In : Zanlonghi X, Quinton-Fantoni S. L’aptitude visuelle : l’oeil sain, l’oeil opéré, l’oeil pathologique. Rapport des sociétés d’ophtalmologie. Marseille : Lamy ; 2013, 167-80.
[10] Callarec J. Accueillir un athlète malvoyant. Revue Sport et Plein air, avril 2012.
B. Le Bail
Se projeter dans l’avenir, élaborer un projet de vie sont des sources fondamentales d’interrogation et de motivation pour tous les adolescents. Le choix et l’orientation professionnels sont au cœur de cette réflexion. Chez les jeunes porteurs de handicap, et en particulier visuel, l’anxiété, l’angoisse parfois existent face à ces questions : Quel métier m’attire? Est-ce que j’en ai les capacités physiques? Existe-t-il une liste de métiers accessibles aux déficients visuels?
Il s’agit, ici, de mettre en adéquation le désir formulé par le jeune au regard de la faisabilité de son projet professionnel. Tous les métiers ne sont pas équivalents en termes d’exigences visuelles. Dix pour cent des accidents du travail [1] seraient en lien avec des conditions défavorables de vision. Certaines tâches requièrent de hautes compétences visuelles dans un cadre d’obligation de sécurité. Il existe alors des normes réglementaires d’incompatibilité : ce sont les métiers des transports, les métiers militaires, certains métiers de santé [1]. Nous sommes là en face d’un principe de réalité en général bien admis par les jeunes déficients visuels. Notons toutefois que, dans ce contexte, l’incompatibilité au permis de conduire est évoquée et souvent mal acceptée! À côté de ces professions, il existe des postes à contraintes visuelles sans cadre légal (cariste, travail sur écran), et des métiers où la décision d’aptitude relève de la décision du médecin du travail. Ce professionnel de santé confronte alors les capacités visuelles du postulant, les exigences visuelles de la profession (exemple : travaux minutieux de montage de circuits électriques ou électroniques), l’ergonomie du poste de travail et les éventuelles possibilités d’aménagement.
Il n’existe bien sÛr pas de liste type de métiers accessibles aux déficients visuels. La perpétuelle évolution du monde du travail, la place désormais prépondérante de l’outil informatique font qu’il faut se poser la question de manière spécifique et individuelle vis-à-vis de chaque jeune.
Les personnes en situation de handicap bénéficient d’un certain nombre de droits et de dispositifs pour faciliter l’accès au monde du travail [2].
Dans un premier temps, la reconnaissance du handicap par la MDPH permet la mise en place des dispositifs d’aide à la scolarisation et à l’inclusion sociale déjà évoqués dans cet ouvrage. À partir de l’âge de 16 ans (15 ans si l’intéressé est dégagé des obligations scolaires ou autorisé à démarrer un apprentissage), dès que le taux de handicap atteint 50 % , le jeune peut obtenir la reconnaissance qualité de travailleur handicapé (RQTH). C’est un élément fondamental d’aide à l’élaboration de son futur parcours professionnel. Cette reconnaissance permet notamment de :
être orienté vers un ESAT;
être orienté vers un centre de rééducation professionnelle ou centre de pré-orientation;
être orienté vers Cap Emploi (réseau spécialisé de recherche d’emploi);
accéder aux aides de l’AGEFlPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées)6. et du Fonds d’insertion professionnelle pour la fonction publique (FIPHP)7. pour l’aménagement du poste de travail;
obtenir un appui pour le maintien dans le poste de travail via le service d’appui maintien emploi des travailleurs handicapés (SAMETH).
Schématiquement, trois parcours d’orientation existent : en milieu ordinaire, en milieu protégé et en milieu « mixte » combinant une formation en milieu spécialisé qui aboutit à une recherche d’emploi en milieu ordinaire.
Le Bulletin Officiel d’aoÛt 2016 [3] rappelle que les élèves en situation de handicap doivent bénéficier comme tous les autres élèves des phases d’information et d’orientation définies par le parcours Avenir [4]. Ces procédures spécifiques ont pour but de faciliter la réalisation des stages de découverte des métiers et l’orientation des élèves via l’outil « Affelnet » (Affectation des élèves en lycée ou en lycée professionnel) et de renforcer le continuum de l’enseignement scolaire à l’enseignement supérieur.
L’accès à l’université est facilité par les services universitaires de médecine préventive, qui interviennent en collaboration avec les MDPH pour élaborer le Plan accompagnement étudiant handicapé (PAEH), et par le Bureau aide insertion professionnelle (BAIP) pour les recherches de stage et de premier emploi8. Pour les grandes écoles, en théorie une structure d’accueil dirigée par un référent handicap existe dans chaque établissement. L’accueil dans ces établissements est à chaque fois spécifique et il convient de conseiller au jeune de se renseigner ponctuellement sur la qualité des adaptations et des soutiens dont il pourra bénéficier.
8. handi-u.fr
Celui-ci peut se dérouler en centre formation apprentissage (CFA) ou en entreprise. Des aménagements sont possibles : dérogation à la limite d’âge, durée du contrat d’apprentissage, possibilité de pédagogie adaptée. Les employeurs peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt ou de prime spécifique. Tout est fonction de la motivation de chacun.
Une dizaine de lycées professionnels [5] est spécialisée dans l’accueil des jeunes déficients visuels. Nous les avons évoqués plus haut dans le chapitre 32.2
Enfin notons que dans certaines régions, les étudiants déficients visuels peuvent bénéficier du soutien de services du médico-social. Après les SESSAD [6] qui interviennent de 0 à 20 ans quelques structures existent : dispositif DV 14-25 ans dans le 94 (service dédié à l’accompagnement de jeunes déficients visuels en cours de formation) ou SAMSAH DV (service accompagnement médico-social pour adultes handicapés déficients visuels) qui peuvent assurer une prise en charge à partir de 20 ans. Malheureusement, ces services sont peu nombreux, les étudiants et leurs familles se retrouvent souvent isolés face aux conséquences du handicap visuel, un peu « perdus » après les années de suivis par les SAAAS.
À côté des formations de « droit commun » ouvertes à tous, la formation professionnelle pour les personnes handicapées repose sur les centres de rééducation professionnelle (CRP) [5]. Certains de ces centres accueillent exclusivement un public non voyant ou malvoyant (voir chapitre 32.2). Les CRP sont des structures médico-sociales; le temps de formation y est augmenté pour que les stagiaires bénéficient d’un accompagnement spécifique en parallèle à leurs cours. Par exemple, une formation de télé-conseiller qui dure 4 mois à l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est dispensée en 1 an en CRP. De plus, une année préparatoire à la formation est souvent indispensable pour une mise à niveau scolaire et surtout pour l’acquisition des outils de compensation du handicap (braille, informatique adaptée). Le but est d’amener ces jeunes vers une autonomie, leur permettant d’aboutir à un vrai projet d’insertion sociale. L’enjeu est de passer de l’environnement protecteur du milieu protégé vers celui extérieur d’une entreprise en milieu ordinaire. Les coordonnées de ces CRP sont sur le site Internet de la Fédération des associations gestionnaires et des établissements de réadaptation pour handicapés (FAGERH).
Pour les jeunes déficients visuels avec handicap(s) associé(s), qui ne possèdent pas les capacités d’intégrer le milieu ordinaire, l’accès au monde du travail se fait essentiellement dans deux types d’établissements protégés : les IMPro et les ESAT. Malheureusement, comme nous l’avons signalé plus haut, les débouchés sont souvent limités pour les malvoyants qui se retrouvent alors orientés vers des foyers occupationnels : foyer d’accueil médicalisé (FAM) ou maison d’accueil spécialisée (MAS).
Un certain nombre de consultations hospitalières de pathologie professionnelle existent. Elles peuvent assister les patients dans leurs différentes démarches vis-à-vis de leur orientation professionnelle et dans la détermination de leur aptitude à exercer un emploi. La consultation de pathologie professionnelle est la seule structure de référence à laquelle des médecins, en particulier du travail, peuvent adresser des patients afin d’obtenir un avis spécialisé. Certaines de ces consultations ont des partenariats privilégiés avec le monde du handicap visuel.
Au centre hospitalo-universitaire de Rennes par exemple, le partenariat avec le centre Angèle-Vannier permet le suivi de jeunes déficients visuels s’interrogeant sur la compatibilité de leur handicap avec l’orientation professionnelle envisagée. Une étude menée en 2008 dans ce centre [7] a repris le parcours professionnel de 151 jeunes suivis sur 20 ans. Parmi ceux-ci la majorité de ceux qui ont eu accès à un emploi pérenne sont titulaires d’un diplôme professionnel d’un niveau supérieur au bac. Au centre hospitalier régional universitaire de Lille, il existe une consultation mixte animée par un ophtalmologiste et un médecin du travail spécialisé en orientation professionnelle et (ré)insertion socio-professionnelle. Une étude rétrospective menée dans ce service [8] a mis en évidence un des freins à l’accès au monde du travail : le niveau scolaire faible de certains consultants les pousse vers des métiers « manuels » pour lesquels leur handicap visuel est un frein aboutissant à des difficultés d’orientation et de compatibilité entre un désir de métier « manuel » et une déficience de la fonction visuelle.
Paradoxalement, de nombreuses initiatives de structures privées ou associatives existent pour faciliter l’accès au monde du travail des déficients visuels. Sources d’aides réelles et concrètes, il ne faut pas les négliger.
Ces bilans sont des sources précieuses d’aide à la recherche d’orientation professionnelle. Une personne porteuse de handicap peut faire le choix d’être accompagnée par un centre de bilan « ordinaire » , « grand public » . Toutefois des centres spécialisés existent, qui soutiennent les jeunes dans l’identification d’un projet professionnel réaliste et réalisable en fonction de son profil. Compétences, motivation, intérêts professionnels et capacités fonctionnelles visuelles résiduelles sont pris en compte afin d’établir la compatibilité métier/handicap. Les opportunités d’emploi et les techniques de compensation du handicap mobilisables sont ensuite étudiées pour confirmer la faisabilité du projet. Ces bilans sont réalisés par des organismes de formation agréés (exemple : Résilience conseil) ou par des structures dépendant d’association, par exemple :
Club Emploi du Groupement des intellectuels aveugles ou amblyopes (GIAA)9. ;
cellule d’insertion professionnelle du service accompagnement à la vie sociale déficience visuelle de Paris au sein de l’Association Valentin-Haüy (AVH).
9.Contact : clubemploi@giaa.org
Les SIADV ont pour mission l’information et la sensibilisation sur la déficience visuelle, l’évaluation fonctionnelle des capacités visuelles des usagers, l’accompagnement et le maintien dans l’emploi. Ces services s’appuient sur tous les autres dispositifs locaux (Cap Emploi, médecine du travail, etc.). Ils sont implantés dans la plupart des régions de France : Bretagne, Centre-Val de Loire, Corse, Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pays-de-la-Loire, Normandie, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes.
Une étude a été réalisée par l’équipe de médecine du travail du centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts [9] sur l’insertion professionnelle et l’emploi d’adultes jeunes atteints de rétinopathie pigmentaire. Deux freins principaux à l’emploi sont retenus : l’existence de facteurs de risque professionnels pouvant mettre en jeu la sécurité des malvoyants ou de leur entourage professionnel (par exemple la conduite ou la manipulation de produits ou d’outils dangereux) et la méconnaissance des dispositifs d’aide à l’accès ou au maintien dans l’emploi. D’autres études rétrospectives, sur le devenir professionnel des handicapés visuels, mettent en évidence l’importance du niveau scolaire et des diplômes acquis. Rajoutons à ces constatations le rôle primordial de l’autonomie dans les déplacements. Comment tenir sa place dans le monde du travail quand le professionnel n’est pas en capacité de prendre les transports en commun? Ou dans le monde rural, comment faire face à l’absence de ces transports? Il convient donc d’insister sur le soutien médico-professionnel qui doit être maintenu lors des phases d’orientation et d’apprentissage professionnel. Chacun y a son rôle : l’ophtalmologiste pour évaluer les compétences en vision fonctionnelle, le médecin du travail pour définir l’aptitude et la compatibilité du projet, le travailleur social pour l’accès aux différents droits et dispositifs et un éventuel soutien psychologique pour tenir bon devant ce marathon qu’est l’orientation professionnelle d’un jeune porteur de handicap.
[1] Zanlonghi X, Quinton-Fantoni S. L’aptitude visuelle : l’oeil sain, l’oeil opéré, l’oeil pathologique. Rapport des sociétés d’ophtalmologie. Marseille : Lamy ; 2013.
[2] Gerin Roig F, Le Bail B. Prise en charge sociale des malvoyants adultes et enfants. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). Ophtalmologie, 21-850-E-20. 2010 : p. 1-7.
[3] Scolarisation des élèves en situation de handicap circulaire no 2016-117 du 8-8-2016. Bulletin Officiel no 30 du 25 août 2016.
[4] Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 9 juillet 2015 défini par arrêté du 1 juillet 2015.
[5] Annuaire jeunes handicapés visuels 2014. Guide ONISEP ; 2014.
[6] ANESM. L’accompagnement des jeunes en situation de handicap par les services d’éducation spéciale et de soins à domicile. ANESM ; juin 2011.
[7] Le Cloitre Laurent M. Que sont-ils devenus ? Bulletin ARIBa mai 2008 ; no 20.
[8] Fantoni-Quinton S, Defoort-Delhemmes S, Cornez R. Consultation orientation scolaire en ophtalmologie : un vecteur de meilleure intégration socio-professionnelle Bulletin ARIBa mars 2013 ; no 30.
[9] Chaumont-Riffaut AE, Mohand Said S. Facteurs prédictifs de maintien dans l’emploi des personnes déficientes visuelles. Bulletin ARIBa septembre 2016 ; no 37.
E. Bui Quoc
La prise en charge d’un enfant non voyant, malvoyant ou « moins bien voyant » requiert une prise en charge globale, « médico-sociale » , c’est-à-dire qu’outre la prise en charge thérapeutique ophtalmologique, il est indispensable de guider et orienter parents et enfant.
Au cours de la démarche thérapeutique, parfois au terme d’un combat thérapeutique long, l’enfant peut se trouver dans une situation de moins bien voir, d’un œil, ou des deux. L’ophtalmologiste est amené à remplir un certificat de la MDPH, qui est une structure publique présente dans chaque département et qui va coordonner, pour les enfants comme pour les adultes, les soins et le suivi requis. Ce certificat à renouveler régulièrement doit être rempli avec le plus grand soin.
Première remarque : si dans ce certificat le « chiffre » d’acuité visuelle est noté, il faut bien avoir conscience qu’il n’y a pas de seuil qui déciderait pour un enfant une scolarité normale ou adaptée. Une vision à 2/10 peut être suffisante pour une scolarité normale chez certains; pour d’autres, si par exemple d’autres troubles sont associés, la scolarité sera proposée en milieu adaptée. La décision doit être le fruit de la discussion entre les parents, l’enfant s’il est assez grand et peut exprimer ses éventuelles difficultés et ses souhaits, et les soignants.
Seconde remarque : la reconnaissance du handicap par rédaction d’un certificat MDPH doit être prudente. Bien évidemment, c’est la commission spécifique de la MDPH qui statuera in fine, mais ce qu’il faut souligner, c’est qu’en cas de défaut visuel plutôt isolé, la demande de « certificat MDPH » , qui peut émaner des parents, des enseignants, d’autres collègues, peut parfois être plus maléfique que bénéfique. Si une « étiquette » de « handicapé » est excessivement ou trop tôt attribuée à un enfant, sa mise à l’écart dans une structure qui peut plus le tirer vers le bas que vers le haut peut être nuisible. Il semble par ailleurs très excessif de rédiger un tel certificat par exemple pour une amblyopie unilatérale, même profonde, ou chez un enfant ayant présenté une cataracte congénitale bilatérale précoce avec une vision de chaque œil qui peut dépasser à 5 à 6/10, voire être normale si la cataracte est tardive. Pour beaucoup de gens, médecins ou non, l’absence de 10/10 des deux yeux est parfois excessivement considérée comme un handicap.
La reconnaissance du handicap est bien sÛr souvent nécessaire, mais il faut savoir informer les parents et être vigilant sur les conséquences que cela peut engendrer, ce pourquoi la rédaction minutieuse des certificats est requise. La prise en charge par la MDPH peut parfois permettre aux parents d’obtenir une allocation financière; elle peut permettre plus facilement à un parent d’obtenir une adaptation de son temps de travail; pour l’enfant, elle peut permettre une prise en charge par exemple en psychomotricité, ce qui ne le serait pas autrement par la Sécurité sociale; elle permet le choix de la scolarité la plus adaptée à chaque cas, selon bien sÛr les possibilités locales. La reconnaissance par la MDPH permet des évaluations globales plusieurs fois par an afin de décider ce qui est le mieux pour l’enfant, pour la scolarité en particulier, sachant que les situations varient selon les départements. Pour un même enfant avec une même pathologie, il pourra être soit en classe normale avec aide, soit dans une classe particulière avec des enfants aux profils similaires.
Il existe deux certificats à remplir :
un premier certificat général, global (qui est le même pour les adultes et les enfants), dans lequel de nombreux éléments apparaissent, administratifs et médicaux (eFig. 32-1). Rien n’em- ES pêche le médecin ophtalmologiste de le rédiger (référent dans une pathologie ophtalmologique « pure » sans autre trouble associé), même si le médecin traitant a souvent un rôle à jouer dans cette évaluation globale. En page 1, les renseignements administratifs sont à remplir. En page 2, la maladie et son histoire sont décrites. À la fin de la page 2 sont évoqués les troubles sensoriels, auditifs et ophtalmologiques (en cas d’anomalie le certificat spécifique est à remplir). En pages 3 et 4, des informations sur la thérapeutique et le retentissement fonctionnel (retentissement en termes de mobilité pour une malvoyance par exemple) sont demandées. En page 4, il doit être noté précisément les préconisations et observations, et cela (si le handicap n’est qu’ophtalmologique) doit être réfléchi et clairement noté par l’ophtalmologiste après discussion avec les parents;
le second certificat est ophtalmologique (Fig. 32-3) : il décrit la pathologie, la fonction visuelle avec et sans correction (c’est très important par exemple pour une amétropie forte, éventuellement pathologique); des examens sont requis, mais parfois non réalisables chez le petit enfant, comme le champ visuel. La notion de « stabilité-aggravation-amélioration » est fondamentale à évaluer. Enfin, l’ophtalmologiste doit être clair dans son évaluation du « retentissement fonctionnel des troubles visuels sur la vie personnelle, sociale et professionnelle » afin de proposer la meilleure adaptation sociale et scolaire de l’enfant.
Fig. 32-3 Certificat ophtalmologique.
(Source : Ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville.)
Fig. 32-3 Certificat ophtalmologique. (Suite)
(Source : Ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville.)
R. Praud
L’équipement de l’enfant est une discipline à part entière du métier d’opticien. La qualité du choix de monture et la précision du centrage adapté au monde de l’enfant conditionnent le succès du projet thérapeutique. Toutes ces propriétés essentielles ont été largement détaillées dans un article rédigé par Alain Gomez dans le rapport 2013 de la Société française d’ophtalmologie (SFO) [1].
La monture doit être en plastique jusqu’à l’âge de 6 ans avec :
des cercles arrondis atteignant les sourcils sans appuyer sur les pommettes, unis d’un pont bas et étroit recouvert de silicone (Fig. 32-4);
des branches courtes et plus plates chez le nouveau-né et plus longues et ajustées avec un double coude lorsque l’enfant se tient assis.
Les verres doivent être incassables, le plus léger possible et filtrer les rayons ultraviolets (UV). Ils doivent aussi et surtout être centrés relativement à la direction du regard de l’enfant, c’est-à-dire vers le haut : le centre optique sera repositionné jusqu’à 4 mm plus haut et 1 mm plus nasalement.
Dans certains cas particuliers de handicap, lorsque l’opticien équipe un enfant malvoyant par exemple, ces exigences redoublent d’importance. La monture, support aux gages de la réussite, doit être confortable, stable et robuste pour pouvoir accueillir des verres souvent puissants. L’opticien devra également savoir adapter le centrage des verres en fonction des stratégies visuelles de compensation mises en place par le patient. Le centrage ne sera plus uniquement fonction de la position primaire (vision de loin, debout) et de la position secondaire (lecture à la distance de Harmon, assis).
Différentes solutions optiques sont utilisées :
les montures sur mesure;
les verres microscopiques;
les verres de forte puissance convexe;
les filtres spécifiques de protection lumineuse.
Dans certains cas pathologiques, le visage de l’enfant s’éloigne des normes morphologiques : angiomes de la face, craniosténoses et fentes faciales, aplasie ou hypoplasie de l’oreille externe, etc. Pour l’équiper, seule une monture sur mesure permet de garantir la bonne tenue au visage et le maximum de confort au porté. Réalisées en acétate de cellulose, ces montures s’adapteront à toutes les nécessités techniques et médicales. La prise des mesures très délicate requiert toute l’expertise de l’opticien; le choix de la taille et de la forme est d’une importance capitale pour corréler efficacement les résultats aux besoins (exemples : Fig. 32-5).
Il existe différentes familles d’aides visuelles, chacune avec leurs avantages techniques et ergonomiques : loupe à main, loupe à poser, système microscopique, système télescopique et agrandisseur électronique. Pour compenser un déficit d’acuité visuelle chez un jeune malvoyant, utiliser le principe du grossissement physiologique est de première intention. Il consiste à lire le texte de plus près pour voir les caractères agrandis (Fig. 32-6).
L’acuité est un angle. Lorsqu’on rapproche le test, la taille de la lettre décrivant le même angle est proportionnellement plus petite.
Fig. 32-5 Ponts : décalé dans un cas d'angiome de la face (a) et élargi dans un cas de malformation (b).
(Source : Lissac.)
C’est ce que font les plus jeunes malvoyants phaques lorsqu’ils se rapprochent naturellement du texte pour lire. Il n’est pas rare de voir de jeunes patients, avec 2/10 d’acuité visuelle maximale de loin, qui ont une lecture fluide de près avec P2 à 10 cm, lorsqu’ils accommodent. Lorsque les ressources accommodatives sont insuffisantes, une forte addition, dite microscopique, reproduira cet effet grossissant.
Les verres à double foyer microscopiques (Fig. 32-7) compensent la réfraction de loin et proposent une forte addition. Par exemple, avec un verre d’addition + 16,00, un œil d’acuité de 1/10 pourra déchiffrer P2,5 à 6,25 cm. L’addition peut atteindre + 28,00 D.
Lorsque les puissances convexes sont importantes, parfois supérieures à 10 D, l’opticien est confronté à des choix techniques. Par souci de poids et d’épaisseur, des verres spéciaux seront choisis : de haut indice de réfraction, asphériques ou lenticulaires. L’ouverture réduite des verres lenticulaires a pour rôle de limiter l’épaisseur au centre du verre, à puissance égale (Fig. 32-8) [2].
Les enfants aphaques ou pseudo-phaques auront besoin de verres bifocaux ou multifocaux/progressifs (avec addition). Les aberrations intrinsèques aux verres progressifs nous feront préférer les verres à double foyer, notamment de type Telex® ou Franklin10. . Aussi appelé « double foyer américain » , ce type de verre Franklin dissocie la vision de loin et la vision de près par un segment droit en accolant deux verres.
10. Benjamin Franklin, inventeur du verre à double foyer en 1760.
La gamme commerciale11. de cette fabrication est limitée. Or il n’est pas rare, chez le malvoyant, d’avoir besoin : de puissances d’emmétropisation et d’addition supérieures, et/ou de dissocier des valeurs prismatiques entre la vision de loin et la vision de près, et/ou d’y associer des filtres à visée thérapeutique.
11. Essilor Telex Orma®, sphères allant de −7,00 à + 3,00 D avec des cylindres de 4 D maximum.
Pour dépasser la gamme proposée par le fabriquant, il est possible de réaliser ces verres sur mesure. Ils seront sectionnés pour placer précisément les centres optiques en correspondance parfaite avec les lignes de regard au loin et au près (Fig. 32-9a, b).
La partie visible de la lumière naturelle se compose d’un ensemble de radiations s’étalant de 400 à 700 nm. Les courtes longueurs d’onde (radiations bleues) sont plus éblouissantes et phototoxiques.
Le cristallin de l’enfant ne joue son rôle de filtre qu’à l’âge de 10–12 ans. L’abus de lumière peut s’avérer nocif, notamment pour la rétine; une protection solaire est indispensable. Des verres de teinte brune, grise ou verte sont préconisés, avec une densité de grade 3 voire 4 sur une échelle de 0 à 4.
Chez le malvoyant, le seuil d’inconfort à l’éblouissement et la sensibilité aux contrastes sont abaissés. Des filtres à l’absorption sélective des radiations bleues permettent un meilleur équilibre entre contraste et luminosité.
Fig. 32-9 Verres gauches.
a. De loin (en haut) et verre gauche de près (en bas) avant montage.
b. Accolés montés + 13,00 (+ 2,00) 175° Add 4,00.
(Source : Lissac.)
La coupure nanométrique, la densité, l’ajout ou non d’une polarisation seront ajustés en fonction de la photosensibilité et des ambiances lumineuses à contrôler. Retenons qu’au-delà de 550 nm, le bleu est absorbé en totalité; l’efficacité sur la sensibilité lumineuse est maximale mais la perception des couleurs peut être perturbée (Fig. 32-10).
Fig. 32-10 Projection de l’absorption d’un filtre jaune-orangé Verbal CPF® 450 grade 1 et grade 3 (n’est plus commercialisé).
(Source : Lissac.)
La protection lumineuse n’est pas suffisante sans une monture couvrante destinée à empêcher tout rayon lumineux non filtré de pénétrer dans l’œil. Il est là encore indispensable d’avoir une monture adaptée. Elle sera légèrement plus grande qu’une monture équipée de verres blancs, les branches seront plus larges, le galbe de la face légèrement plus accentué. Si nécessaire, des coques filtrantes pourront être ajustées sur mesure (Fig. 32-11) pour être en apposition parfaite avec le profil morphologique.
La réalisation d’une paire de lunettes pour un enfant est un acte hautement technique, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un enfant malvoyant. Outre la qualité des verres qui doit être irréprochable, le centrage doit être adapté, sur mesure. La monture comme les verres font face à des impératifs et des contraintes que la lunetterie sur mesure peut prendre en charge, par exemple un dispositif de stabilisation spécifique (Fig. 32-12a) ou si possible un double coude (Fig. 32-12b, c). C’est dans la gestion de ces critères techniques, morphologiques et physiologiques que s’expriment les compétences et l’expertise de l’opticien spécialisé.
Fig. 32-12 a. Dispositif de stabilisation postérieure des montures. b, c. Double coude franc.
(Fig. a : remerciements au D. Denis ; fi g. b et c : clichés R. Praud.)
[1] Gomez A. Équipements optiques, lunettes. In : Péchereau A, Denis D, Speeg-Schazt C. Strabisme. Rapport SFO 2013. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson ; 2013, 317-22.
[2] Meslin D, Franchi C. L’équipement optique du fort hypermétrope en verres ophtalmiques. Les Cahiers d’Ophtalmologie 2016 ; 202 : 14-7.
Remarque générale
Le lecteur pourra utilement se référer aux fiches cliniques 1 à 8 du Rapport SFO, Déficiences visuelles, de Pierre-Yves Robert (2017). Ces fiches spécifiques au handicap visuel de l’enfant abordent successivement différents sujets ; elles permettent d’accompagner l’enfant et proposent des stratégies de réadaptation. Trois de ces fiches concernent l’enfant d’âge préscolaire, avec ou sans troubles des apprentissages, avec ou sans polyhandicap. Deux concernent l’enfant en âge scolaire, avec ou sans trouble relationnel. Deux concernent la déficience visuelle de l’adolescent, brutale ou progressive. Enfin, une fiche concerne le nystagmus. Ces fiches peuvent être consultées à l’adresse : http://em-consulte.com/e-complement/475062.
- Chapitre 32
Handicaps- 1 - Réglementation et démarches administratives
- 2 - Instituts spécialisés dans la prise en charge d’un enfant handicapé
- 3 - Coût de la basse vision chez l’enfant
- 4 - Parcours scolaire de l’enfant déficient visuel
- 5 - Vision de l’enfant et problématiques de déplacement
- 6 - Vision de l’enfant, pratique sportive
- 7 - Handicap visuel et orientation professionnelle
- 8 - Qu’est-ce que la MDPH ?Comment rédiger un certificat ophtalmologique dans ce cadre ?
- 9 - Équipement optique chez l’enfant et dans certaines situations de handicap : le point de vue de l’opticien