Chapitre 25Organisation de la chirurgie réfractive du presbyte

D.A. Lebuisson, C. Albou-Ganem, B. Cochener

La chirurgie réfractive connaît un mode d’exercice dual. Deux compartiments de soins existent : les opérations sur globe oculaire fermé et celles sur globe oculaire ouvert. Depuis une trentaine d’années, les interventions sur la surface cornéenne s’effectuent dans des salles de soins répondant à des normes techniques propres aux lasers [36]. Depuis plus longtemps, les interventions sur globe ouvert se pratiquent en salle opératoire selon des modalités diverses mais réglementées [18]. La frontière entre les deux versants est ténue, car si on peut opérer un cristallin sans aucune anesthésie, on peut aussi intervenir en laser ablatif dans un bloc opératoire (cf. infra, fig. 25-7).

L’organisation consiste à mettre en place la formule appropriée assurant à la fois la sécurité et l’ergonomie des soins. La presbytie ajoute à la construction générale de ces dispositifs une note propre à la sophistication des actes et à l’âge des patients. Les mesures de prévention des événements indésirables sont communes à tous les actes invasifs mais ils ne peuvent en aucune façon être réduits, allégés ou omis même partiellement au nom de principes de soins qui seraient jugés comme simplifiés. La première étape est le recueil par le médecin et la structure des documents de consentement et la vérification de l’acquiescement à l’opération pour la planification affichée. La check-list doit être énoncée. Le côté, le nom, la date de naissance et le type d’opération doivent être à nouveau vérifiés. Les contrôles techniques et humains sont assurés avant la mise en route des traitements.

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Fig. 25-7 Déroulement d’un LASIK au bloc opératoire.

Points forts : tenues, un soignant tient la main du patient.

Point faible : trois personnes de trop dans la salle.

Interventions cornéoplastiques à globe oculaire fermé

La photoablation cornéenne se délivre soit sans découpe du stroma cornéen soit avec (fig. 25-1). La littérature en peer-review ne signale aucunement dans quelles conditions d’organisation médicale ces opérations sont pratiquées. Les manuels français et anglo-saxons signalent les précautions générales à suivre mais sans jamais, même dans les plus récents, préconiser un circuit ou une contrainte structurelle [3, 7, 8, 19, 41]. Les données se concentrent sur les données physiques et leurs influences sur les traitements [12]. Ce silence a un sens : il indique précisément que cet élément ne joue aucun rôle dans la conduite des interventions ni dans la genèse des aléas lorsque les précautions sont respectées et cela pour des dizaines de millions d’yeux opérés dans le monde. Les incidents et complications signalées tiennent compte du procédé et apportent des éclairages sur telles ou telles complications mais ne parlent pas d’organisation des soins. Certes, le vide ne garantit rien mais, en matière d’opérations de convenance sur adultes sains consentants, on serait surpris que des aléas ne soient pas signalés.

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Fig. 25-1 Indications de traitements réfractifs à globe fermé : salle propre.

SALLE PROPRE

Une salle propre a une définition : « salle dans laquelle la concentration des particules en suspension dans l’air est maîtrisée et qui est construite et utilisée de façon à minimiser l’introduction, la production et la rétention de particules à l’intérieur de la pièce, et dans laquelle d’autres paramètres pertinents, tels que la température, l’humidité et la pression, sont maîtrisés comme il convient » (ISO 14644) [27]. La salle de soins peut se situer en établissement de santé ou en structure de cabinet ou de maison médicale. Ce qui importe est le respect des normes communes aux soins médicaux et invasifs (fig. 25-2). Ces salles n’exigent aucune autorisation préalable ni de convention avec un autre centre de soins. Ces salles sont similaires à celles récemment recommandées par l’Afssaps pour la conduite des injections intravitréennes [2], acte invasif pour lequel la prévention de l’endophtalmie est une préoccupation constante [48].

Rappelons ici les précautions à respecter pour l’injection intravitréenne : elle peut être réalisée en établissement de santé ou dans un cabinet médical ; pour assurer une asepsie optimale, l’injection intravitréenne se pratique soit au bloc opératoire, soit dans une salle dédiée, qui répond aux caractéristiques suivantes :

  • – pièce aux murs et sols lisses, non encombrée, bien éclairée, entretenue régulièrement ;

  • – présence d’un distributeur de produit hydroalcoolique pour l’hygiène des mains, d’une poubelle équipée pour le recueil des déchets d’activité de soins à risque infectieux et d’un collecteur à objet piquant, coupant, tranchant ;

  • – un bionettoyage des surfaces horizontales (essuyage humide avec un détergent désinfectant) est réalisé avant le début de chaque séance d’injection ;

  • – pendant chaque procédure d’injection, il convient de limiter les turbulences aériennes dans la salle dédiée en maintenant fenêtres et portes fermées. Les systèmes de conditionnement d’air (ventilo-convecteur, climatiseur à air pulsé…) pouvant souffler sur la zone « patient » ou remettre en suspension les particules de poussière, sont arrêtés. Ceci ne concerne pas les systèmes de traitement d’air associant surpression, filtration et renouvellement pour délivrer une qualité d’air maîtrisée.

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Fig. 25-2 Espace propre et salle propre.

CONTRAINTES D’ENVIRONNEMENT POUR LE FONCTIONNEMENT DES LASERS À EXCIMÈRES

Les appareils lasers sont sensibles à l’environnement [44] et ne sont sûrs en termes d’effet et de prévention d’incidents que dans le respect des normes [9]. Selon le classement des dispositifs médicaux en vertu de l’annexe IX du livre Vbis du code de la santé publique, les lasers thérapeutiques appartiennent à la classe 2B. Les accès de la salle de traitement doivent porter la signalisation normalisée (fig. 25-3).

L’accès de la zone contrôlée est réglementé. Les personnes évoluant dans cette zone doivent prendre connaissance des consignes de sécurité. De surcroît, il est utile de placer une signalisation lumineuse à l’entrée de la salle et, parfois, une sécurité à la porte sous forme de commande optionnelle connectée au laser – coupure du tir laser en cas d’ouverture de la porte d’entrée et réinitialisation de la programmation du laser ou passage en mode attente (stand-by).

Les points suivants doivent être respectés :

  • – la température de la pièce doit être à 21 ± 3 °C ;

  • – l’hygrométrie doit se situer entre 25 % et 55 % ;

  • – le flux d’air ne doit jamais être en pression négative (fig. 25-4) ;

  • – l’air doit être filtré pour retenir 99 % de particules de 1 µm ;

  • – élimination de toutes les surfaces réfléchissantes dans la zone contrôlée ;

  • – pas d’utilisation de gaz inflammables ;

  • – éviter toute pénétration de liquides à l’intérieur de l’appareil ;

  • – pas d’objets réfléchissants dans le champ de tir ;

  • – éviter les champs inflammables, humidification des draps et champs situés dans la zone de tir ;

  • – aspiration recommandée des fumées tissulaires au plus près de leur lieu d’émission à l’aide d’un aspirateur de fumées spécifique laser ;

  • – la table doit supporter au moins 150 kg et doit pouvoir être stabilisé ou être mobilisable transversalement ou verticalement ;

  • – le port du masque et des gants à usage unique est obligatoire ;

  • – les prêts et essais de dispositifs doivent être autorisés par la direction, les dispositifs non marqués CE demandent une autorisation spéciale au même titre que les expérimentations.

Les lasers femtoseconde ne comportent pas de liste de précautions particulières ou différentes lors d’usage oculaire [44].

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Fig. 25-3 Signalisation normalisée.

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Fig. 25-4 Portes à fermeture automatique avec maintien de la pression positive isolant la salle blanche de l’espace propre.

CONTRAINTES D’ENVIRONNEMENT POUR LES CORNÉOPLASTIES AU LASER

L’acte chirurgical s’effectue après calibrage du laser et vérification de son fonctionnement. En matière de presbytie, la programmation est cruciale car les programmes multifocaux ou de monovision ne portent pas sur la réfraction réelle bilatérale mais connaissent des modifications induites par le fabricant ou l’opérateur. Une bonne habitude est d’avoir alors un contrôle croisé avec l’infirmière pour vérifier deux fois les affichages. Rappelons l’interdit absolu à ce que l’affichage final et la manipulation opératoire soient réalisés par quiconque d’autre qu’un ophtalmologiste formé.

Le patient doit recevoir les instructions préalables pour une douche à la Bétadine® le jour opératoire. Le lavage des cheveux et le rasage sont préférables. L’absence de cosmétiques est un impératif au même titre que celui de l’évitement des parfums. Le nettoyage cutané péri-oculaire se fait à la povidone iodée (Bétadine® 10 %) ou à la chlorhexidine chez l’allergique. Le nettoyage antiseptique de surface oculaire n’est pas recommandé en raison de sa toxicité épithéliale potentielle. Aucun collyre anti-infectieux n’est nécessaire avant l’intervention [39]. L’instillation d’un topique anti-inflammatoire non stéroïdien est abandonnée, en raison de risques iatrogènes et d’une faible action antalgique dans les traitements de surface [39].

L’exclusion des cils n’est pas systématique mais elle est préférable lorsqu’il y a risque de contact entre cils et cornée. Un champ stérile ou des adhésifs permettent cette manœuvre. Beaucoup d’opérateurs ne placent systématiquement plus d’écarteurs pour la découpe. Le champ opératoire relève des recommandations de bonne pratique clinique. L’emploi d’instruments à usage unique est un atout majeur dans la prévention anti-infectieuse. Les claviers, optiques et manettes du laser doivent être nettoyés entre chaque intervention. Un champ transparent complète la protection. Les personnes dans la salle doivent être en tenue opératoire.

SALLE DES SOINS

Chaque salle doit avoir une superficie minimum de 20 à 25 m2 (fig. 25-5). Plus la salle est grande et plus la charge en particules dans l’air ambiant sera réduite. Le sol doit être antistatique et conducteur. Il faut éliminer tous les récessus à poussières. Les murs doivent être lisses, mais non éblouissants, lavables à l’eau et aux désinfectants, sans joints, sans crevasses et n’accumulant pas de charge statique. Les plafonds doivent être lisses et lavables. Le système d’aération fonctionnant avec des filtres doit pouvoir assurer au moins six renouvellements d’air par heure – en bloc opératoire, on exige quinze fois. Il doit être possible de régler la température jusqu’à 24 °C et le degré d’humidité de 40 % à 60 %. La surpression est souhaitable, avec pression équilibrée avec l’espace propre entourant la salle propre. La salle doit être climatisée avec 20 % d’air frais au minimum.

La norme NF S90-351 (tableaux 25-I et 25-II) se réfère à toute une série de normes européennes classiques ainsi que la série ultérieure des ISO 14644 et ISO 14698 : salles propres et environnements maîtrisés apparentés. Ces normes ne sont pas spécifiques à un domaine chirurgical ni à un mode d’exercice [23]. Ces encadrements laissent aux CLIN et aux responsables l’appréciation et l’analyse de la gestion du risque. Il est crucial de contrôler tout ce qui augmente la charge particulaire : la classification chirurgicale pour la salle propre est concernée par les zones ISO 5, 6, 7 et 8. Les déplacements sont limités ; le nombre de personnes présentes est limité au nécessaire ; les matériels sont pré-installés ; les déchets sont évacués entre les actes ; un temps de repos entre chaque intervention est respecté ; les mouvements des patients et du personnel sont limités dans le quartier opératoire ; les mesures de bionettoyage sont assurées ; les interventions septiques ne sont pas suivies d’autres opérations avant décontamination ; le circuit déchet suit les douanes dégressives. Tous ces points sont protocolaires et doivent être connus de tous.

Compte tenu du risque de survenue de réactions anaphylactiques rares [20] mais potentiellement graves, l’opérateur doit avoir à disposition le matériel d’urgence de réanimation : la salle propre dispose des moyens d’assistance révisés et utilisables par des personnels formés (fig. 25-6). Une formation aux gestes d’urgence doit être dispensée aux soignants. Un consentement au protocole d’analgésie topique est conseillé, compte tenu du caractère anxiogène de ces interventions et de possibles mais rares fortes douleurs postopératoires [17]. À cet égard, un protocole antalgique est nécessaire. Les épithéliums au-delà de cinquante ans sont plus fragiles, la sécrétion lacrymale moins dense et des érosions superficielles transitoires ne sont pas rares après LASIK.

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Fig. 25-5 L’installation au bloc.

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Tableau 25-I Classifications des salles opératoires selon la propreté particulaire (norme NF S90-351 – Établissement de santé : salles propres et environnements maîtrisés et apparentés).

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Tableau 25-II Zones opératoires (norme NF S90-351 – Établissement de santé : salles propres et environnements maîtrisés et apparentés).

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Fig. 25-6 Chariot de réanimation.

ALÉAS D’ENVIRONNEMENT DES CORNÉOPLASTIES AU LASER

Le risque infectieux est bien étudié dans des études récentes. Il en ressort la rareté des kératites infectieuses, la possibilité d’infections tardives, la fréquence des germes rares et, enfin, la diminution de l’incidence. Le travail de Solomon [43] en 2011 sur 20 941 yeux opérés révèle un taux de 0,3 % de kératites dites infectieuses. Ce pourcentage est moins important que celui d’études réalisées plusieurs années auparavant par les mêmes auteurs. Les auteurs attribuent cette amélioration à l’augmentation des précautions et la présence de protocoles. De Rojas [13] trouve un chiffre de 0,2 % pour 18 651 opérations de surface. La photokératectomie réfractive a un risque double de celui du LASIK mécanique, de plus le LASIK au laser femtoseconde est plus que 2,5 moins dangereux que le LASIK au microkératome. Une autre publication de 10 477 LASIK établit là aussi l’incidence des kératites infectieuses à 0,31 % [34]. La série de Llovet [31], sur 204 586 interventions, révèle une incidence de kératite infectieuse de 0,035 %. Enfin, pour l’armée américaine dans une étude de 25 337 photokératectomies réfractives, on retrouve cinq kératites infectieuses avec une prédominance de germes à gram positif [47]. D’une façon générale, la cause principale des kératites infectieuses est une infection à adénovirus, mais Linke [30] et Mozayan [35] constatent que si l’incidence diminue c’est au profit de germes rares ou d’infections mycologiques. Les kératites dites stériles sont ensuite les plus fréquentes, soit 2,34 % pour Moshifar [34] ; on sait qu’elles sont surtout liées à des protocoles de désinfection déconseillés en France et qu’elles sont surtout le fait des opérations employant des outils restérilisables. La place des microkératomes à lames est prépondérante dans la survenue des kératites lamellaires diffuses dites stériles, où les hypothèses pathogéniques sont diverses mais accordent toutes une place au processus de décontamination ou à une hypersensibilisation bactérienne. Ces données concordantes s’expliquent par le fait que la gestion postopératoire est un peu plus lourde en photokératectomie réfractive, impliquant souvent une lentille de contact pansement et constamment un découvrement épithélial.

La prévention est importante (fig. 25-7) et est rappelée à l’occasion d’un cas sur presbyLASIK par Semoun [42].

Interventions réfractives à globe oculaire ouvert
PRÉREQUIS

L’œil ouvert implique un changement de conception de l’enceinte de soins par rapport aux salles propres de premier niveau. Ici, il importe de s’inscrire dans le respect des normes et de la réglementation des blocs opératoires (fig. 25-8 et fig. 25-9[33, 45] et c’est un prérequis. Le bloc opératoire est une enceinte dédiée à des actes invasifs réalisés, quelles qu’en soient la modalité et la finalité, en ayant recours aux équipements adéquats et en regroupant toutes les compétences médicales et paramédicales requises pour assurer la sécurité des patients [21]. Ces conditions s’appliquent aussi bien avec hébergement qu’en dispositif ambulatoire, que ce bloc soit en établissement de santé ou non.

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Fig. 25-8 Indications de traitements réfractifs à globe ouvert : salle opératoire.

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Fig. 25-9 Bloc opératoire.

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CONDITIONS DE L’OPÉRATION

Lorsqu’on discute de sécurité opératoire, d’ambulatoire, de structures, d’anesthésie, il s’avère qu’est quasi absente de la littérature médicale… l’existence de soins chirurgicaux délivrés sans la moindre anesthésie [6]. Pourtant, vingt ans de chirurgie réfractive sous analgésie topique montrent qu’il s’agit d’une pratique effective, efficiente et adoptée. Lorsqu’on recherche une étude des risques généraux au cours d’actes invasifs, en particulier en ophtalmologie, on ne retrouve que des considérations sur les anesthésies et la surveillance. Tout se passe comme si certains des événements aléatoires étaient en partie liés à ceux qui cherchent à les pallier. Cela ressort aussi du rapport de la Haute Autorité de Santé sur les conditions de réalisation de la chirurgie de la cataracte [25]. L’objectif principal est avant tout la sécurité du patient et l’optimisation des conditions humaines de la réalisation. Il est laissé au chirurgien de définir la bonne procédure et, pour cela, il ne doit pas hésiter à recourir à un médecin anesthésiste si un besoin ressort. Mais la législation oblige alors à co-décider avec ce dernier et de confier à chaque responsable la maîtrise de ses propres actions. Sous analgésie topique, tel n’est pas le cas. C’est pourquoi un « silence de plomb anesthésique » concerne ce périmètre chirurgical ophtalmologique : on ne peut pas attendre des absents une réflexion sur une opération à laquelle ils ne participent pas. Lors des réunions de toutes les commissions, les représentants de l’anesthésie agitent le principe sécuritaire pour maintenir ou étendre l’obligation de leur présence ; c’est la raison pour laquelle on retrouve des rappels dans certains textes et, somme toute, cela constitue un garde-fou pour ceux qui oublieraient que l’analgésie topique ne s’applique pas systématiquement à tous les patients, pas plus que l’ambulatoire. C’est donc à la profession ophtalmologique de gérer ce type d’organisation opératoire qui, rappelons-le, n’a rien d’obligatoire. Mais les principes de déontologie doivent présider et les articles du conseil de l’Ordre des médecins coiffant ces questions sont ici cités pour les parties les plus importantes [37] : « Le chirurgien, habituellement premier consulté, organise la prise en charge du patient en ce qui concerne les soins chirurgicaux. La pratique d’une activité partagée, au bénéfice du patient, dans des locaux communs, nécessite la définition préalable, dans le respect mutuel, des compétences et des responsabilités de chacun, basée sur l’observance des règles de la déontologie médicale. Au sein d’un bloc opératoire, les missions doivent être connues, partagées ou attribuées, écrites. L’anesthésiste-réanimateur, pas plus que le chirurgien ou d’autres spécialistes, ne doit entreprendre d’actes pour lesquels il n’est pas compétent. Le code de déontologie médicale prévoit le recours, chaque fois que cela est nécessaire, à un tiers compétent (article 32) et l’article 70 rappelle que le médecin ne doit pas intervenir dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose. » Il est nécessaire que les anesthésistes et les chirurgiens d’une même équipe rédigent une charte portant sur les cinq points de fonctionnement de l’équipe : la consultation d’anesthésie, le programme opératoire, le réveil anesthésique, les soins intensifs et la réanimation chirurgicale, et l’hospitalisation. Pour chaque point, selon l’organisation de l’établissement, il faut répondre aux questions qui engagent la responsabilité séparée ou solidaire des deux intervenants. La répartition des tâches et des responsabilités doit être explicite.

L’INTERVENTION CHIRURGICALE

Le point important est donc d’opérer dans des conditions normalisées [1], conformes à celles tracés dans le règlement intérieur de la structure, qu’elle soit ou non un établissement de santé [14], ceci sur le socle déjà décrit plus haut de la présence des conditions techniques réglementaires. Les patients sont dans l’extrême majorité des adultes consentants en relative bonne santé générale : l’âge moyen des échanges de cristallin clair pour presbytie est de cinquante-quatre ans, ce qui est très inférieur à l’âge moyen de l’opération de la cataracte, qui se situe entre soixante-douze et soixante-quatorze ans en Europe. Comme ces deux interventions migrent l’une vers l’autre, on aboutira bientôt à la notion de chirurgie réfractive du cristallin avec ou sans cataracte. Les systèmes sociaux feront la part des choses mais, pour le chirurgien, les principes et méthodes fusionnent déjà.

Pour juger du choix du protocole, le chirurgien évalue le patient. Le dossier clinique et son expérience déterminent l’option. Le patient de chirurgie réfractive est un co-décideur et les avantages et inconvénients des alternatives sont une obligation du consentement. À cet égard, la lutte contre la douleur étant un objectif national, il importe pour l’ophtalmologiste de prévoir un protocole anti-anxiété et antalgique dans une pratique topique. Prescrire le jour de l’opération une dose faible d’anxiolytique ne constitue pas un acte anesthésique et cela est confirmé dans un article d’anesthésiologie par Haberer [24]. Une étude [46] montre aussi qu’un tel anxiolytique n’impacte pas le comportement psychomoteur des opérés à la sortie en l’absence d’autres médications à effet général.

Pour coter une situation et un risque, il est bon d’utiliser un outil comme le NNIS [28], qui agglomère la durée opératoire, le statut général du patient (classification ASA) et le risque infectieux de départ : la quasi-totalité des candidats presbytes à une chirurgie réfractive sont de niveau 1.

Le risque infectieux auquel expose l’opération de la cataracte est très faible mais redoutable [40]. Il atteint 0,02 % en Suède [5, 38], où la régression du risque en dix ans est spectaculaire en raison de diverses mesures, dont l’introduction d’une antibiothérapie intracamérulaire [16, 32]. Ceci est observé dans tous les pays avancés [10]. À tel point que la chirurgie bilatérale en un temps du cristallin n’est plus un tabou et commence à se pratiquer pour des patients dénués de risque connu, tout particulièrement dans la sphère réfractive [4]. La chirurgie sur des cristallins clairs est beaucoup plus simple que celle pour des cataractes nettes. Les ultrasons ne sont pas nécessaires et la rupture capsulaire est un accident devenu extrêmement rare. Les suites opératoires sont elle aussi simplifiés. Le laser femtoseconde pour cristallin (lenticuloplastie) viendra encore renforcer la sécurité. Au plan général, la morbidité peropératoire et postopératoire immédiate est en réduction [22]. Notons que la mortalité de l’opération de la cataracte durant le trimestre suivant l’intervention est quasi nulle, même si l’état général est très altéré, ce qui objective l’absence d’effet délétère de l’acte interventionnel dans une série de plus de cinquante mille cas [15].

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Textes officiels

Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Décret n° 92-272 du 26 mars 1992 relatif aux missions, à l’organisation et aux personnels des établissements publics de santé.

Décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l’anesthésie.

Décret n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier(e).

Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier(e).

Décrets n° 2006-77 et n° 2006-78 relatifs à l’activité de chirurgie cardiovasculaire.

Arrêté du 7 janvier 1993 relatif aux caractéristiques du secteur opératoire.

Arrêté du 4 novembre 1993 relatif à la signalisation de sécurité et de santé sur les lieux de travail.

Circulaire n° 98-674 du 17 novembre 1998 relative aux priorités de santé publique à prendre en compte pour l’allocation de ressources aux établissements de santé pour 1999.

Circulaire n° 99-627 du 16 novembre 1999 relative à la mise en place des conseils de bloc opératoire dans les établissements publics de santé.

Circulaire n° 2000-264 du 19 mai 2000 relative à la mise en place des conseils de bloc opératoire dans les établissements de santé.

Manuel d’accréditation des établissements de santé, février 1999, réactualisé en juin 2003.

Référence 8 du référentiel « Organisation de la Prise en Charge des patients ».

Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, DHOS. Synthèse des travaux du groupe sur l’implantation et l’organisation des plateaux techniques, mars 2003.

Recommandations du Conseil National de la Chirurgie, Rapport du gouvernement, 12 septembre 2005.