R. Amar
Notre vision ainsi que nos capacités neuronales offrent une complexité extraordinaire. Les quelque cent milliards de neurones interconnectés sous forme de réseaux neuronaux [24] communiquent de manière si élaborée que chaque information sensorielle « prend un sens ». La sensorialité naît de l’ensemble des informations afférentes qui, issues des récepteurs sensoriels (rétine, vestibule, cochlée, récepteurs olfactifs et gustatifs), donnent lieu à une sensation extracorporelle consciente de l’environnement individuel [14]. La vision fait intervenir, dans son cas, un dispositif sensori-moteur étroitement intégré. La sémiologie proprement sensorielle ne peut être séparée de la sémiologie des régulations efférentes qui assurent l’accommodation de l’appareil optique, la stabilisation et l’utilisation du regard [14]. Il sera question dans ce chapitre de « sensorialité visuelle ». De l’oculomotricité aux éléments sensoriels constitutifs de notre vision binoculaire et de notre accommodation, seront abordées les problématiques sensori-motrices inhérentes à la survenue de la presbytie et, plus particulièrement, à sa correction chirurgicale.
La sensorialité joue un rôle important dans l’intégration corticale de nos informations visuelles et constitue une condition indispensable pour la réussite de toute chirurgie réfractive qui se veut « compensatrice ». Ses limites constitueront chez certains un motif de contre-indication.
Deux entités restent indissociables : la vision binoculaire et le système nerveux central. Comme le précise André Roth [100], la vision est binoculaire car le système visuel est un système central et unique qui reçoit et traite les signaux transmis à partir des yeux, ses deux capteurs périphériques, pairs et symétriques. Le système visuel est relié aux yeux par les voies visuelles et les voies oculomotrices. Son organisation est fondée structurellement chez l’homme, comme chez les vertébrés, sur la vision simultanée des deux yeux ; celle-ci ne peut ni se perdre, ni disparaître, elle est uniquement capable d’adaptation chez le jeune enfant. Elle nécessite, pour que la vision binoculaire normale puisse s’exercer, une parfaite coordination sensorielle et motrice des deux yeux. Les deux attributs indissociables de la vision, voir et localiser, fonctionnent sur ce mode binoculaire. Selon les lois de la correspondance binoculaire de Herring, les trois fondements de la vision binoculaire sont la vision simultanée des deux yeux, la correspondance rétinienne et la correspondance motrice. Le système nerveux est, quant à lui, la structure la plus complexe et la moins connue de notre organisme. Il est une interface constante entre le corps et l’environnement. L’organisme peut ainsi réagir ou s’adapter aux stimulations du monde extérieur, mais aussi de son propre milieu intérieur. Pour Michel Imbert [59], le cerveau peut être considéré comme « un objet matériel organisé, dans lequel les nombreuses composantes moléculaires opèrent sous le contrôle de mécanismes régulateurs complexes. (…) Il est également ce qui permet à un organisme de “connaître” son environnement physique et social pour être en mesure d’y vivre et de le transformer. »
L’incidence de la presbytie est, du fait du vieillissement de la population, en augmentation constante [53] (cf. chapitre 20). Les problématiques liées à la presbytie et à ses corrections sont multiples. La complexité de la démarche liée aux mécanismes mis en jeu dans l’accommodation en est la principale raison. Les études menées au cours de ces dernières décennies en optique physiologique ainsi qu’en contactologie nous ont cependant apporté des réponses cruciales sur les limites et la tolérance binoculaire de certaines méthodes de correction, telles que la monovision [61] ou la multifocalité [22]. Ces avancées ont en effet permis de comprendre les principes fondamentaux de la correction de la presbytie et son adaptation. Une des problématiques transversales est de concilier dans un même temps une optimisation de la qualité de vision à différentes distances : vision de près, vision intermédiaire et vision de loin [51]. Pour ce faire, la compréhension des habitudes de vie du patient presbyte, sa manière de voir et de localiser, ainsi que sa capacité à s’adapter à une nouvelle correction de sa presbytie, deviennent des critères importants pour le choix de la technique [101]. Les attentes, besoins et motivations du patient complètent l’arbre décisionnel.
La limite principale de la démarche pourrait probablement être le compromis inhérent à ces différentes solutions de compensation. Dans certains cas, ce compromis pourra être optique, fonctionnel ou encore sensoriel. Quel est, pour le patient, le seuil de tolérance sensoriel et fonctionnel de ces éventuels compromis ? Comment expliquer les très bons taux de satisfaction des patients ayant bénéficié de telles techniques malgré certains compromis sensoriels évidents (en monovision, par exemple) ?
Si les frontières de la sensorialité sont difficiles à délimiter compte tenu de notre interindividualité et de nos propres capacités neuroadaptatives, la tolérance des techniques actuelles de correction chirurgicale de la presbytie répond à des critères d’indication spécifiques, fondés sur des limites sensorielles connues[37, 101]. L’indication de la bonne technique reste le point de départ d’une bonne adaptation ou d’une chirurgie qui devient, de fait, personnalisée à chaque patient presbyte.
La problématique liée aux conséquences sensori-motrices de la presbytie nous invite à considérer le sujet presbyte dans sa globalité sensorielle et à comprendre l’impact sensori-moteur de sa presbytie naissante ou acquise. La presbytie influe en effet sur la réponse accommodative. Il s’agit d’un phénomène global touchant tous les acteurs entrant en jeu dans l’accommodation[18, 93]. L’amplitude d’accommodation chute rapidement jusqu’à cinquante à cinquante-deux ans et décroît ensuite plus lentement. À soixante ans, il ne reste plus qu’environ 1,5 D d’accommodation mesurable. La gêne est généralement ressentie à partir de quarante-cinq ans, lorsque l’amplitude est encore de 4 D [71]. Après soixante-dix ans, l’amplitude d’accommodation peut être considérée comme nulle. Avec l’âge, l’accommodation tonique et son amplitude diminuent, tandis que la sensation de profondeur de champ augmente [98], ce qui lié à la diminution du diamètre pupillaire et à la tolérance croissante au défocus au fur et à mesure que la presbytie s’installe.
Le rapport CA/A (ou AC/A) change avec l’apparition de la presbytie [17]. Il s’ajusterait à la diminution du pouvoir accommodatif sans que la convergence ne change. Si l’accommodation est en effet moins performante, la stimulation de l’accommodation-convergence ne change pas [99]. La vision est limitée au maximum de vergence tolérée et les composantes de la vergence déterminent la proportion d’accommodation disponible en vision de près[10, 93]. En théorie, la presbytie n’altère pas la vision binoculaire en vision de près. Les presbytes ont tendance à devenir exophoriques en vision de près[74, 99].
Une personne sur quatre dans le monde serait presbyte, soit une population de plus de 1,5 milliard de presbytes ; moins de la moitié sont corrigés (données Essilor, 2006). Si la survenue de la presbytie est vécue chez certains comme un stigmate de leur vieillissement, pour d’autres ce processus sera associé à une « perte » d’autonomie fonctionnelle parfois « invalidante » dans certaines régions du monde en voie de développement [53].
Cette diminution de performance visuelle est étroitement liée à un contexte de contraintes physiques et sensorielles (perte d’accommodation, notamment), qui obligent le sujet à adopter de nouveaux moyens de compensation : techniques, moteurs, sensori-moteurs ou psycho-cognitifs. Avoir recours à de telles techniques de compensation à pour objectif, chez le patient presbyte, de maintenir le même rendement visuel dans ses activités de la vie journalière (activités professionnelles, loisirs, sports…)[51, 105]. L’impact de la presbytie ou d’une chirurgie oculaire sur les capacités fonctionnelles du patient sera inhérent à sa propre tolérance et adaptation sensorielle.
Au cours de ces vingt dernières années, la chirurgie réfractive a connu des évolutions marquantes et passionnantes. Les nouvelles technologies laser, la qualité croissante des optiques implantées, le développement de technologies permettant l’asservissement de délivrance des faisceaux laser ainsi que les techniques chirurgicales (micro-incisions, par exemple) ont permis d’offrir à des patients demandeurs de plus en plus nombreux, une chirurgie plus efficace, plus sûre et prédictible.
Au-delà de cette évolution technologique spectaculaire, l’oculomotricité et la vision binoculaire de nos patients restent des composantes incontournables pour la réussite d’une chirurgie réfractive. Comme nous le rappelle le professeur Alain Péchereau [89] : « Tout geste de chirurgie réfractive peut avoir des conséquences significatives, voire importantes sur la sphère sensori-motrice telle que la vision binoculaire et l’équilibre oculomoteur, par la modification de l’un ou de plusieurs de ses mécanismes :
– modification de l’acuité visuelle non corrigée ;
– modification de l’acuité visuelle corrigée de chaque œil ;
– modification de la qualité de l’image ;
– modification de l’œil ayant la meilleure acuité. »
Si la chirurgie réfractive s’est révélée efficace dans certains cas d’anisométropies [122], d’aniséiconies [87] ou certaines formes d’ésotropies accommodatives[82, 112], l’ensemble des études publiées sur les complications oculomotrices induites nous rappelle qu’un bilan oculomoteur et sensoriel doit être entrepris avant toute opération réfractive, dans le but d’éviter une déconvenue postopératoire[67, 106, 126].
La chirurgie réfractive, tout particulièrement celle du sujet presbyte, est bénéfique lorsque l’indication est bien posée, atteignant ainsi des indices de satisfaction élevée de la part des patients opérés [103]. Au-delà des bénéfices fonctionnels apportés, les conséquences sensorielles d’une telle chirurgie sont multiples[1, 37, 61, 62]. Elles sont principalement dépendantes de la technique, de l’équilibre oculomoteur préopératoire du candidat et de son âge. Deux principales raisons peuvent cependant induire des troubles moteurs ou sensoriels postopératoires :
– une décompensation postopératoire relative ou sévère d’un déséquilibre oculomoteur antérieur latent ou manifeste non dépisté ;
– une altération de la vision binoculaire due à une complication iatrogène (sur- ou sous-correction, anisométropie, aniséiconie, inversion d’œil directeur…)[1, 37, 43, 61, 62].
L’expérience de tels troubles sensori-moteurs a conduit au cours de l’histoire de la chirurgie réfractive, à mieux délimiter le cadre de certaines indications et à adopter de manière plus systématique certaines attitudes cliniques essentielles : anticiper, simuler, compenser et rééduquer dans certains cas. Le rôle de l’orthoptiste et la place du bilan orthoptique s’avèrent être prépondérants pour la bonne réussite sensorielle de telles chirurgies [3].
Des conditions binoculaires requises au bilan sensori-moteur des patients candidats, nous abordons ci-après les critères d’indication et de contre-indication de la chirurgie de la presbyte. La plasticité cérébrale et les mécanismes d’adaptation nous permettront de comprendre comment le sujet presbyte opéré interagit avec son environnement dans un contexte de « tâches » et comment il s’y adapte en permanence.
La vision binoculaire est un phénomène fondamental dans la vision humaine, qui se développe dans les premiers mois de la vie. Ce phénomène permet au système nerveux central de percevoir en même temps et de fusionner les images provenant de chaque œil, lorsque ceux-ci regardent un même objet. La perception simultanée et la fusion constituent respectivement le premier et le second degré de la vision binoculaire. Ce phénomène confère également au système nerveux central la possibilité de percevoir le relief grâce au décalage existant entre les images perçues par chacun des deux yeux du fait de leur décalage horizontal au niveau du crâne. La stéréoscopie est dénommée le troisième degré de la vision binoculaire [84].
Les prérequis pour l’existence d’une vision binoculaire sont au nombre de quatre mais ils peuvent être séparés en deux groupes, d’une part les facteurs anatomiques et d’autre part les facteurs moteurs [30]. Il est évident qu’il est indispensable d’avoir deux yeux fonctionnels et ayant une vision « utile ». La valeur de cette vision « utile » reste difficile à préciser, de même que la valeur de l’acuité visuelle en dessous de laquelle la vision binoculaire et la vision stéréoscopique seraient perturbées. En revanche, il faut dans la mesure du possible obtenir une isoacuité au cours du développement de la petite enfance. Outre la normalité des milieux oculaires, il faut donc qu’il n’y ait pas d’anisométropie importante afin d’éviter une aniséiconie. Le second facteur anatomique implique la présence d’une hémidécussation des voies optiques au niveau du chiasma, permettant la superposition de points correspondants au niveau des hémirétines nasale d’un œil et temporale de l’autre. Enfin, il faut une intégrité du cortex visuel permettant l’intégration binoculaire sans phénomène de neutralisation. Les facteurs moteurs assurent le bon alignement des globes, qui doivent bénéficier d’une complète liberté de mouvement. De plus, la position des globes doit pouvoir être maintenue dans toutes les positions sans décalage, impliquant un tonus musculaire normal.
Dans un système comportant deux yeux frontaux distants, la fovéa de chaque œil perçoit les objets ponctuels situés le long de sa ligne de direction principale propre, dans un système oculocentrique. Ces objets sont différents ou vus sous un angle différent de ceux vus par la fovéa de l’œil controlatéral. Mais, dans cette situation, tous les objets situés sur la ligne de direction principale de chacun des deux yeux semblent appartenir à la même direction de perception. Celle-ci est nommée la « direction principale commune » [116].
Lorsqu’un objet ponctuel se projette sur deux points rétiniens situés à une égale distance de la fovéa sur chaque œil, ceux-ci sont appelés « points rétiniens correspondants ». Les deux fovéas représentent les points rétiniens correspondants par excellence. En l’absence de trouble oculomoteur ou de la statique oculaire (hétérophorie), deux points rétiniens correspondants peuvent également être définis comme deux points possédant une même direction en vision monoculaire et binoculaire [116]. Les coordonnées de ces points rétiniens correspondants sont stables quelles que soient les circonstances, en particulier lors des mouvements de vergence associés à une modification des lignes de directions principales de chaque œil [52].
On distingue deux types de disparités : la disparité et la disparité de fixation [91].
La disparité est le fait que chaque œil voit une image différente d’un même objet. Elle est due au fait que les deux yeux ne sont pas à la même place (écart interpupillaire)[91, 119]. La zone de l’espace sans disparité est l’horoptère.
La disparité de fixation, c’est le constat que, dans la réalité, les deux axes visuels ne sont pas orientés strictement vers le point de fixation [91].
Tous les objets ponctuels appartenant à une ligne de direction donnée pour chacun des deux yeux semblent être sur une même ligne de direction commune. La perception comme une image unique (par exemple un oiseau dans une cage) de deux images strictement différentes (un oiseau, une cage) perçues chacune par un œil mais se trouvant sur une même ligne de direction commune, définit la vision simultanée. Celle-ci constitue le premier degré de la vision binoculaire dans la classification de Worth, qui en comporte trois. En clinique, la vision simultanée est facilement mise en évidence au synoptophore.
Second degré de la vision binoculaire dans la classification de Worth, elle se définit par la perception comme image unique de deux images qui ne diffèrent l’une de l’autre que par quelques détails. Elle nécessite donc un bon équilibre oculomoteur, puisqu’elle comporte, outre un versant sensoriel, un versant moteur. Lorsqu’un objet n’est pas perçu de façon unique, la disparité de perception existante va déclencher la part motrice de la fusion. Cette disparité doit être comprise comme la différence angulaire dans la direction visuelle des éléments rétiniens de chaque œil stimulés par le même objet. En effet, pour que la fusion soit possible, les yeux doivent pouvoir effectuer de rapides mouvements de fovéation. Ces mouvements visent à rétablir une vision simultanée sur la totalité de l’image à fusionner, c’est-à-dire à annuler la disparité perçue. L’amplitude sur laquelle ces mouvements de fovéation ou de fusion doivent pouvoir être réalisés est normalement de l’ordre de 5° en horizontal. Cette amplitude est appelée amplitude de fusion. Mais ces mouvements peuvent être également verticaux ou torsionnels. La part sensorielle correspond à la vision simultanée déjà évoquée. Un même objet doit être perçu de façon simple et unique. Si cette vision simultanée est absente, la fusion reste impossible. En clinique, l’amplitude de fusion peut être étudiée au synoptophore ou en insérant un prisme de faible puissance devant l’un des deux yeux lorsque le patient fixe un objet. Dans ce dernier cas, l’œil controlatéral effectue un minime mouvement pour lutter contre la diplopie induite par le prisme.
La vision stéréoscopique se réfère strictement à la capacité dont dispose le système visuel pour percevoir le relief et la profondeur à l’aide de la vision binoculaire. Elle permet donc de voir le monde en trois dimensions. Dans la classification de Worth, cette vision stéréoscopique est considérée comme étant le troisième degré de la vision binoculaire. De nombreux patients n’ont pas de vision stéréoscopique mais possèdent néanmoins un sens du relief et de la profondeur. Celui-ci est fondé sur des mécanismes monoculaires et il ne doit pas être dénommé « stéréoscopie ». Différents mécanismes sont mis en jeu pour évaluer la sensation du relief ou, au minimum, la distance séparant plusieurs objets dans l’espace visuel ; certains mécanismes ne nécessitent pas le recours à la vision binoculaire.
Cette « sensation » du relief peut être monoculaire. Elle est très utile aux patients monophtalmes ou ne possédant pas de vision binoculaire – mais aucun de ces mécanismes n’a la finesse de la vision stéréoscopique. Il s’agit de l’ordre des objets, de leur taille apparente, de leur couleur, de la vitesse relative de déplacement des objets, de leurs déplacements relatifs à la fixation d’un point intermédiaire et de l’aspect de leur ombre.
La vision stéréoscopique permet de construire une notion de profondeur et/ou de relief du fait de la disparité horizontale (parallaxe binoculaire) et la participation de la disparité verticale.
L’accommodation fait partie d’une triade, la syncinésie de vision de près. L’apparition d’un stimulus sur un plan uniforme va déclencher une réaction réflexe d’accommodation, de vergence et de myosis[41, 42]. Elle est mise en œuvre lorsque l’œil fixe un objet rapproché. Un phénomène inverse est observé lorsque l’œil désaccommode pour fixer un objet à l’infini. L’accommodation va être déclenchée par le flou visuel, la vergence par la disparité des images et le myosis par la proximité du stimulus. L’accommodation (mesurée en dioptries) et la convergence (mesurée en dioptries prismatiques) sont proportionnelles selon Donders (cf. infra), même s’il existe une certaine flexibilité [93]. Dès lors, il existe :
– une convergence accommodative (CA), c’est-à-dire une convergence déclenchée par une accommodation (A) ; elle est estimée à partir de mesures cliniques sous stimuli du rapport CA/A (ou AC/A pour les Anglo-Saxons) ;
– une accommodation convergentielle (AC), c’est-à-dire une accommodation déclenchée par la convergence (C) ; elle est estimée également à partir de mesures cliniques sous stimuli du rapport AC/C (ou CA/C pour les Anglo-Saxons).
Cette relation a été décrite par Donders (1864). Elle stipule que la quantité de convergence accommodative est liée à la quantité d’accommodation développée pour voir l’objet net. Ce rapport (rapport AC/A) présente les caractéristiques suivantes :
– fixe pour chaque individu ;
– non génétiquement programmé ;
– association acquise dans les premiers mois de vie ;
– absence de variation avec l’âge, l’amétropie, le contrôle central…
La droite représentative de ce rapport est nommée droite normale accommodation-convergence ou droite de Donders. Cette droite est purement théorique et ne constitue qu’une référence et non pas un comportement physiologique normal. La valeur du rapport AC/A est située entre 3 et 5, c’est-à-dire que chaque dioptrie (D) d’accommodation provoque une convergence accommodative de 3 à 5 dioptries prismatiques (DP) [90]. Le rapport AC/A ne peut être cependant mesuré que si le sujet possède encore une amplitude d’accommodation suffisante (au moins 3 D). Plusieurs auteurs ont mesuré à plusieurs reprises ce rapport chez les mêmes sujets et n’ont observé que des variations minimes. D’un point de vue clinique, le rapport AC/A renseigne sur les problèmes qui se posent à un sujet passant d’une distance de vision à une autre. Ce rapport permet de classer les patients :
– ceux ayant une insuffisance de convergence (faible rapport AC/A, inférieur à 3,5 dioptries prismatiques par dioptrie d’accommodation) ;
– ceux ayant un excès de convergence (fort rapport AC/A, supérieur à 5 dioptries prismatiques par dioptrie d’accommodation)
La perte d’accommodation d’origine périphérique qu’on retrouve par exemple dans la presbytie, dans l’aphakie, mais aussi après instillation d’agent pharmacologique cycloplégique, supprime la faculté d’accommoder mais non l’incitation accommodative [94] et toutes ses conséquences notamment sur la convergence. Par exemple, un aphake peut avoir des troubles de la convergence accommodative lors d’efforts de vision de près [90].
En théorie, la presbytie n’altère pas la vision binoculaire en vision de près. Les presbytes ont tendance à devenir exophoriques en vision de près [74]. Cette exophorie en vision de près a tendance à augmenter quand le sujet porte ses lunettes de près. L’explication en serait le moindre effort accommodatif et, en conséquence, une plus faible sollicitation de la convergence accommodative. Le fait que, malgré la disparition de l’accommodation, le presbyte maintienne une vision binoculaire de près s’expliquerait par la mise en jeu de la convergence proximale et surtout de la convergence fusionnelle. Cette interprétation est contestée par certains auteurs qui pensent qu’au contraire, le système nerveux commandant l’accommodation continuant d’être présent, le presbyte peut le stimuler en toute liberté puisque ce stimulus n’aura plus d’effet. Ce stimulus accommodatif entraînera la convergence accommodative nécessaire pour satisfaire ses besoins. Au début de la presbytie, si l’addition de près n’est pas portée ou si elle est trop faible, le système visuel réagit par un stimulus nerveux excessif de l’accommodation : il peut s’en suivre une augmentation de la convergence accommodative et une diminution de l’exophorie de près pouvant même aller jusqu’à une ésophorie ; dès que l’addition correcte est portée, ce stimulus accommodatif redevient normal, la convergence accommodative diminue et l’exophorie augmente.
Les mécanismes neuroadaptatifs liés à la compensation optique ou chirurgicale de la presbytie invitent à s’intéresser aux bases neurales qui composent la perception binoculaire au niveau du cortex cérébral.
La vision stéréoscopique permet de construire une notion de la profondeur et/ou du relief du fait de la disparité horizontale et avec la participation de la disparité verticale — dont le rôle est controversé.
Lorsqu’un point stimule les hémirétines homonymes de chaque œil, le message nerveux issu de cette stimulation est véhiculé de manière strictement monoculaire le long de la voie rétino-géniculo-striée. Cette séparation des informations nerveuses provenant de chaque œil est clairement établie tout le long de cette voie rétino-géniculo-striée, particulièrement au niveau du corps géniculé latéral. Les études physiologiques ont mis en évidence l’existence de couches distinctes connectées soit à l’œil ipsilatéral, soit à l’œil controlatéral. La transformation de ces messages binoculaires est effectuée au niveau du cortex strié, probablement au niveau de sa couche V. Une première analyse des disparités horizontales et éventuellement verticales pourrait être réalisée dès ces territoires V1, au moins chez l’animal[19, 25, 30, 85]. La structure du cortex au niveau de l’aire primaire V1, son organisation en colonnes et hypercolonnes et le volume de celles-ci ainsi que les facteurs de magnification corticale pourraient expliquer certaines limites de la vision stéréoscopique[104, 125]. Cependant, d’autres auteurs estiment qu’il est possible que l’aire visuelle primaire V1 ne soit qu’un relais préparatoire dans les mécanismes neuronaux impliqués dans la vision stéréoscopique et la perception du relief[9, 19, 86]. Les aires extrastriées, telles que V2, V3, MT et MST, ou la jonction pariéto-occipitale pourraient constituer les zones participant à cette analyse de la vision stéréoscopique[20, 38, 765, 115].
Les expérimentations pratiquées chez l’animal — notamment chez le chat et le primate — ont permis de comprendre certains mécanismes essentiels. On parle de « neurones binoculaires » et de « neurones détecteurs de disparité positionnelle » pour différencier l’ancrage physiologique de la fusion et de la disparité positionnelle au niveau des messages neuronaux [26]. L’hypothèse de la présence de neurones binoculaires s’appuie sur une différenciation des signaux axonaux : ils seraient propres à chaque rétine pour leur afférence et « binoculaires » pour leur efférence. Les travaux de D. Hubel et T. Wiesel ont contribué à valider cet ancrage physiologique chez le chat ainsi que chez le singe[26, 56]. Ces neurones binoculaires seraient également spécifiques de champs récepteurs occupant des positions correspondantes sur les deux rétines, aussi bien au niveau de leur orientation que de leur fréquence spatiale. La condition de disparité positionnelle de la vision binoculaire trouverait, de la même manière, un ancrage physiologique dans les neurones détecteurs de disparité positionnelle [26] : la spécificité de disparité positionnelle (horizontale ou verticale) participerait à l’encodage par ces signaux axonaux.
Si l’étude de la perception de la vision stéréoscopique a pu révéler des ancrages physiologiques bien déterminés, les recherches portées sur la plasticité cérébrale ont suscité quant à elle un intérêt particulier, montrant l’importance de l’expérience sensorielle. Ce sont les prix Nobel D. Hubel et T. Wiesel qui ont permis de révéler chez l’animal (1963) l’importance du développement postnatal, en mettant en évidence une relation fondamentale entre la modification des réseaux neuronaux (modification du nombre de cellules corticales dans le cortex visuel) et la qualité de l’activité visuelle fonctionnelle [26]. Ce n’est que dans les années quatre-vingt que certains travaux ont validé cette relation chez l’adulte, révélant ainsi les capacités de notre système nerveux à se réorganiser en fonction de nos propres informations sensorielles [26]. Cette réorganisation du système nerveux renvoie aujourd’hui à la notion de plasticité cérébrale, qui souligne son caractère « malléable ».
On distingue trois types de plasticité [24] :
– la plasticité dite « évolutive » (ou phylogénétique) renvoie à la notion de transformation morphologique des espèces et de leurs capacités réactionnelles ;
– la plasticité dite « développementale » traduit la plasticité du système au cours de son développement sous l’effet de contraintes externes ;
– la plasticité dite « adaptative » concerne la capacité du système nerveux à se remanier alors que son développement est achevé : cette plasticité permettant un remaniement à l’âge adulte peut être anatomique (modifications des projections neuronales), ultrastructurale (modifications de la densité des synapses), synaptique (définissant des changements de l’efficacité de la transmission synaptique), topographique ou représentationnelle [24].
Sur le plan clinique, la plasticité dite « développementale » correspond à l’apparition d’une amblyopie ou à son traitement par occlusion chez le jeune enfant. La plasticité dite « adaptative » permettrait chez l’adulte atteint d’une maculopathie, par exemple, le développement d’un néo-point de fixation oculaire en dehors de la zone fovéolaire atteinte. Chez l’adulte presbyte, la plasticité adaptative permet de compenser, au niveau binoculaire, toute monovision éventuelle pratiquée par lentilles de contact ou par chirurgie réfractive.
En un sens plus large, la notion de « plasticité cérébrale » ou de « plasticité neuronale » est employée pour traduire le caractère malléable de notre cortex cérébral, aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte.
Les conséquences fonctionnelles induites par la survenue de la presbytie ou par la chirurgie de la presbytie nous invitent à revenir sur le concept de « tâche visuelle ». La problématique est de comprendre en quoi la réalisation d’une activité, notamment en vision de près, peut être facilitée ou perturbée.
Une activité peut se définir comme une tâche à accomplir avec les moyens dont dispose le patient. Une tâche comporte plusieurs caractéristiques : le but, la contrainte physique et la demande cognitive. Le but est l’essence même de la tâche, par exemple lire, conduire ou travailler sur ordinateur. La contrainte physique dépend des données fournies par le système visuel et les autres systèmes sensoriels. Une autre exigence est la demande cognitive. Plus celle-ci est élaborée, plus le traitement central des informations et l’analyse de la situation seront laborieux : l’aboutissement dans l’exécution demandée ne sera pas forcément réalisé ou réalisable [75].
La résolution d’une tâche dépendra des moyens mis en œuvre par le sujet, moyens qui seront sensoriels, moteurs et psycho-cognitifs. La performance est fonction de trois variables (selon le modèle de Fleishman) : l’état de l’organisme, l’état de l’environnement et la tâche à réaliser. Une des caractéristiques essentielles des approches cognitives de la performance est que la direction et l’intensité du comportement dépendent de l’anticipation du sujet. On distingue également ces tâches visuelles en fonction de leur distance d’exécution, en vision de près (lecture, écriture, téléphone portable…), en vision intermédiaire (ordinateur, repas…) et en vision de loin (conduite, écran télé, panneaux signalétiques…). La demande accommodative du patient sera donc différente et ses besoins visuels étroitement liés à ses habitudes de vies personnelles et professionnelles.
Le mode de correction de la presbytie (lunettes, lentilles, chirurgie, type d’optique) serait une source de modification des capacités de lecture [108]. La vitesse de lecture est devenue au cours de ces dernières années un paramètre fonctionnel complémentaire évalué dans le but d’apprécier la performance des techniques de compensation de la presbytie. Ce paramètre de la fonction visuelle est bien connu des protocoles d’évaluation en cas de malvoyance.
Certaines études ont pu révéler que la vitesse de lecture pouvait être abaissée de 5 % à 15 % en fonction du type de correction de la presbyte (lunettes, lentilles bifocales, monovision) [108]. D’autres publications traitent davantage des différents résultats obtenus par certains implants (multifocaux diffractifs, réfractifs) et évaluent leurs performances respectives[2, 23, 113] : en fonction des implants évalués, des études et des auteurs, les vitesses de lecture seraient équivalentes en moyenne (en postopératoire) entre 142 ± 17 mots par minute [23] et 195 ± 45 mots par minute [113]. Ce domaine de recherche révèle surtout le fait qu’il n’est plus question d’évaluer un niveau d’acuité visuelle en vision de près ou intermédiaire, mais qu’il est davantage question de placer ce niveau de performance visuelle dans un contexte de « tâche » et de globalité sensorielle. La mesure de la distance de lecture de confort après implantation est devenue également un critère comparatif de la qualité de vision obtenue [113]. En effet, les capacités de perception en vision de près sont essentielles chez le presbyte candidat, d’autant plus chez le presbyte « actif » qui place le plus souvent la lecture en vision de près et intermédiaire comme motif premier de consultation de chirurgie réfractive.
L’Homme a développé au fil des siècles des capacités cognitives adaptées à l’écrit sur papier. Or, le texte prolifère aujourd’hui sur toutes les sortes de supports électroniques (e-books, smartphones, tablettes, ordinateurs…), entraînant une révolution de notre rapport à la lecture et une « modification de notre cortex » [7]. Nos distances de lecture changent également, ainsi que notre manière de saisir l’information. La lecture est un processus sollicitant d’importantes capacités cognitives. Elle mobilise successivement pour le seul décodage des mots plus de six zones cérébrales. Si le cerveau doit en plus solliciter des zones de reconnaissances de forme, de position, de vitesse ou de couleurs, la lecture sur écran demande un surcroît de travail au cerveau et même un fonctionnement différent [7]. Les zones du cerveau de la prise de décision et des raisonnements complexes, ignorées lors de la lecture sur papier, sont activées lors de la lecture d’un contenu multimédia, par la présence d’hypertextes offrant un très grand nombre de pages à visiter. De fait, face à un contenu multimédia, la vitesse de lecture chuterait de 25 % [7]. Ces résultats sont toutefois sujets à discussion, mais il est certain que la problématique de lecture sur des écrans multimédias changera probablement nos protocoles d’évaluation fonctionnelle, afin de se rapprocher au mieux de la réalité fonctionnelle du quotidien de nos patients.
Sur le plan des mécanismes mis en jeu, les saccades oculaires et la prise parafovéale d’information ont un rôle primordial dans notre capacité et rapidité de lecture. Quelques équipes de recherche se sont particulièrement spécialisées dans l’étude de la prise parafovéale d’informations dans la lecture. La question est de savoir le rôle exact du mot à droite (donc dans la zone parafovéale) du mot fixé qui se trouve, lui, dans la zone fovéale. Depuis 1981 et les travaux de Rayner, on sait que si on retire des informations (par des systèmes de masques) de la zone parafovéale, la vitesse de lecture décline d’environ un tiers. Cette réduction de vitesse est due à l’accroissement des temps de fixation, à des saccades oculaires plus courtes et à un plus grand nombre de fixations. Les informations sur les mots obtenues par une vision parafovéale facilitent l’identification du mot suivant [60]. Il faut en déduire que le cerveau d’un lecteur traite les informations floues, parafovéales, non seulement pour guider la position du point de fixation suivant mais aussi pour en extraire des données sémantico-lexicales.
Le bilan sensoriel et oculomoteur est une étape incontournable du bilan d’exploration de chirurgie réfractive, plus particulièrement celui du candidat presbyte en raison de la dissociation parfois induite par certaines techniques chirurgicales (monovision, vision simultanée loin/près pratiquée sur un seul œil…).
Un simple interrogatoire en début d’examen pourra nous renseigner sur l’état sensori-moteur du patient : antécédents de chirurgie oculaire liée à un strabisme, suivi d’amblyopie, nystagmus, rééducation orthoptique, échec de tentative de monovision par lentilles de contact, symptômes liés à un effort visuel prolongé (céphalées, fatigue visuelle…), antécédents d’accident vasculaire cérébral… Ces différents items, dont la liste ne pourrait être exhaustive, sont autant de signes d’appel.
Ces seuls renseignements pourront dans certains cas contre-indiquer une quelconque chirurgie — la consonance magique du mot « laser », qui « corrigerait tout » invite parfois certains patients à se présenter en consultation alors qu’ils présentent un trouble sensori-moteur ou ancien manifeste (amblyopie profonde, tropies importantes, diplopie intermittente) dans l’espoir de bénéficier d’un geste réparateur, capable de dépasser leur niveau de performances visuelles obtenu avec la meilleure correction optique préopératoire.
Une équivalence fonctionnelle entre les deux yeux est une condition nécessaire pour que la vision binoculaire soit de bonne qualité. On admet qu’il ne doit pas y avoir une différence d’environ plus de 2/10 de meilleure acuité visuelle corrigée entre les deux yeux ou plus d’une ligne d’acuité sur une échelle à progression logarithmique [88].
Ces mesures d’acuité visuelles évaluées avec précision permettent de suspecter une amblyopie, un strabisme, une dominance anormale ou une anisométropie. La mesure devra se faire en monoculaire puis en binoculaire, en vision de loin et de près (fig. 22-1 et 22-2). Chez le presbyte, l’exploration du patient qui se dit « emmétrope » doit être réalisée avec attention car l’examen peut révéler parfois une amétropie légère. Cela est d’autant plus vrai chez le jeune presbyte faible hypermétrope.
Fig.22-1 Évaluation de l’acuité visuelle en vision de loin : échelle logarithmique.
Fig.22-2 Évaluation de l’acuité visuelle en vision de près : test de Parinaud.
Les rapports entre réfraction et le système sensori-moteur sont particulièrement étroits par le biais du rapport accommodation-convergence. Toute chirurgie réfractive, même bien conduite, peut en effet révéler ou décompenser un désordre oculomoteur et entraîner une insatisfaction du patient. Il est préconisé qu’avant toute chirurgie réfractive le patient ait une réfraction objective et subjective sous cycloplégique fort (cyclopentolate ou atropine) pour déceler une amétropie latente [89]. Les capacités accommodatives du système visuel chez l’homme sont telles qu’une cycloplégie est indispensable jusqu’à l’âge de cinquante ans [88]. La réfraction du presbyte comporte des spécificités. Une erreur même minime peut conduire à un mauvais résultat fonctionnel et sensoriel. Il est recommandé de pratiquer la réfraction avec une illumination de la salle moyenne (entre 215 lux et 350 lux) pour correspondre à des conditions de vision normale et favoriser l’obtention d’une pupillométrie photopique moyenne. Nous ne détaillerons pas ici la méthodologie de la réfraction qui a été déjà abordée au chapitre 21 : la méthode dite « du brouillard » sera privilégiée. Nous nous intéresserons davantage aux spécificités de la vision binoculaire et à sa vérification. L’oubli ou la négligence d’une telle étape peut conduire à une correction finale abusive (sous-estimation d’une hypermétropie ou méconnaissance d’une hétérophorie décompensée) ou inégale aux deux yeux. La recherche de troubles sensori-moteurs (phories, fusion, stéréoscopie) aboutit le plus souvent à la prescription d’un bilan orthoptique. L’utilisation du trou sténopéique permettra d’identifier une amblyopie relative ou sévère associée ou non.
L’objectif au cours de l’examen de la réfraction est de corriger le maximum de puissance positive en vision de loin et le minimum d’addition. Au cours de la réfraction, plusieurs étapes clés sont à respecter : autokératoréfractomètre, réfraction de loin monoculaire, équilibre bi-oculaire puis binoculaire, calcul de l’addition, recherches des dominances, contrôles des phories, de la fusion et de la stéréoscopie [93]. Outre son utilisation simple et rapide, l’utilisation d’un réfracteur manuel ou automatisé offre la possibilité de présenter le test de vision de près à une distance précise. Une règle calibrée sur laquelle le texte se déplace en fonction des tests respectifs offre une plus grande précision pour la réalisation des différents tests (acuité en vision de près, parcours d’accommodation, acuité en vision intermédiaire) (fig. 22-3).
Fig.22-3 Évaluation de la réfraction subjective au réfracteur automatisé.
L’étude binoculaire est tout aussi importante que les précédentes étapes de la réfraction. En effet, avoir une bonne vision binoculaire ce n’est pas seulement bien voir de chaque œil, c’est bien voir simultanément des deux yeux, avoir une bonne fusion, un bon équilibre oculomoteur et une aniséiconie inférieure ou égale à 5 % [80].
La réfraction de l’œil droit et celle de l’œil gauche ayant été déterminées puis équilibrées entre elles, il s’agit, en fin de réfraction, de confirmer de manière binoculaire la valeur de la sphère à retenir. Contrairement aux mesures réalisées au cours de la réfraction monoculaire et bi-oculaire, on cherche ici non seulement à vérifier l’acuité visuelle maximale du sujet en conditions de vision binoculaire mais aussi, au-delà, à vérifier l’acceptation de la correction optique par un test d’appréciation du confort de vision. L’étude binoculaire de la réfraction peut être pratiquée à partir de quatre méthodes distinctes : le débrouillage binoculaire, la croix de Jackson, le test duochrome et les faces vérificatrices ± 0,25 D.
Le débrouillage termine le travail effectué lors du test d’équilibre polarisé (cf. « Examen bi-oculaire » décrit dans le chapitre 21) : faire lire le patient (sans lunettes polarisées) et débrouiller simultanément les deux yeux par paliers de 0,25 D jusqu’à l’acuité visuelle maximale.
Ce test est intéressant en cas d’accommodation sur les couleurs ou de dyschromatopsie. Ce test aide à vérifier la valeur de la sphère en monoculaire. Il sera ici pratiqué en binoculaire, c’est-à-dire sur les deux yeux simultanément. Le but est d’obtenir que le patient voie aussi nettes les lignes verticales et horizontales. La méthode consiste d’abord à brouiller de + 0,50 D la sphère trouvée aux tests de mise au point ; projeter à l’écran la croix de Jackson ; placer le cylindre croisé de Jackson de puissance 0,50 D (voire 0,25 D) dans la monture d’essai en prenant soin de mettre l’axe des négatifs à 90° : le patient devrait voir ainsi les lignes verticales plus nettes ; débrouiller ensuite la sphère par paliers de 0,25 D jusqu’à égalité de netteté des lignes verticales et horizontales. On retient comme bonne la sphère permettant cette égalité. La question posée au patient est : « Quelles sont les lignes, verticales ou horizontales, les plus nettes, les plus noires, les plus contrastées ? Ou est-ce pareil ? » (fig. 22-4).
Fig.22-4 Croix de Jackson.
On pourra également utiliser les tests duochromes pour confirmer les sphères les plus convexes obtenues par la méthode dite « du brouillard ». L’hypermétrope doit se trouver équilibré rouge/vert ou très légèrement dans le vert, et le myope équilibré rouge/vert ou très légèrement dans le rouge, ce qui correspond pour l’un comme l’autre à une situation de confort [71].
On réalisera cette vérification binoculaire de préférence lors de l’essai final de la correction sur une lunette d’essai, en situation normale de vision et non derrière le réfracteur. On préférera aussi faire regarder le sujet à l’infini et non à la distance conventionnelle du tableau d’optotypes. En effet, la position de ce dernier ne correspond pas au réel infini optique mais à une proximité de l’ordre de 0,25 D (1/4 m = 0,25 D, 1/5 m = 0,20 D), qui peut nécessiter un ajustement final de la sphère de – 0,25 D sur les deux yeux.
On pourra procéder ainsi :
– placer la réfraction sur la lunette d’essai et faire regarder le sujet à l’infini ;
– introduire + 0,25 D devant les deux yeux, à l’aide d’une face binoculaire, et demander au sujet « s’il voit mieux, moins bien ou si c’est pareil » avec les verres introduits ; le patient doit signaler l’apparition du flou :
– s’il voit moins bien, la réfraction est juste (ou éventuellement trop convexe) : c’est la réponse recherchée, on passera au test suivant ;
– s’il ne perçoit pas de changement, la réfraction est trop concave : ajouter + 0,25 D sur les deux yeux et recommencer le test ;
– s’il voit mieux, la réfraction est beaucoup trop concave : ajouter + 0,25 D ou plus et recommencer le test ou reprendre la réfraction ;
– de la même manière, introduire – 0,25 D devant les deux yeux ; le patient ne doit pas percevoir de différence :
– s’il voit mieux, la réfraction est trop convexe : ajouter – 0,25 D et recommencer le test ;
– s’il ne perçoit pas de changement, la réfraction est juste (ou éventuellement trop concave) ;
– s’il voit moins bien, la réfraction est beaucoup trop concave : ajouter + 0,25 D ou plus et recommencer le test ou reprendre la réfraction.
À ce stade de l’examen, il est important de procéder, pour chaque patient, à une vérification de la vision binoculaire. Il s’agit, plus précisément, de confirmer que le patient a une bonne vision simultanée et qu’il réalise sans difficulté la fusion des images perçues par chacun de ses deux yeux. Pour cela, on dissocie la vision binoculaire du patient pour vérifier :
– qu’il n’y a pas de neutralisation/suppression totale ou partielle de la vision d’un œil : par la présence et permanence des deux images ;
– qu’il n’y a pas de déviation potentielle ou phorie importante : par le quasi-alignement des images perçues par les deux yeux.
Selon que la dissociation de la vision binoculaire est réalisée au moyen de prismes, de filtres rouge-vert ou de filtres polarisés, on pourra pratiquer, par exemple l’un des tests suivants : la méthode de von Graefe (prismes dissociants en verticalité), le test de Schober (lunettes rouge/vert dissociantes), le test de la croix polarisée (filtres polarisés dissociants), le test de Worth (lunettes rouge/vert dissociantes), les tests à coïncidence verticale ou horizontale (filtres polarisés dissociants). Les tests dissociants décèlent plus facilement un déséquilibre binoculaire latent [99] ; ils permettent d’en évaluer la valeur maximale. Mais, du fait de la dissociation qu’ils introduisent, ils surévaluent le déséquilibre effectif. Dans le cas où un déséquilibre oculomoteur serait dépisté au cours de la réfraction, il est conseillé d’envisager un examen orthoptique approfondi. Le test de l’écran (cf. infra, « Bilan oculomoteur »), moins dissociant, pourra par exemple mettre en évidence une hétérophorie ou un microstrabisme.
Nous détaillons ici uniquement deux tests couramment utilisés en pratique : le test de Schober et le test de Worth.
L’objectif de ce test est de vérifier la vision simultanée et de quantifier la déviation en cas d’hétérophorie. Le test est une croix rouge dans un (ou deux) cercle vert (fig. 22-5 et 22-6). Une paire de lunettes « dissociantes » est portée par le patient : par convention, verre rouge devant l’œil droit et verre vert devant l’œil gauche. Les questions suivantes sont posées au patient : « Voyez-vous en même temps la croix et le cercle ? » « Est-ce que la croix est dans le cercle, sur le cercle ou en dehors du cercle ? » (Si nécessaire on fera préciser la localisation de la croix : « La croix est-elle au centre, déviée à gauche, à droite, en haut ou en bas ? »).
– À la première question :
– si la croix est vue seule : neutralisation/suppression de l’œil gauche ;
– si le cercle est vu seul : neutralisation/suppression de l’œil droit.
– À la seconde question :
– croix au centre du cercle : orthophorie de loin, qui est notée O, CRN (correspondance rétinienne normale) ;
– si le mouvement apparent de la croix va à droite : ésophorie, qui est notée E ;
– si le mouvement apparent de la croix va à gauche : exophorie, qui est notée X ;
– si le mouvement apparent de la croix va en haut : hyperphorie de l’œil gauche, notée HG ;
– si le mouvement apparent de la croix va en bas : hyperphorie de l’œil droit, notée HD.
Fig.22-5 Test de Schober.
Fig.22-6 Réponses au test de Schober.
Ce test dissociant permet de vérifier au cours de l’examen la vision simultanée et la fusion. Ce test peut être pratiqué en vision de loin ou près. Le patient porte une paire de lunettes dissociantes : par convention, verre rouge devant l’œil droit et verre vert devant l’œil gauche. Le test projette quatre motifs : un losange rouge, deux croix vertes ainsi qu’un rond jaune ou blanc (fig. 22-7). La question posée au patient est la suivante : « Combien de dessins voyez-vous, en tout ? » Les réponses sont interprétées en fonction du nombre de dessins vus :
– deux dessins vus : neutralisation de l’œil gauche ;
– trois dessins vus : neutralisation de l’œil droit ;
– quatre dessins vus : fusion ;
– cinq dessins vus : diplopie évidente (deux ronds jaunes ou blancs sont perçus).
Les tests de vision stéréoscopique sont détaillés plus loin.
Fig.22-7 Test de Worth.
La correction de la presbytie ne peut être faite qu’après une étude rigoureuse de la réfraction en monoculaire puis bi-oculaire et, enfin, en binoculaire avec l’étude des phories [81]. La détermination de la presbytie se fera toujours en binoculaire sous un éclairage idéal de 600 à 700 lux. L’addition sera toujours identique aux deux yeux (sauf en cas d’anisométropie importante). Il est fortement conseillé de ne jamais surcorriger et ne pas corriger la presbytie « avant l’âge », même si d’après les statistiques de Duane, « il n’y a pas d’âge légal et obligatoire » à l’apparition de la presbytie. Une « prépresbytie » est cependant possible avant quarante-quatre ou quarante-cinq ans mais il faut, dans ce cas, suspecter chez le myope une surcorrection de loin ; chez l’hypermétrope, une hypermétropie latente décompensée non corrigée ou une sous-correction de loin ; dans les deux cas, une insuffisance de convergence associée ou isolée. Chez le presbyte débutant, une exophorie de près peut se décompenser sous l’effet de la première addition pour la vision de près. Selon l’activité professionnelle du sujet, il sera possible de sous-corriger initialement la presbytie ; à défaut, il faudra envisager une rééducation orthoptique [99].
L’étude de la réfraction chez le patient presbyte, candidat à la chirurgie réfractive, est une étape particulière dans l’étude de la tolérance d’une monovision éventuelle. La recherche préalable de la dominance oculaire en vision de loin et de près conditionnera les essais de tolérance binoculaire au cours de l’examen. Une simulation courte au cours de la consultation à l’aide d’une lunette d’essai, et plus longue à l’aide d’une période d’essai en lentilles de contact viendra renforcer la bonne tolérance par le patient. Cette simulation indispensable permettra de dépister toute décompensation oculomotrice éventuelle et d’en vérifier les conséquences sensorielles.
Le bilan oculomoteur permet, entre autres, de répondre à trois questions essentielles :
– Existe-t-il une limitation oculomotrice latente ou manifeste pouvant contre-indiquer une chirurgie réfractive ?
– Quelle est la part sensori-motrice de la correction optique portée ?
– Une insuffisance de convergence peut-elle altérer la qualité du résultat visuel postopératoire ?
Le bilan orthoptique doit être considéré comme le bilan sensori-moteur de référence. Il sera prescrit dès les premiers signes d’appel ou systématiquement avant toute chirurgie réfractive de la presbytie.
Dénommé aussi cover-uncover test ou test de masquage unilatéral, ce test est utilisé pour rechercher une tropie. Le patient fixe une cible (de loin puis de près). Ce test est réalisé en cachant de façon brève un œil (1 à 2 secondes) puis en enlevant le cache, tout en observant s’il existe un mouvement de fixation de l’autre œil lors de l’interposition du cache. En l’absence de mouvement et après plusieurs secondes, le test est pratiqué sur l’autre œil. S’il n’apparaît aucun mouvement de fixation, le test ayant été fait sur chaque œil, il n’existe pas de tropie. Si l’occlusion d’un œil provoque un mouvement de nasal en temporal de l’autre œil, il existe une ésotropie ; un mouvement de temporal en nasal témoigne d’une exotropie et un mouvement vers le bas d’une hypertropie [30] (fig. 22-8 a, b).
Fig.22-8 Test de l’écran unilatéral et bilatéral, avec et sans correction optique, en vision de loin et de près
Dénommé aussi cover test ou test de masquage alterné, ce test rompt la fusion binoculaire et détermine la déviation totale incluant phorie et tropie. Le test est réalisé en cachant alternativement chaque œil et en recherchant un mouvement de refixation à l’alternance du cache. Nous observons s’il y a un mouvement de restitution de l’œil que l’on découvre : si la restitution se fait de temporal en nasal, il existe une exophorie (X). Si la restitution se fait de nasal en temporal, il existe une ésophorie (E). Secondairement, le test de l’écran alterné permet, par la décompensation totale du déséquilibre oculomoteur, de déceler les cas limites des phories en tropies à la décompensation et, dans les angles variables, de faire la différence entre l’angle de base sans décompensation et l’angle maximum. Ce test, pratiqué dans les différentes positions du regard, met en évidence les incomitances caractéristiques d’une paralysie ou les incomitances strabiques [63]. On pratiquera ce test en vision de loin et en vision de près, avec et sans correction optique. Il pourra être utile de revoir le patient sous cycloplégique afin d’obtenir une décompensation des hétérophories et des tropies à parts accommodatives suspectes (fig. 22-8 b, c).
On veillera à identifier les déviations concomitantes et incomitantes. On portera une attention particulière à l’analyse des phories et phories-tropies en cas de monovision envisagée : les mesures seront prises en vision de loin et vision de près, avec et sans correction optique (lunettes et/ou lentilles de contact), ainsi que dans toutes les positions du regard en vision de près en cas de trouble révélé en position primaire (fig. 22-9).
Fig.22-9 Mesure des phories et tropies à l’aide du cover test et de la règle de prismes, avec et sans correction optique, en vision de loin et de près.
Les versions testent les mouvements des yeux en binoculaire et permettent d’apprécier leur motilité de façon synchrone. Leur examen pratiqué dans les neuf positions du regard s’assurera de l’absence de toute limitation oculomotrice. Les ductions étudient quant à elles les mouvements en monoculaire, l’autre œil étant occlus.
La négligence de l’étude de la motilité oculaire pourra avoir des conséquences parfois irréversibles en cas de trouble non dépisté. Burton J. Kuschner a publié une série de vingt-huit patients présentant tous une diplopie après une chirurgie réfractive [67]. Pour deux d’entre eux, la diplopie était monoculaire. Parmi les vingt-six autres patients présentant une diplopie binoculaire, un patient présentait une diplopie postopératoire consécutive à une paralysie du IV non dépistée [106].
Tout signe d’appel même minime doit faire suspecter un trouble oculomoteur et doit inciter à pratiquer une exploration complète de la motilité oculaire.
Une manœuvre de Bielchowsky ainsi qu’une exploration par le test de Lancaster complétera le bilan oculomoteur lorsque cela sera nécessaire.
L’examen de la motricité conjuguée a pour but de s’assurer de l’absence de trouble de la poursuite et des saccades oculaires. Une attention particulière sera accordée aux mouvements éventuels de secousses nystagmiques dans les différentes positions du regard.
La convergence est le mouvement de vergence le plus puissant, avec une amplitude de fusion de 25 à 35 dioptries prismatiques, qui peut être améliorée par des exercices de rééducation orthoptique. Il existe au moins cinq mécanismes de convergence : vergence tonique, vergence fusionnelle, vergence accommodative, convergence volontaire et convergence proximale. L’évaluation du punctum proximum de convergence (PPC) donne l’aspect qualitatif de la convergence mise en jeu pour la vision de près et permet de suspecter une insuffisance de convergence. Le PPC maximal est d’environ 6 cm [57] (fig. 22-10). Il sera intéressant de le mesurer avec une addition de + 1,00 afin de faire le diagnostic différentiel avec une pseudo-insuffisance de convergence.
L’insuffisance de convergence est caractérisée par une diminution de l’amplitude de fusion — fusion qui est motrice et sensorielle en convergence de près et mais également de loin [63]. Les signes fonctionnels se manifestent surtout en vision de près : fatigue visuelle, céphalées et gêne à la lecture, parfois diplopie. L’analyse de l’insuffisance de convergence peut être complétée à l’aide la barre de prismes en vision de près et de loin dans l’espace ou au synoptophore : on mesure la convergence en dioptries prismatiques, mais également la divergence afin de délimiter l’amplitude de fusion du patient (fig. 22-11).
Fig.22-10 Mesure du punctum proximum de convergence (PPC).
Fig.22-11 Mesure de l’amplitude de fusion binoculaire dans l’espace à l’aide de la règle de prismes.
On vérifie, chez le patient presbyte, l’état de sa correspondance rétinienne, de sa fusion à sa vision stéréoscopique, dans le but de mieux préciser l’indication chirurgicale ou, au contraire, de contre-indiquer toute chirurgie réfractive. Ces tests sont pratiqués également en postopératoire afin de mesurer l’impact de la chirurgie sur la vision binoculaire en cas d’inconfort ou de complication.
Différents tests explorent la vision binoculaire ; on distingue ceux étudiant la fusion, la vision stéréoscopique, les zones de neutralisation et les correspondances rétiniennes.
Parmi les tests objectifs de correspondance rétinienne, on peut citer le test de Jampolsky ainsi que le test du biprisme de Gracis : tous deux sont en effet intéressants pour l’analyse des microtropies. Parmi les tests subjectifs de correspondance rétinienne, on trouvera les tests suivants (du moins dissociant au plus dissociant) : les verres striés de Bagolini, le test du verre rouge, la barre de filtres de Bagolini, le test de Worth, les verres de Maddox, le test de Schober, le synoptophore. Bien que le test des verres striés de Bagolini soit un très bon test pour la recherche de neutralisations/suppressions, nous choisirons ici de détailler le test de Jampolsky pour son intérêt dans le dépistage des microtropies ainsi que le synoptophore qui a, quant à lui, un intérêt dans le dépistage et la rééducation orthoptique. Les tests de Schober et de Worth ont déjà été abordés au cours de l’examen de la réfraction.
En pratique courante, le test du prisme de 4 D base temporale de Jampolsky (dénommé communément test de Jampolsky) est simple et rapide à réaliser (fig. 22-12). Ce test consiste à placer un prisme de 4 D base temporale devant un œil en étudiant le mouvement de l’autre œil. La manœuvre est ensuite effectuée sur l’autre œil. Les résultats nous permettent d’identifier le sujet normal ; le prisme placé devant l’œil droit déplace l’image de l’objet fixé, entraînant un mouvement de convergence fusionnelle des yeux [30] :
– sujet avec neutralisation de l’œil gauche découvert : il n’y a pas de mouvement de convergence fusionnelle ; seul le mouvement de version induit par l’œil droit persiste, le déplacement de l’image n’étant pas perçu par l’œil gauche ;
– sujet avec neutralisation de l’œil droit prismé : aucun mouvement n’est perçu, car le déplacement de l’image se fait dans le scotome de neutralisation, et n’est pas perçu.
Le synoptophore est l’appareil le plus complet, permettant à lui seul de tester les différentes fonctions de la vision binoculaire — il crée cependant des conditions totalement artificielles de vision. Des mires différentes sont projetées séparément sur chaque œil. Une lentille convexe de 7 D est incorporée dans l’objectif face à l’œil du sujet, renvoyant l’image à l’infini, dans le but de supprimer toute accommodation. Le synoptophore a la particularité d’analyser les trois degrés de la vision binoculaire (selon Worth) à l’aide de mires spécifiques (tests fovéolaires, maculaires et périphériques) :
– perception simultanée : deux mires comportant des dessins différents qui s’intègrent l’un à l’autre ;
– test de fusion : deux mires identiques dont un seul détail diffère ;
– test de vision stéréoscopique : deux dessins légèrement décalés donnant une impression de relief.
Le synoptophore permet l’analyse de la dominance oculaire et d’une déviation oculomotrice de manière objective et subjective. Il permet également de délimiter l’amplitude de fusion binoculaire des patients et de la développer au cours de la rééducation (en cas d’insuffisance de convergence). Il est admis que la convergence peut être développée jusqu’à 80 dioptries prismatiques avec des tests maculaires et parmaculaires, un peu moins avec des tests fovéolaires [63] (fig. 22-13).
Fig.22-12 Test du prisme de 4 D de Jampolsky, qui permet de dépister une microtropie.
Fig.22-13 Synoptophore. Il aide au diagnostic orthoptique et à la rééducation de la vision binoculaire.
La vision stéréoscopique est la forme la plus élaborée de vision binoculaire.
Les contours d’un objet tridimensionnel tombent sur des points légèrement non correspondants en raison de l’écart entre les deux yeux. Ces points non correspondants donnent des images disparates qui, grâce au mécanisme de fusion corticale des images, se transforment en vision en relief. La mesure de cette disparité rétinienne s’exprime en secondes d’arc. Deux sortes de procédés sont utilisées :
– ceux qui reposent sur la notion de parallaxe stéréoscopique, présentés avec un système polarisant, afin que chaque œil perçoive une image différente (fig. 22-14) (test de Wirt : stéréoscopies testées de 1 000 à 40 secondes d’arc) ;
– ceux qui reposent sur le principe de nappes de points aléatoires, décalés dans le même sens (tests de Lang, TNO, test Randot) :
– pour des raisons physiologiques, seuls les tests à points aléatoires présentent une garantie suffisante [89] ;
– les critères de normalité sont bien codifiés : avec ces tests (points aléatoires), il faut une stéréoscopie inférieure à 80 secondes d’arc pour avoir une garantie suffisante [89] ;
– le TNO est le plus fiable et permet, avec le test Randot, d’évaluer les acuités stéréoscopiques fines, éliminant les faux positifs.
Fig.22-14 Certains tests de vision stéréoscopique nécessitent des lunettes polarisées pour dissocier les images des deux yeux.
Ces tests très utilisés chez l’enfant peuvent être utilisés chez l’adulte en qualité de tests de dépistage simples et rapides. Ils combinent une présentation panographique de points aléatoires, vus sans lunettes. Le Lang I représente un chat (1 200 secondes d’arc), une étoile (600 secondes d’arc) et une voiture (550 secondes d’arc) ; le Lang II représente une étoile vue en monoculaire, un éléphant (600 secondes d’arc), une voiture (400 secondes d’arc) et un croissant de lune (200 secondes d’arc) (fig. 22-15).
Fig.22-15 Test de Lang I et II. Tests de vision stéréoscopique à points aléatoires à privilégier.
Il comporte un livret avec trois séries de tests :
– tests géométriques : de 500 à 250 secondes d’arc ;
– trois rangées d’animaux : de 400 à 100 secondes d’arc ;
– dix séries de cercles : de 400 à 20 secondes d’arc.
Le port de filtres polarisés est nécessaire.
C’est le test le plus précis et le plus fiable pour analyser des stéréoscopies de 480 à 15 secondes d’arc. Il s’agit d’un test duochrome rouge/vert qui comporte six planches présentant des formes géométriques (fig. 22-16). Il est impossible de le percevoir en monoculaire. Un sujet en microtropie arrive rarement à une acuité inférieure à 100 secondes d’arc.
L’évaluation de l’acuité stéréoscopique est importante en préopératoire. En cas d’absence ou d’insuffisance de la stéréoscopie, il sera nécessaire de rechercher l’origine de ce dysfonctionnement sensoriel. L’acuité stéréoscopique moyenne de la population est de 20 secondes d’arc. Pour les personnes âgées de plus de quarante ans, cette valeur moyenne est de 58 secondes d’arc[27, 123].
En postopératoire, l’évaluation de l’acuité stéréoscopique vise à connaître les répercussions de la chirurgie réfractive sur les performances de vision binoculaire.
Fig.22-16 Test du TNO. Test de référence pour l’évaluation de l’acuité stéréoscopique, à l’aide de lunettes rouge/vert.
La connaissance de la dominance oculaire a un triple intérêt pratique :
– on pourra préférer commencer la réfraction par l’œil non préféré, afin d’entraîner le sujet avant de déterminer la réfraction de l’œil préféré ;
– lors de l’équilibrage des corrections entre l’œil droit et l’œil gauche, on veillera, si l’équilibre parfait ne peut pas être obtenu, à ne pas favoriser l’œil non préféré ;
– lors de l’indication chirurgicale, la connaissance de l’œil préféré permettra de décider sur quel œil pratiquer une chirurgie par monovision (ou par d’autres techniques) : l’œil préféré est corrigé en vision de loin, l’œil dominé en vision de près.
La connaissance de la dominance oculaire est en effet essentielle pour l’indication d’une monovision. En chirurgie réfractive, cette monovision peut être pratiquée chez le myope et l’hypermétrope par traitement photoablatif cornéen ou par implantation. Au-delà de la monovision, la connaissance de l’œil dominant pourra être utile pour une chirurgie intrastromale de la presbytie de type IntraCOR® proposée à l’emmétrope presbyte (ou faible hypermétrope) ou encore lors de l’indication de la pose d’un inlay intracornéen. Ces dernières techniques sont pratiquées sur l’œil dominé. L’œil dominant restant destiné à la perception en vision de loin.
Bruce J.W. Evans a publié en 2007 une revue très complète sur la monovision [33], des tests employés pour la connaissance des dominances oculaires aux résultats sensoriels, fonctionnels et orthoptiques : les enseignements sont multiples. Malgré la disparité que cela peut créer sur le plan sensoriel, on constate des taux élevés de réussite/satisfaction : Jain relatait déjà, en 1996, dans sa propre revue de la littérature un taux de réussite de 73 % [61] ; parmi les études rétrospectives évoquant la monovision en chirurgie réfractive : 96 % [45], 88 % [62], 92,5 % [77], 98 % [97], 80 %-90 % [68] ; 91 % pour la monovision pratiquée chez des patients pseudophaques ; 95 % pour la monovision chez des patients ayant bénéficié d’une chirurgie du cristallin clair [46].
Il existe quatre types de dominances visuelles, différentes les unes des autres. Des tests permettent de déterminer l’œil dominant, l’œil directeur, l’œil de visée et l’œil préféré [93]. En raison d’une similitude évidente, la nuance de ces quatre dominances peut être sujette à confusion, d’autant plus que la nomenclature anglo-saxonne crée également des confusions lexicales : l’œil directeur se traduit par le terme de « dominant eye », l’œil dominant par le terme « prevalent eye » et l’œil de visée par « sighting eye » [32]. Pour plus de cohérence et éviter une multiplicité des définitions, nous nous appuierons sur la synthèse des classifications des dominances visuelles proposée par C. Peyre [71] :
– l’œil directeur est l’œil qui conserve la fixation ou qui la reprend le plus vite devant l’interposition d’un prisme sur l’autre œil ; il s’agit d’une dominance motrice ;
– l’œil dominant est l’œil qui possède la meilleure acuité visuelle en vision binoculaire pour une distance donnée ; il s’agit d’une dominance sensorielle[32, 50, 78] ;
– l’œil de visée est l’œil utilisé spontanément pour une fonction de visée en binoculaire ; une activité visuomotrice peut lui être attribuée ; il doit être recherché en vision binoculaire ;
– l’œil préféré est l’œil qu’on préfère utiliser pour une fonction visuelle monoculaire ; c’est aussi l’œil qui imprime sa préférence dans l’environnement binoculaire.
En pratique, l’œil préféré est souvent l’œil dominant, mais pas toujours.
La recherche de la dominance oculaire doit être particulièrement bien évaluée afin d’éviter toute complication postopératoire par une inversion d’œil dominant ou par une décompensation sensori-motrice potentiellement induite.
Les tests qui permettent de déterminer cet œil sont nombreux, parmi eux :
– pour la vision de loin :
– l’observation de l’œil derrière un prisme en demandant au sujet de fixer une cible située à plus de cinq mètres : l’œil prenant le plus rapidement la refixation derrière le prisme sera l’œil directeur ;
– le test de la croix polarisée : l’œil droit perçoit la barre verticale et l’œil gauche la barre horizontale ; la barre qui reste immobile est celle perçue par l’œil directeur ;
– pour la vision de près : le sujet fixe une cible de près jusqu’à la convergence ; l’œil directeur est celui qui garde la fixation.
Pour le déterminer, il peut être pratiqué les tests du filtre rouge et de la croix polarisée :
– le filtre rouge et le point lumineux : placer alternativement un filtre rouge sur l’œil droit puis sur l’œil gauche ; l’œil dominant percevra plus rouge le point lumineux ;
– le test de la croix polarisée : la barre la mieux perçue (plus noire, plus contrastée) correspond à l’œil dominant.
Les tests qui permettent de déterminer cet œil sont :
– le test du doigt pointé : le patient vise avec son doigt un objet avec les yeux ouverts ; l’œil de visée est celui qui est aligné avec le doigt et l’objet ; B. Evans (2007) précise que ce test peut être influencé par latéralisation du doigt qui pointe [32] ;
– le test de la carte perforée : le patient vise un objet à travers un trou réalisé dans une carte ; l’œil utilisé inconsciemment par le patient pour ce test est l’œil de visée ; il est recommandé de faire tenir la carte par les deux mains.
En pratique, l’œil directeur est souvent assimilé à l’œil de visée.
Le principal test qui permet de déterminer l’œil préféré est le test du flou réfractif, dénommé aussi le test du flou préférentiel [93]. Le test peut être réalisé à l’aide du réfracteur manuel ou automatisé pour obtenir des réponses plus rapides et spontanées. Placer le patient en vision de loin avec sa correction finale et faire alterner devant chacun des deux yeux un verre d’une valeur de + 0,75 D. L’œil le plus gêné par le flou est l’œil préféré.
L’œil préféré est celui qui est recherché pour l’indication de la chirurgie réfractive en cas de monovision.
Ce même test peut être utilisé pour la recherche de l’œil préféré en vision de près : équiper le patient avec sa correction optique de près et faire alterner un verre d’une valeur de – 0,75 D ; l’œil le plus gêné est l’œil préféré de près.
Le choix du verre de + 0,75 D se justifie par le fait qu’une valeur supérieure à + 0,75 D rend la suppression du flou difficile et que si elle est inférieure à + 0,75 D, cela ne permet pas de trancher [32].
En 2007, Seijas et al. ont comparé neuf tests différents permettant de déterminer les dominances visuelles auprès de patients emmétropes (équivalent sphérique compris entre – 1 et + 1), ne présentant pas de trouble sensori-moteur et possédant une isoacuité de 10/10, ainsi qu’une acuité stéréoscopique minimum de 60 secondes d’arc [107]. Les patients ont été séparés en deux groupes : un groupe (n = 26) de « jeunes adultes » d’âge moyen de 26 ± 2 ans (de dix-huit à trente-cinq ans) et un autre groupe d’adultes (n = 25), d’âge moyen de 43,7 ± 5,9 (de trente-six à cinquante-six ans). Les neuf tests utilisés étaient : le test de la carte perforée, le test du doigt pointé, le test du kaléidoscope, le test de convergence en vision de près, le test du flou préférentiel (utilisant une puissance de + 1,00 D), le test de Worth, le « stéréotest » en vision de loin (équivalent à la croix polarisée), et les mires de Haidinger utilisées sur le synoptophore. La disparité des résultats concernant la détermination de la dominance oculaire entre les différents tests ainsi qu’entre les deux groupes révèle une grande variabilité des réponses des patients évalués. Le taux d’incertitude des patients était variable en fonction des tests proposés. Les auteurs avancent l’hypothèse que les patients « emmétropes » évalués seraient en permanence en position de choix et d’indécision malgré une dominance oculaire sensorielle. Cette incertitude sensorielle révélée pourrait en partie expliquer les résultats étonnants publiés par Jain et al. en 2001, faisant état d’un taux satisfaction de 88 % et ne montrant pas de différence significative entre un groupe de vingt-quatre patients ayant été corrigés en monovision en respectant la convention (œil dominant corrigé en vision de loin) et un groupe de dix-huit patients ayant été corrigés en monovision en inversant la convention (œil dominant corrigé en vision de près) [62].
Seijas et al. (2007) préconisent un essai préalable en lentilles de contact avant toute chirurgie réfractive proposant une monovision : cette simulation a pour but de vérifier la tolérance sensorielle du patient au-delà des préconisations préopératoires de recherche de dominance oculaire [107].
Plusieurs auteurs confirment l’importance de pratiquer, lorsque cela est possible, un essai en lentilles de contact avant toute chirurgie réfractive proposant une technique de monovision, pour laquelle l’œil préféré est corrigé en vision de loin et l’œil non préféré en vision de près[61, 62, 67, 107].
Lors du bilan préopératoire du candidat à la chirurgie réfractive, la mesure du parcours d’accommodation peut être réalisée en complément du bilan réfractif et sensoriel dans le but de vérifier l’intégrité de l’accommodation du sujet. Ces mesures ont intérêt uniquement chez le patient « jeune presbyte ».
L’amplitude d’accommodation est la valeur maximale que peut atteindre l’accommodation : c’est la différence, toujours positive et exprimée en dioptries, entre la proximité du punctum proximum et celle du punctum remotum.
Deux méthodes subjectives sont possibles.
La méthode du « push-up », ou punctum proximum d’accommodation (PPA), fait intervenir une variation de la distance d’observation.
Après avoir corrigé le patient en vision de loin, on fait lire le patient en monoculaire et en binoculaire une échelle d’acuité de près équivalente à 80 % de la meilleure acuité visuelle corrigée, placée à 40 cm, avec un éclairage homogène et directionnel sur le test. On demande au patient de maintenir la netteté le plus longtemps et le plus précisément possible, en rapprochant le plan de l’échelle. On note alors la distance de vision floue constante. La procédure devra être répétée trois fois afin d’effectuer une moyenne.
Une variante est de faire la moyenne de la distance obtenue en « push-up » et de celle obtenue en « push-down » (cf. chapitre 21).
La méthode de Sheard utilise l’interposition de verres concaves au cours de la lecture d’un test de lecture à distance d’observation fixe.
Après avoir corrigé le patient en vision de loin, placer à 40 cm une échelle d’acuité visuelle de près (80 % de la meilleure acuité visuelle corrigée) ; veiller à avoir un éclairage homogène et directionnel sur le test ; attirer l’attention du sujet sur une lettre et lui demander de maintenir la netteté le plus longtemps et le plus précisément possible ; occlure un œil et procéder à la mesure de l’autre œil. On augmente progressivement les verres concaves par pas de 0,25 D ; on s’arrête dès que le sujet perçoit un premier flou constant et on note la valeur de la puissance. L’amplitude d’accommodative est alors équivalente à « proximité du test + Add concave) ». Refaire la même procédure pour l’autre œil. Le protocole ne se pratique qu’en monoculaire.
Les amplitudes d’accommodation monoculaires devront être égales à 0,25 D près. Au-delà, elles témoigneront d’une insuffisance accommodative.
La courbe de défocalisation consiste à vérifier et à apprécier la pseudo-accommodation résiduelle d’un sujet corrigé par implantation multifocale. Cette courbe de défocalisation permet de connaître le « comportement pseudo-accommodatif » du patient opéré et d’apprécier la performance de l’optique implantée et de comprendre, parfois, les gênes pouvant être ressenties, notamment en vision intermédiaire entre 50 cm et 80 cm. Son appréciation binoculaire complétera l’analyse sensorielle.
L’évaluation de la courbe de défocalisation se réalise en éclairage ambiant au réfracteur ou à la lunette d’essai en vision de loin, à cinq mètres, en monoculaire, en binoculaire, avec la correction en vision de loin si nécessaire. On fait « défiler » différents verres de + 2,00 jusqu’à – 5,00 D par paliers de 0,50, et on note à chaque palier la meilleure acuité visuelle. On tracera à la fin de l’examen la courbe de défocalisation reliant tous les points de meilleure acuité obtenus. On pourra identifier trois points caractéristiques de la courbe : l’aspect de la courbe à 0 D (vision de loin), à – 1,50 D (vision intermédiaire : 1/1,5 = 0,66 m), à – 3,00 D (vision de près : 1/3 = 0,33 m) (fig. 22-17). Un patient opéré ayant une bonne vision de loin, intermédiaire et de près avec un implant multifocal ou accommodatif doit obtenir un continuum de vision de la courbe de défocalisation entre les valeurs 0 D et – 3,00 D. Si les résultats sont plus caractéristiques chez les patients implantés, cette courbe de défocalisation pourra cependant être pratiquée chez tout patient ayant bénéficié d’une multifocalité quelconque (cornéenne ou additive) [5].
Fig.22-17 Courbe de défocalisation obtenue à partir d’un implant multifocal.
L’examen de tout patient candidat à une chirurgie réfractive, plus particulièrement à une chirurgie de la presbytie, doit comporter une réfraction bien conduite ainsi qu’un bilan oculomoteur simple mais précis. Les capacités accommodatives du système visuel chez l’homme sont telles qu’une cycloplégie est indispensable jusqu’à l’âge de cinquante ans. Ce bilan sera complété par un bilan orthoptique approfondi en cas d’anisométropie, d’un trouble oculomoteur ou d’absence de vision stéréoscopique. La recherche de la dominance oculaire devra être confirmée par différents tests afin de juger de la cohérence et de la pertinence des réponses du patient. Une simulation en lentilles de contact est préconisée en cas de monovision. L’étude de l’équilibre oculomoteur devra être réévaluée lors de cette simulation, afin d’anticiper les conséquences sensori-motrices d’une dissociation binoculaire, même minime.
Les chirurgies de la presbytie sont multiples. Leur objectif premier est d’offrir au patient une qualité de vision binoculaire satisfaisante en vision de loin, en vision intermédiaire et en vision de près. La prise en compte des attentes et besoins du patient est essentielle. Lorsque toutes les conditions biométriques et cliniques nécessaires sont réunies, la quête du meilleur compromis fonctionnel et sensoriel sera un élément prépondérant dans le choix de la technique.
Il existe quatre grands principes de compensation chirurgicale de la presbytie [6] :
– la monovision (ou bascule), qui répartit les tâches visuelles de près et de loin entre les deux yeux ;
– la multifocalité, qui partage la lumière incidente entre foyer de près et foyer de loin ;
– la restauration d’une « pseudo-accommodation » lenticulaire par modification de la forme ou de la position du cristallin artificiel ;
– l’effet sténopéique, qui augmente la profondeur de champ.
Les deux paramètres principaux orientant le choix d’une technique sont la réfraction et l’âge. La monovision est un principe de compensation très répandu. Les zones monofocales respectent mieux la qualité de vision de près et sont généralement préférées chez le patient myope. Le principe de la monovision peut être appliqué avec toutes les techniques chirurgicales [102]. Chez le patient hypermétrope de moins de 4 D et éventuellement astigmate, les techniques de photoablation cornéenne, principalement représentées par le LASIK, permettent d’augmenter l’asphéricité prolate de la cornée, créant une multifocalité bénéfique pour la vision de près, tout en optimisant l’utilisation de la réserve accommodative par une correction saturée.
L’induction d’une multifocalité oculaire a connu des indications plus discutées en raison des effets indésirables pour la qualité de vision [102]. Cependant, ce principe de compensation très efficace connaît un développement considérable grâce aux nouvelles générations d’implants intraoculaires et à la meilleure maîtrise des aberrations induites.
La préoccupation légitime des patients candidats à la chirurgie réfractive est la question des risques encourus pour une telle chirurgie. Les répercussions de la chirurgie de la presbytie sur la vision binoculaire et l’équilibre oculomoteur sont en pratique fonction de la technique, de l’état sensoriel du patient et de sa capacité d’adaptation corticale. L’information donnée au patient est primordiale. Outre les risques et complications générales communiquées au patient, l’avis du chirurgien devient spécifique lorsque le patient présente dans son bilan une particularité telle qu’un trouble oculomoteur. La difficulté est probablement d’évaluer le risque de décompensation binoculaire postopératoire et d’anticiper ses conséquences. Car, en pratique, les niveaux d’alerte peuvent être différents. Cependant, les limites sensorielles connues et, plus simplement, le bon sens permettent d’identifier les patients à bon pronostic postopératoire ainsi que ceux à risque élevé et les contre-indications formelles.
Les éléments sensoriels favorables à une chirurgie de la presbytie dépendent de l’état sensori-moteur du patient opéré et de sa capacité à tolérer une éventuelle dissociation binoculaire. Ce sera le cas pour la monovision et la monovision aménagée. La monovision aura une répercussion plus importante sur les capacités de perceptions binoculaires en vision intermédiaire que la monovision aménagée. Les techniques de chirurgies par implantation multifocale ou par photoablation multifocale bilatérale respectent quant à elles davantage la vision binoculaire du patient, car elles sont moins dissociantes.
On distingue plusieurs éléments sensori-moteurs favorables à une indication de chirurgie de la presbytie :
– isoacuité de 10/10 en vision de loin et de près ou, tout au plus, une différence d’acuité visuelle corrigée entre les deux yeux de 2/10 ou d’une ligne d’acuité visuelle sur une échelle logarithmique ;
– absence d’anisométropie pouvant induire une aniséiconie éventuelle ;
– fixation oculaire stable et fovéolaire ;
– correspondance rétinienne normale (CRN) ;
– syncinésie de la vision de près conforme à l’âge du patient ;
– position orthophorique ou faible hétérophorie avec absence de décompensation tropique, avec et sans correction optique, en vision de près et de loin ;
– bonne amplitude de fusion binoculaire ;
– acuité stéréoscopique satisfaisante d’au moins 80 secondes d’arc, évaluée sur un test à points aléatoires ;
– motilité oculaire et motricité conjuguée équilibrées, associées à une convergence oculaire satisfaisante ;
– absence de torsion oculaire excessive ;
– dynamique pupillaire normale, répondant à la lumière ou au rapprochement d’un stimulus ;
– bonne tolérance sensorielle et motrice d’une anisométropie induite après simulation en lentilles de contact, en cas d’indication de monovision ou de monovision aménagée.
Au-delà de ces précautions d’indication, une chirurgie réfractive, quand bien même bien conduite, peut induire des troubles relatifs ou parfois irréversibles sur la vision binoculaire du patient. Il sera nécessaire de veiller à optimiser l’indication chirurgicale ainsi que la technique.
Outre les règles générales de bonne pratique et des indications adaptées à chaque cas en fonction de la réfraction, de l’âge et des besoins du patient, d’autres conditions particulières favorables participent au succès de ces chirurgies, la problématique étant d’optimiser la précision de la technique dans le but d’anticiper toute erreur réfractive, anisométropie, aniséiconie irréversible, décentrement ou autre complication réfractive pouvant décompenser l’équilibre sensori-moteur du patient.
Dans le cas de la monovision, l’absence de vision binoculaire est cependant une situation favorable, sous réserve qu’une bonne alternance existe entre les deux yeux[32, 73].
Certains éléments complémentaires participeront à l’optimisation du résultat :
– optimisation des nomogrammes de photoablation, personnalisés ou asphériques ;
– précision des calculs d’implants et des optiques utilisées ;
– angle kappa inférieur à 8° en cas de profil multifocal ou de technique centrée sur le reflet de Purkinje ;
– utilisation d’un eyetracker de dernière génération en cas de photoablation cornéenne, permettant de traiter les astigmatismes associés avec plus de précision et d’éviter d’induire des aberrations de haut degré pouvant être délétères pour la qualité de vision binoculaire du patient ;
– micro-incision chirurgicale visant à minimiser la composante astigmatogène de la chirurgie (notamment en cas d’implantation multifocale, torique ou non).
L’hétérophorie n’est pas une contre-indication, mais elle pourra le devenir si elle se décompense en tropie. Une attention particulière doit être portée aux patients présentant une hétérophorie supérieure à 8 dioptries prismatiques, ayant une amplitude de fusion limitée, une acuité stéréoscopique inférieure à 100 secondes d’arc et une convergence limitée [37]. On veillera à ne pas négliger les simulations en lentilles de contact afin de juger une éventuelle décompensation. La conséquence possible est l’apparition d’une diplopie postopératoire intermittente ou permanente [67].
Au même titre que les adaptations par lentilles de contact, la chirurgie réfractive est une bonne indication dans certaines anisométropies, car elle permet de restaurer une taille de l’image plus équilibrée par rapport à l’œil controlatéral[37, 54, 122]. Dans le cas d’une chirurgie de la presbytie, l’indication est discutée. Elle permettra cependant au patient de réduire sa dépendance aux lunettes, notamment en vision de loin, et d’utiliser une addition binoculaire en vision de près. Il est davantage question de réfléchir à l’aniséiconie compensée ou induite. En pratique, une anisométropie de 0,25 D provoque une aniséiconie de 0,50 %. L’aniséiconie reste tolérable jusqu’à 5 %, ce qui place la limite théorique de l’anisométropie tolérable à 2,5 D [99].
On nomme strabisme toutes les déviations non conjuguées des axes oculaires. Leur prévalence serait de 5 % environ en Europe de l’Ouest [117]. Ces désordres de l’oculomotricité témoignent d’une atteinte du système des vergences : convergences, ou ésodéviations ; divergences, ou exodéviations. Dans tout strabisme existe une composante accommodative, d’importance variable [40].
Parmi les types de strabisme, on distingue :
– les strabismes à vision binoculaire normale :
– ésotropies accommodatives pures : elles sont en rapport avec une hypermétropie non corrigée. On différencie ces strabismes selon leur concomitance entre la vision de loin et la vision de près. Le terme d’incomitance loin/près regroupe les perturbations motrices dans lesquelles les angles de déviation en vision de loin et de près diffèrent. Il s’agit du rapport entre la convergence accommodative (AC, CA pour les Anglo-Saxons) et l’accommodation (A). Certaines ésotropies accommodatives ont un rapport AC/A normal (le seul port de lunettes met le sujet en orthophorie parfaite en vision de loin et de près), d’autres un rapport AC/A augmenté (l’ésodéviation augmente lors du parcours d’accommodatif et nécessite une addition de près pour permettre une orthophorie en vision de près) ;
– strabismes réfractifs ou accommodatifs partiels :
– avec rapport AC/A normal : le port de la correction optique totale réduit l’angle de la déviation, mais il persiste une ésodéviation non réductible en vision de loin et en vision de près ;
– avec rapport AC/A augmenté : avec la correction optique totale, l’angle se réduit, mais il persiste un angle en vision de loin et un angle en vision de près toujours supérieur à celui de loin ;
– les strabismes à vision binoculaire anormale :
– strabismes précoces : on entend par ce terme les strabismes présents lors des six premiers mois de la vie ; ils peuvent être en éso- ou en exodéviation et peuvent s’accompagner :
– d’une déviation verticale dissociée, dans 90 % des cas ;
– d’un nystagmus latent, dans 50 % des cas ;
– d’un torticolis de fixation alternant, dans 70 % des cas ;
– microtropies : on regroupe sous ce terme les éso- ou exodéviations dont l’angle de déviation est inférieur à 8 D ; elles sont souvent responsables d’une amblyopie et, en raison d’une absence de déviation visible, elles peuvent présenter un pronostic visuel défavorable lié au risque de dépistage tardif de strabisme.
Plusieurs cas de strabismes accommodatifs purs ont été opérés et ont fait l’objet de publication. Les résultats incluent pour la majorité des patients adultes jeunes, non presbytes ou prépresbytes. Les conclusions émises participent cependant à discuter l’intérêt d’une telle chirurgie et permettent d’identifier les facteurs de risques chez le patient presbyte candidat.
Nucci et al. (2003) rapportent les résultats de huit patients (âgés de dix-sept à trente-huit ans) présentant un équivalent sphérique de + 3,7 D[+ 2,50 ; + 4,25] et un strabisme accommodatif opérés par photokératectomie réfractive [83]. Tous les patients étaient phoriques en postopératoire, une régression de 0,80 D fut observée à un an, sans conséquence sur la meilleure acuité visuelle corrigée.
Stidham et al. (2002) ont opéré vingt-quatre patients (quarante-huit yeux) présentant une ésotropie hypermétropique par LASIK [112]. Quatre patients présentaient une ésotropie non accommodative, vingt une part accommodative, dix seulement étaient accommodatifs purs. Parmi les quatre patients ésotropiques non accommodatifs, trois verront leur strabisme disparaître. Parmi les accommodatifs purs, quatre diminuent leur angle partiellement, quatre ne le modifient pas et seulement deux sont phoriques. L’hypermétropie résiduelle (+ 2,20 D pour un équivalent sphérique préopératoire de + 7,3 D) ne peut expliquer les résultats postopératoires sur l’alignement.
Hoyos et al. (2002), sur une sélection de strabismes accommodatifs (équivalent sphérique moyen : + 7,00 D, angle de 20-50 D, absence d’incomitance loin/près, cinq patients présentant une microtropie avec correction) retrouvent après chirurgie LASIK les mêmes constantes orthoptiques qu’avant l’intervention [55].
Si certains résultats sont encourageants pour certains patients présentant un strabisme accommodatif pur, la disparité ainsi que la stabilité des résultats seront autant de facteurs qui participeront à reconsidérer l’indication d’une telle chirurgie.
Le patient présentant une amblyopie modérée ou profonde sera une contre-indication.
Une légère amblyopie liée à une anisométropie incitera à entreprendre un bilan orthoptique approfondi et précis. L’indication reste discutée. Chez l’amblyope unilatéral, l’œil directeur pourra être le même en vision de loin et de près, ce qui ne pourra permettre une neutralisation alternée nécessaire à une chirurgie par monovision.
Le nystagmus est un trouble de la statique oculaire caractérisé par un tremblement des yeux ; c’est une succession deux secousses de sens opposé. On considère deux types essentiels de nystagmus :
– le nystagmus pendulaire, où les deux secousses sont égales et de même vitesse ;
– le nystagmus à ressort, avec une secousse lente suivie d’une secousse rapide qui ramène l’œil à sa position de départ et qui définit le sens du nystagmus.
Les deux yeux sont habituellement intéressés de façon synchrone. Le nystagmus est involontaire [30].
L’amplitude du nystagmus et sa fréquence dans les différentes positions du regard sont à confronter aux possibilités sensorielles du patient candidat. La présence ou non d’une position de blocage est à rechercher.
Une fréquence et une amplitude importantes du nystagmus sont des critères de contre-indications.
Certains patients présentent des troubles oculomoteurs associant parfois une anomalie excessive de la cyclotorsion oculaire. Les études montrent que 50 % à 68 % de la population possèdent une différence de cyclotorsion de 2° ou plus mesurée entre la position assise des examens et la position allongée au bloc opératoire[15, 16, 114]. Cette cyclotorsion peut cependant être plus importante et atteindre des valeurs extrêmes, jusqu’à 17°[15, 35]. Des systèmes sophistiqués équipent les plateformes laser actuelles et permettent de compenser de telles erreurs, évitant ainsi des erreurs réfractives postopératoires. Cela sera d’autant plus vrai pour la correction des astigmatismes associés aux amétropies sphériques. Un décalage de 15° de l’axe prévu peut en effet induire jusqu’à 50 % de diminution de l’effet torique. Les dispositifs de reconnaissance irienne intégrés aux dispositifs diagnostiques préopératoires tels que les aberromètres, facilitent de telles procédures.
Malgré ces dispositifs, il sera nécessaire de rester vigilant en cas de suspicion de trouble oculomoteur lié à la torsion oculaire. Certains patients pourront être contre-indiqués pour ce motif, certes exceptionnel.
Les diplopies intermittentes ou permanentes sont des éléments à rechercher de manière précise, à la fois dans le regard primaire ainsi que dans les huit autres positions du regard. La diplopie préopératoire constitue un facteur de contre-indication formelle. En cas de chirurgie de la cataracte chez un patient présentant une diplopie intermittente ou permanente, un implant monofocal sera préféré à un implant multifocal.
Plus largement, les troubles oculomoteurs et sensoriels congénitaux ou acquis induisant une incomitance de déviation ainsi qu’une gêne fonctionnelle ou sensorielle chez le patient sont des contre-indications.
On distingue les troubles induits et ceux révélés par la chirurgie réfractive. L’incidence de ces troubles est cependant faible. Les publications faisant état de telles complications relatent le plus souvent des indications de chirurgie réfractive parfois abusives ou des manquements dans l’évaluation préopératoire. De telles complications nous rappellent que le bilan sensori-moteur, notamment le bilan orthoptique, constitue la clé de voûte de la réussite sensorielle et fonctionnelle de telles chirurgies. L’objectif est d’anticiper dans la mesure du possible de telles déconvenues postopératoires.
Plusieurs études statistiques sur les composantes de l’amétropie montrent une symétrie entre les deux yeux. Cette symétrie permet une sollicitation équivalente (accommodation, convergence, acuité visuelle, fusion, etc.). Toute rupture de cette symétrie peut perturber de façon importante le fonctionnement d’un tel système [89]. En pratique, une anisométropie comme ci-dessus mentionnée ne peut dépasser 2,5 D pour une balance binoculaire acceptable.
Conduite à tenir. — Anticiper et optimiser en préopératoire la précision des calculs et la délivrance du traitement. Dans la mesure du possible, retraiter toute erreur réfractive pouvant s’avérer gênante sur le plan sensoriel. On veillera à équilibrer sur le plan réfractif le couple binoculaire.
C’est un problème complexe, aux données disparates. La pratique montre que la chirurgie réfractive induit des troubles sensori-moteurs qui paraissent bien liés à une aniséiconie. Elle est difficile à mettre en évidence, car ses signes ne sont pas univoques [99]. Le terme d’aniséiconie — aniso : « différent », eicon : « image » — a été défini par Lancaster en 1932 comme un trouble de la vision binoculaire, traduisant une différence de taille d’image perçue par chaque œil. On distingue des aniséiconies naturelles, dues à la parallaxe ou à une anisométropie, et iatrogènes après chirurgie de la cataracte ou réfractive.
L’aniséiconie est constitutionnelle telle qu’elle se manifeste dans l’anisométropie.
L’aniséiconie est acquise lorsqu’elle résulte en général d’une modification brutale de la réfraction telle qu’on l’observe dans :
– l’anisométropie dont le mode de correction est modifié si, sans préparation, l’on passe par exemple d’un verre correcteur de myopie forte à une lentille de contact ;
– l’implantation cristallinienne après chirurgie de la cataracte ;
– une chirurgie réfractive compliquée.
Dans ces cas, à la manière d’une diplopie soudaine par paralysie oculomotrice, le sujet est confronté brutalement à un trouble binoculaire mal supporté. Le traitement en est difficile et impose une prévention absolue [99]. La difficulté clinique majeure vient de notre quasi-impossibilité d’explorer l’aniséiconie dans sa globalité. Seul, l’haploscope de phase d’Aulhorn (fabrication arrêtée) permet une étude précise d’un tel phénomène. Quelques données pratiques sont utiles, telles que nous le rappelle A. Péchereau [89] :
– une amblyopie, une correspondance rétinienne normale et une stéréoscopie normale ne protègent pas d’une telle symptomatologie ;
– une faible anisométropie axile (1 mm de différence de longueur axiale) peut générer une aniséiconie dioptrique de 1 % à 4 % selon le mode de correction optique : lunettes, lentilles de contact, chirurgie cornéenne ou implant intraoculaire ;
– une aniséiconie peut apparaître à la suite d’un astigmatisme induit.
Conduite à tenir. — Pour anticiper une telle complication, il est nécessaire de connaître l’état antérieur avant toute intervention :
– chez le patient normal : ne pas induire d’anisométropie et donc d’aniséiconie ;
– chez l’anisométrope : ne pas s’éloigner de l’état antérieur.
Lorsqu’un œil est déjà opéré et que l’aniséiconie est constituée, deux solutions peuvent être avancées :
– une correction possible sur l’autre œil afin de supprimer l’aniséiconie induite ;
– un retraitement photoablatif de l’erreur réfractive induite ou une explantation en cas d’implant intraoculaire [99].
Les effets optiques et leur incidence sur l’accommodation et la motricité oculaire diffèrent selon le type d’amétropie initiale.
Chez le myope. — Les verres de lunettes diminuent l’effort d’accommodation à fournir en vision rapprochée. Lors du passage de la vision de loin à la vision de près (parcours accommodatif), l’accommodation réelle est de 3 D chez l’adulte jeune, mais l’accommodation apparente diminue tandis que la puissance myopique augmente. Plus la myopie est importante, plus l’accommodation apparente est réduite. La correction chirurgicale par photoablation cornéenne ou implantation supprime cette différence entre accommodation réelle et apparente. La chirurgie réfractive induit donc, chez le myope, un effort accommodatif supérieur à celui qu’il doit mettre en œuvre avec des lunettes. Avec la presbytie, cet effort est réduit.
Chez l’hypermétrope. — C’est l’inverse : il fournit un effort accommodatif inférieur à celui qu’il doit mettre en œuvre avec des lunettes.
Lors de la vision de près, la convergence des axes visuels les éloigne du foyer optique du verre de lunettes. Ici encore, les effets sont différents selon qu’il s’agit d’une correction myopique ou d’une correction hypermétropique [58].
Chez le myope. — Le verre concave est assimilable à deux prismes opposés par leur sommet. Lorsque le regard converge, les axes visuels traversent un prisme à base interne qui déplace l’axe visuel en nasal et diminue l’effort de convergence. Cette diminution de la convergence s’accompagne de la diminution l’effort de convergence. Cette diminution de la convergence s’accompagne de la diminution de l’accommodation. Le passage de la correction par lunettes à la correction chirurgicale oblige le sujet myope à remettre en jeu simultanément un effort accommodatif et un effort de convergence.
Chez l’hypermétrope. — Le verre convexe est assimilable à deux prismes opposés par leur base. À l’inverse, le passage de la correction par lunettes à la correction chirurgicale soulage simultanément l’accommodation et la convergence.
Conduite à tenir. — En cas de troubles binoculaires, d’inconfort, de fatigue ou de céphalées, on n’hésitera pas à envisager une rééducation visant à développer l’amplitude de fusion binoculaire.
La survenue d’une diplopie après une chirurgie réfractive est exceptionnelle. Cependant, en cas de survenue, il sera nécessaire d’identifier les diplopies monoculaires des diplopies binoculaires. Le diagnostic différentiel se fera simplement par une occlusion alternée ou par l’utilisation du test du verre rouge visant à dissocier l’image perçue par chaque œil.
La survenue d’une telle complication n’est pas spécifique à la correction chirurgicale de la presbytie. Toutefois, l’application de traitement de très petites zones centrées sur l’axe visuel pourra révéler une diplopie monoculaire en cas de décentrement. B.J. Kuschner (2003) a publié une série de vingt patients présentant une diplopie post-chirurgie réfractive. Les patients étaient âgés de vingt à cinquante-sept ans (âge moyen : 37 ± 9,3 ans) [67]. Parmi ces vingt-quatre patients, la diplopie était monoculaire pour deux d’entre eux ; parmi les vingt-deux autres patients pour lesquels la diplopie était binoculaire, une cause iatrogène concernait dix patients (zone de traitement trop petite, décentrement, erreur de correction suite à un changement d’axe de l’astigmatisme, hypermétropie résiduelle chez des patients présentant une ésotropie accommodative, hypermétropie résiduelle chez un patient anisométrope, surcorrection induisant une aniséiconie). Trois patients portaient en préopératoire des prismes pour une compensation de diplopie. Un patient présentait une aniséiconie. Six patients avaient bénéficié d’une monovision mais présentaient une hétérophorie/tropie décompensée et un patient présentait une paralysie du IV congénitale bien compensée, passée inaperçue.
Conduite à tenir. — En cas de diplopie consécutive à une anisométropie, un retraitement sera discuté. Si la diplopie est due à une cause iatrogène irréversible, on choisira de prismer le patient. On retiendra que cette complication reste exceptionnelle. Dans la série de Kuschner, la moitié des diplopies révélées par la chirurgie réfractive aurait pu être évitée par un bilan préopératoire approfondi contre-indiquant la chirurgie.
Le changement d’œil préféré au cours d’une démarche de bascule ou de monovision a des conséquences variables. La gêne induite sera fonction des capacités d’adaptation corticale propres à chaque patient et du degré d’anisométropie induit. L’anisométropie entraîne une réorganisation de l’ensemble du système sensori-moteur, avec une préférence marquée et irréversible d’un œil et une neutralisation de l’autre œil. Cette organisation doit être respectée. La fixation par l’œil dominé peut être source de déneutralisation.
Conduite à tenir. — L’anticipation d’une telle situation se fera par l’évaluation précise de l’œil préféré. Deux méthodes de recherche sont utilisées en cas d’incertitude du patient. La gêne ressentie par le patient pourra inciter le chirurgien à retraiter dans le but de réinstaurer la dominance initiale ou de réduire l’anisométropie/aniséiconie induite ; une adaptation en lentille de contact pourra être proposée afin de s’assurer du bénéfice apporté et de réévaluer l’équilibre oculomoteur.
La monovision fait l’objet de plusieurs approches dans cet ouvrage : monovision par lentilles de contact, par photoablation cornéenne utilisant différents profils et par implantation intraoculaire. L’approche sensori-motrice sera ici privilégiée.
La monovision (ou bascule) répartit les tâches visuelles de près et de loin entre les deux yeux. L’œil préféré est corrigé pour la vision de loin et l’œil non préféré, ou dominé, est corrigé pour la vision de près.
Cette méthode a été décrite pour la première fois en 1958 par Westmith pour les patients presbytes adaptés en lentilles de contact. Les taux de satisfaction des patients adaptés en lentilles s’étendent de 50 % à 76 %[46, 124]. Les taux de satisfaction concernant la monovision par des méthodes de correction chirurgicale s’étendant quant à elles de 70 % à 97,6 %[44, 61, 64, 77, 97, 124].
Les indications sont fonction des besoins visuels du patient et de l’amétropie. Elles sont également fonction de l’équilibre oculomoteur du patient : l’absence de vision binoculaire est une situation malgré tout favorable sous réserve qu’une bonne alternance existe entre les deux yeux[32, 73].
Les études admettent une addition pouvant aller jusqu’à + 2,00 D. Le consensus se situerait autour de 1,50 D.
Les anomalies de la vision binoculaire comme les hétérophories, les insuffisances de convergence, les strabismes, constituent des contre-indications [93]. Bien que MacMonnies (1974) et Evans (2007) préconisent une monovision pour certains strabismes alternants[32, 73], de nombreux cas de diplopie ont été décrits dans la littérature après monovision par LASIK ou photokératectomie réfractive[31, 33, 43, 106, 119] ou auprès de patients présentant d’anciens strabismes opérés ou microstrabismes [67].
L’acuité visuelle de loin comme de près ne semble pas être perturbée en éclairage photopique[95, 96]. En éclairage mésopique et scotopique, les problèmes de vue semblent être considérables, notamment durant la conduite de nuit. Selon Lumbroso (1992) [69] et Situ (2003) [110], la monovision n’est pas considérée comme l’alternance entre vision de loin et de près mais comme une modification du processus binoculaire.
Outre la vision des contrastes qui se modifie significativement à partir d’une anisométropie induite de +1,50 D, la vision stéréoscopique est également altérée. Avec des lunettes, l’acuité stéréoscopique est en moyenne de 40 secondes d’arc. Elle se dégrade avec une monovision, pouvant atteindre 384 secondes d’arc et plus[8, 49]. Pour certains patients, l’acuité stéréoscopique se situerait entre 40 et 200 secondes d’arc, mais les écarts à cette moyenne sont fréquents [49]. Pour Kirschen (1999) [66], la moyenne se situerait à 200 secondes d’arc. La réduction de l’acuité stéréoscopique est proportionnelle à la puissance de l’addition[48, 49].
Le principal problème reste la suppression/neutralisation du flou de l’œil défocalisé [32]. Alors qu’en forte luminance, le flou disparaît, sous faible éclairage il réapparaît.
L’adaptation à une monovision prend, selon les auteurs, quelques minutes [98], quelques jours [12] ou trois mois[28, 72], avec une moyenne de trois semaines[39, 61, 71, 96, 111].
Les fonctions visuelles motrices comme l’accommodation et la convergence ne seraient pas influencées par la monovision. Les effets de la monovision sur les réserves fusionnelles à distance ont fait l’objet d’une étude menée par Erickson et Schor [29]. L’addition a été placée indifféremment sur l’œil préféré de loin ou de près : les auteurs ont constaté une diminution de ces réserves dans les deux cas et trouvé qu’une hétérophorie était plus accentuée lorsque l’addition était placée sur l’œil préféré de loin, mais que l’effet sur les réserves fusionnelles en divergence était supérieur si l’œil préféré de loin était corrigé en vision de loin[29, 32, 98].
Fawcett et al. (2001) ont étudié les conséquences orthoptiques après une monovision induite par une procédure chirurgicale de type LASIK et photokératectomie réfractive par rapport à un groupe témoin [34]. Après avoir rétabli la totalité de leur correction binoculaire, les patients en monovision conserveraient un test de Worth anormal. Selon von Noorden (1996) [119], certains d’entre eux présentaient une fixation monoculaire. Il semblerait que l’anisométropie des patients équipés de monovision augmenterait dans 30 % des cas, de 0,50 D jusqu’à 1,25 D, et que ces modifications perdureraient même après l’arrêt de la monovision[64, 47, 120].
La monovision est facile à mettre en œuvre, que ce soit en chirurgie cornéenne ou chirurgie cristallinienne. La vision globale en ambiance photopique est performante. Une monovision aménagée peut être envisagée dans le but d’offrir un meilleur compromis loin/près sur l’œil traité et d’optimiser la vision binoculaire intermédiaire. Une compensation optique monofocale complémentaire est efficace pour les besoins particuliers en visions de loin (conduite notamment). La reprise chirurgicale complémentaire est possible et facile en cas d’insatisfaction ou d’inconfort du patient.
L’anisométropie induite et la limitation de l’acuité stéréoscopique sont les deux principales limites de la méthode. On peut noter, dans certains cas, une fatigue visuelle en fin de journée et/ou en cas de travail sur écran informatique. Certains patients ont une réticence psychologique à la pénalisation d’un œil en vision de loin. Un équipement en verres progressifs complémentaire s’avère plus difficile compte tenu de l’anisométropie induite.
La multifocalité corrige, sur chaque œil, à la fois la vision de loin, de près et, éventuellement, la vision intermédiaire. Il existe donc une vision simultanée de deux images de netteté différente selon la distance à laquelle regarde le sujet. Le cerveau sélectionne l’image la plus appropriée en fonction du contexte.
Dans les implants « multifocaux », deux principes optiques sont appliqués selon les modèles [6] :
– effet réfractif (des zones de puissances optiques définies concentriques sont juxtaposées sans transition) ;
– effet diffractif (un système de Fresnel dévie une partie des rayons lumineux vers un foyer secondaire).
L’optique diffractive ou réfractive divise la lumière incidente pénétrant par la pupille d’entrée et la répartit sur deux foyers axiaux. Cela entraîne la perception d’une double image simultanée nécessitant l’intervention des fonctions visuelles corticales pour « trier » l’image la plus appropriée en fonction du contexte cognitif.
Certains implants sont donc essentiellement bifocaux, ce qui explique la nécessité de les « panacher » (méthode mix & match) pour compenser efficacement à la fois la vision de près et la vision intermédiaire.
Dans les techniques de photoablation cornéenne par laser à excimères, telles que le presbyLASIK, un principe différent est mis en œuvre car la nature du tissu cornéen ne permet pas la réalisation de surfaces réfractives discontinues et la multifocalité est de type transitionnel. La photoablation permet de manipuler les aberrations optiques d’ordre supérieur défocalisantes (aberration sphérique) ou bifocalisantes (aberration de coma). Le presbyLASIK entraîne donc une défocalisation « continue » très différente de celle obtenue avec les implants pseudophaques bifocaux. La transition entre les zones optiques de loin et de près est donc progressive et fait intervenir en outre un mécanisme de sélection pupillaire du fait de la syncinésie accommodation-convergence-myosis.
La littérature traite davantage des résultats obtenus après implantation multifocale. En effet, l’utilisation des profils de photoablation cornéenne proposant une multifocalité est essentiellement proposée dans le cadre d’une monovision aménagée, pour laquelle l’œil dominant est traité en vision de loin et l’œil dominé traité par un profil induisant une multifocalité.
La multifocalité respecte davantage la vision binoculaire lorsqu’elle est pratiquée de manière bilatérale. Elle participe à minimiser les disparités entre chaque œil. L’implantation multifocale est généralement la même pour les deux, mais certaines techniques de mix & match utilisent des implants multifocaux différents ayant des performances différentes aux trois principales distances : l’adaptation corticale permet d’utiliser l’œil le plus performant en fonction de chaque activité.
La littérature confirme que l’implantation multifocale permet de restaurer des niveaux de vision stéréoscopique très satisfaisants [4]. Ferrer-Blasco et al. (2011) [36] ont étudié l’acuité stéréoscopique de trente patients implantés de manière bilatérale par l’implant bifocal asphérique AcrySof® ReSTOR®. L’acuité stéréoscopique postopératoire évaluée à un an était en moyenne (en fonction des tests utilisés) : 44,55 ± 1,08 secondes d’arc[40 ; 80] (test Titmus) ; 41,25 ± 1,12 secondes d’arc[20 ; 70] (Randot test) ; 18,42 ± 6,10 secondes d’arc (méthode d’Howard-Dolman). L’acuité visuelle de loin et de près était satisfaisante, proche de 20/20.
Pour sa part, Shoji (2002) [109] confirme l’intérêt d’implanter des implants multifocaux de manière bilatérale. Les résultats de leur étude portaient sur soixante-six yeux de quarante patients, vingt-six patients implantés de manière bilatérale (groupe bilatéral) et quatorze de manière unilatérale (group unilatéral) : 85 % des patients avaient une acuité stéréoscopique de 60 secondes d’arc ou mieux dans le groupe bilatéral contre 43 % dans le groupe unilatéral (p = 0,009) ; 92 % des patients n’avaient pas d’aniséiconie dans le groupe bilatéral, contre 21 % dans le groupe unilatéral (p = 0,001). Sur le plan du besoin d’une correction optique complémentaire en vision de près, 89 % des patients n’utilisaient pas de lunettes en vision de près dans le groupe bilatéral contre 50 % dans le groupe unilatéral (p = 0,012). Ce que nous rapporte cette étude est également intéressant sur le point de vue de l’adaptation corticale des patients implantés de manière unilatérale. Parmi les patients implantés sur l’œil dominé, 78 % des patients nécessitaient une correction optique en vision de près, tandis que quatre patients sur cinq implantés sur l’œil dominant n’avaient pas besoin de lunettes pour lire (p = 0,063).
Arens et al. (1999) confirmaient, dans leur étude portant sur vingt et un patients (bilatéral versus unilatéral) [4], la nécessité d’une implantation multifocale bilatérale, avec une vision des contrastes, une stéréoscopie et des performances en vision de près et loin meilleures dans le groupe bilatéral.
La multifocalité offre une meilleure coopération entre les deux yeux, une vision plus symétrique. La multifocalité offre une meilleure vision intermédiaire pour les presbytes avancés que la monovision. Une correction optique complémentaire en lunettes est possible et facile d’adaptation.
La multifocalité implique un partage de la lumière entre la vision de près et la vision de loin, ainsi qu’une fluctuation de la qualité de vision en fonction de la lumière ambiante. Les reprises chirurgicales sont plus difficiles en cas d’insatisfaction. L’effet multifocal est cependant plus limité dans le temps en cas de presbyLASIK.
Une rééducation orthoptique peut être envisagée en pré- ou postopératoire dans le but d’améliorer le confort binoculaire du patient candidat ou opéré. Cette rééducation a pour but d’améliorer :
– soit une amplitude de fusion en cas d’insuffisance de convergence ;
– soit une décompensation phorique trop importante.
Plusieurs patients ayant pratiqué cette rééducation en postopératoire ont pu retrouver un confort binoculaire et une disparition des signes fonctionnels. On veillera cependant à ne pas « déneutraliser » un patient qui serait candidat à une chirurgie de la presbytie par monovision et qui alternerait au niveau de sa fixation.
Le but de la rééducation est de permettre au patient de retrouver un confort visuel binoculaire, en améliorant l’amplitude de fusion et en normalisant le rapport accommodation-convergence. Elle est pratiquée par l’orthoptiste dans l’espace et au synoptophore. Dans l’espace, l’amplitude de fusion est développée à l’aide de la barre de prismes, en divergence et en convergence de loin et de près. Les traitements s’appuyant sur la diplopie physiologique — plaquette de Mawas, stéréogrammes — sont une aide au traitement, notamment pour contrôler la neutralisation et normaliser le rapport accommodation-convergence [63]. Au synoptophore, l’amplitude de fusion est développée en divergence et convergence à l’aide de tests de deuxième et troisième degrés. La convergence peut être développée jusqu’à 80 dioptries prismatiques avec des tests maculaires ou paramaculaires, un peu moins avec des tests fovéolaires [63]. En fin de traitement, le sujet doit avoir acquis une amplitude de fusion de l’ordre de 4 à 6 D prismatiques en divergence et de 40 D prismatiques en convergence de loin et de près.
En fonction de la technique chirurgicale utilisée, le patient s’adapte et met en place des mécanismes adaptatifs plus ou moins élaborés étroitement liés aux contraintes sensorielles qui lui sont imposées.
L’arrivée de l’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique cérébrale (IRM fonctionnelle) a permis de comprendre au cours de ces dernières années, quelles aires du cerveau étaient activées dans la réalisation de tâches plus ou moins élaborées, ainsi que dans la mise en place de mécanismes de compensation neuroadaptatifs. L’utilisation de l’IRM cérébrale fonctionnelle a permis de comprendre notamment quelles aires du cortex étaient activées chez des patients se plaignant d’une mauvaise qualité de vision après implantation multifocale. Malecaze et al. (2009) [70] ont eu pour objectifs d’évaluer les conséquences neurocognitives de l’image rétinienne « altérée » chez des patients se plaignant d’une mauvaise qualité de vision après implantation multifocale. Leur étude a porté sur l’exploration en IRM fonctionnelle de seize patients opérés de cataracte et implantés avec un implant multifocal (ReSTOR®, Alcon). Les patients ont été répartis en deux groupes : le groupe 1 était formé de huit patients ne présentant aucune plainte (groupe contrôle), le groupe 2 de huit patients se plaignant d’éblouissements lors de la conduite automobile nocturne. Tous les patients ont bénéficié d’une IRM fonctionnelle cérébrale durant laquelle la consigne était de fixer un stimulus lumineux. Les résultats mettaient en évidence que la stimulation visuelle chez les patients ne présentant pas de plainte fonctionnelle se traduisait par l’activation des seules aires visuelles primaires. La même stimulation au niveau de l’œil à l’origine de la symptomatologie fonctionnelle entraînait d’une part une moindre activation des aires visuelles primaires et, d’autre part, une activation d’aires supplémentaires profondes (thalamus, noyaux caudés, lobes frontaux et pariétaux) classiquement activées lors des processus élaborés (discrimination des formes…). Les auteurs concluaient que la mauvaise tolérance de la multifocalité de certains patients serait donc liée à la genèse de processus neurocognitifs complexes induits par la perception d’une image rétinienne « altérée ». Malecaze et al. avançaient également que l’une des pistes de traitement de ce type de symptomatologie fonctionnelle pourrait être une rééducation visant, grâce à la plasticité cérébrale, à supprimer ces activations cérébrales parasites.
Nous ne sommes qu’aux balbutiements d’une telle approche mais les enseignements sont déjà passionnants et apporteront probablement dans le futur une meilleure prise en charge sensorielle de nos patients.
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