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CHAPITRE 13
Spécificités du décollement de rétine du myope fort

J.-P. BERROD

Définition et épidémiologie
La myopie forte axile est définie par une myopie de plus de 6,5 D ou une longueur axiale supérieure à 26,5 mm. Elle se caractérise par une distension anormale et évolutive du pôle postérieur pouvant conduire à la formation d'un staphylome associé à un amincissement scléral. Le nombre de myopes forts est en progression et représente jusqu'à 10 % de la population de certains pays développés. Le risque de décollement de rétine (DR) augmente avec la longueur axiale : il est 4,4 fois plus élevé chez les myopes de 1 à 3 D et 10,5 fois supérieur chez les myopes de 4 à 10 D [ 1 ]. Le risque de survenue d'un décollement est 2,4 fois supérieur chez un homme que chez une femme [ 2 ]. L'opération de la cataracte augmente ce risque par 4,23 indépendamment de la myopie ou du sexe [ 3 , 4 ]. Les décollements du myope fort représentent 30 % des DR, avec un risque de bilatéralisation supérieur à celui de la population non myope.
La fréquence élevée de DR chez les myopes forts s'explique en partie par une liquéfaction précoce du vitré, survenant environ 10 à 20 ans plus tôt que chez l'emmétrope. Par ailleurs, l'insertion de la base du vitré chez le myope fort est très irrégulière, ce qui explique la localisation parfois postérieure des déhiscences. Les formes cliniques sont caractérisées par la topographie du décollement, qui peut être périphérique comme chez l'emmétrope, ou plus spécifiquement limité au pôle postérieur ou à l'aire du staphylome.
Diagnostic du décollement de rétine du myope fort
Le diagnostic du DR du myope fort se fait à l'examen du fond d'œil. L'examen clinique porte sur les deux yeux en précisant l'acuité de loin, de près, l'ophtalmotonus et la longueur axiale par biométrie. Une rétinophotographie grand champ ( fig. 13-1
Fig. 13-1
Deux exemples de photographies grand champ de décollement de rétine (DR).Le premier est un DR bulleux supérieur (a), avec un soulèvement partiel de la macula et une déchirure causale visible à 11 heures (flèche). On note le décollement postérieur du vitré grâce à la visualisation de l'anneau de Weiss (tête de flèche). Le deuxième (b) est un DR à un stade de prolifération vitréorétinienne (PVR) débutante. Les bords de la déchirure sont ourlés (flèche), la macula est soulevée.
) ainsi qu'un OCT précisent l'état de la rétine maculaire, à la recherche d'un staphylome, d'un rétinoschisis, de zones d'atrophie choriorétinienne ( fig. 13-2
Fig. 13-2
Photographie couleur (a) et OCT (b) d'un œil fort myope de 33 mm de longueur axiale montrant un décollement de la neurorétine maculaire (b, flèches) avec une participation tractionnelle probable (b, têtes de flèche).Le décollement n'est pas bien vu au fond d'œil. On distingue bien les plages d'atrophie choriorétinienne (a, flèche).
), et visualisent une déchirure paravasculaire postérieure ou un trou maculaire. La périphérie rétinienne est examinée en ophtalmoscopie indirecte afin de rechercher et de localiser les déhiscences, les lésions fragiles ou des anomalies du vitré, et d'établir un schéma d'Amsler précisant l'étendue et les limites du DR. Il convient également de rechercher une cataracte, ou des rubans vitréens périphériques ( fig. 13-3
Fig. 13-3
Rubans vitréens chez un patient atteint de maladie de Stickler.
), évocateurs d'une vitréorétinopathie héréditaire, comme un syndrome de Stickler ou une maladie de Marfan, qui aggravent le pronostic en raison du caractère bilatéral de l'atteinte. L'échographie B peut aider à confirmer le diagnostic si le fond d'œil n'est pas accessible.
Décollement par trous ronds atrophiques
En l'absence de décollement postérieur du vitré, le décollement du myope fort peut être asymptomatique s'il est limité à la périphérie rétro-équatoriale, le plus souvent inférieure. Il devient symptomatique lorsqu'il s'étend vers la macula et soulève l'arc vasculaire temporal. Son origine étant une atrophie dégénérative de la rétine, il est l'apanage de sujets jeunes au vitré non décollé. Il est caractérisé par la présence de lignes pigmentées autour des trous rétiniens qui permettent d'éliminer un rétinoschisis dégénératif. Il s'associe souvent à des kystes intrarétiniens et des néovaisseaux à la surface du neuroépithélium, qui témoignent de sa chronicité. Ce type de décollement, souvent bilatéral, peut être simplement surveillé s'il reste limité à l'équateur et associé à une ligne unique de pigmentation témoignant de sa chronicité et de l'absence d'évolutivité vers la macula [ 5 ]. L'OCT réalisé avec une coupe passant à la jonction rétine à plat-rétine décollée permet d'éliminer un rétinoschisis, plus rare chez le myope fort, et de préciser l'état maculaire.
Décollement par dialyse à l'ora
La dialyse à l'ora est une forme clinique voisine du DR par trous ronds en rapport avec une atrophie rétinienne spécifique du sujet jeune au vitré non décollé. Souvent bilatérale, elle risque, en l'absence de traitement, de s'étendre à la macula. Sa localisation est préférentiellement temporale inférieure [ 4 ] et sa visualisation nécessite souvent le recours à un indentateur scléral [ 6 ] ( fig. 13-4
Fig. 13-4
Décollement de rétine (DR) par dialyse temporale inférieure.La dialyse est mal vue sur la photographie (tête de flèche), mais on distingue un cordage sous-rétinien pigmenté démontrant la chronicité du DR (flèche).
).
Décollement limité au pôle postérieur
Le décollement par déhiscence située en arrière de l'équateur est assez spécifique du myope fort. Il peut être lié à un trou maculaire ou à une déhiscence postérieure extramaculaire, le plus souvent à l'intérieur du pôle postérieur ou en paravasculaire ( fig. 13-5
Fig. 13-5
Décollement de rétine du pôle du postérieur chez le myope (a).Parfois, la déchirure postérieure est bien vue (b, flèche). Souvent, la déchirure n'est pas vue; il faut alors faire un OCT à la recherche d'un trou maculaire (c, flèche), et bien regarder les vaisseaux à la recherche d'une déchirure paravasculaire (d).
). Dans ce cas, il existe très souvent une traction vitréenne par décollement incomplet de la hyaloïde postérieure, associé à une lacune vitréenne [ 7 ].
Dans d'autres cas, le décollement se fait au niveau du staphylome sans déhiscence visible ni trou maculaire, et s'associe le plus souvent à un fovéoschisis bien visible sur l'OCT.
Décollement rhegmatogène compliquant un décollement postérieur du vitré
Dans la majorité des cas, le DR du myope fort est de nature rhegmatogène, secondaire à une déchirure liée à un décollement postérieur du vitré comme chez l'emmétrope. Toutefois, les déchirures sont souvent multiples, de grande taille et rétroéquatoriales en raison d'attaches vitréennes postérieures, ce qui rend leur traitement par voie externe plus difficile. Elles sont fréquemment associées à des palissades étendues qui fragilisent la rétine périphérique [ 8 ].
Décollement de rétine par déchirure géante
Une déchirure géante est définie comme une ouverture rétinienne s'étendant sur plus de 90° de circonférence. Elle est plus fréquente chez les myopes forts.
Elle se développe à la partie postérieure ou au sein de la base du vitré, se dirige parallèlement à l'ora serrata et traduit une traction circonférentielle majeure exercée par la base sur la rétine périphérique. Son pronostic est plus sévère qu'un décollement par simple déchirure à clapet du fait de la fréquence accrue de prolifération vitréorétinienne : 40 % à 50 % [ 9 ].
Son fort potentiel de bilatéralisation en fait une pathologie singulière où la prévention de l'œil adelphe est capitale. La déchirure géante est fréquente dans le syndrome de Stickler [ 10 ].
Décollement de rétine liés à des pathologies génétiques
LA HYALOIDORÉTINOPATHIE AVEC VITRÉ OPTIQUEMENT VIDE OU SYNDROME DE STICKLER
Le signe commun des hyaloïdopathies est une myopie forte congénitale non évolutive présente chez les trois quarts des patients. Le segment postérieur est optiquement vide par liquéfaction du vitré central. On retrouve une fine couche de vitré en arrière du cristallin, associée à des membranes avasculaires périphériques et des palissades périvasculaires.
Le syndrome de Stickler, décrit en 1965 sous le nom d'arthro-ophtalmopathie progressive héréditaire, est lié à une mutation génétique des gènes codant pour le collagène II, IX, V/XI. Il associe des atteintes oculaires (myopie, cataracte, DR) à des anomalies médiofaciales (aplatissement de la base du nez, hypoplasie maxillaire, petite lèvre supérieure, fente palatine et recul du menton). On note également une arthropathie dégénérative au niveau des genoux, chevilles, hanches et mains, des anomalies vertébrales et une hyperlaxité articulaire, ainsi qu'une surdité de perception ou de transmission. Ce syndrome affecte au moins 1/10 000 naissances, et l'on en décrit actuellement quatre phénotypes vitréens et neuf sous-groupes cliniques.
Les phénotypes vitréens sont les suivants [ 11 ] :
  • phénotype 1 : vitré membranaire (75 à 80 % des syndromes de Stickler), c'est-à-dire vitré rudimentaire situé dans l'espace rétrolental et composé de membranes régulières s'insérant au niveau de la pars plana, ou parfois en arrière de l'équateur ( fig. 13-6
    Fig. 13-6
    Fond d'œil vu en rétinographie grand champ d'un œil atteint du syndrome de Stickler de type 1.On voit surtout en inférieur les voiles vitréens « membranaires » typiques (flèche) en extrême et moyenne périphérie. Ce phénotype 1 du syndrome de Stickler est lié à une mutation sur le gène COL2A1; il n'est pas évolutif au cours de la vie. (Source : Georges Caputo.)
    ). Ce phénotype vitréen est présent à la naissance et n'évolue pas au cours de la vie. Il est lié à une mutation de COL2A1 ;
  • phénotype 2 : anomalies vitréennes en cordages de diamètre variable dans la cavité vitréenne, associées à des zones de décollement de la hyaloïde postérieure ( fig. 13-7
    Fig. 13-7
    Patient atteint du syndrome de Stickler de phénotype 2.Ce dernier est caractérisé par des anomalies vitréennes en cordages (flèche), associées à des zones de décollement de la hyaloïde postérieure. Il est d'apparition tardive et évolutif. Il s'associe à des anomalies rétiniennes : atrophie choriorétinienne, altération pigmentaire périvasculaire, palissades étendues. Il est lié à une mutation sur le gène COL11A1. (Source : Georges Caputo.)
    ). Ce phénotype vitréen d'apparition tardive est évolutif. Il s'associe à des anomalies rétiniennes, sous forme d'atrophie choriorétinienne et d'altération pigmentaire périvasculaire, ainsi qu'à des palissades étendues. L'atteinte systémique associe un aplatissement médiofacial, un menton fuyant, une fente palatine, des anomalies dentaires, une hypoacousie, une hyperlaxité ligamentaire et une arthropathie. Il est lié à une mutation de COL11A1 ;
  • phénotype 3 : vitré lacunaire lié à une mutation de COL2A1 ;
  • phénotype 4 : vitré normal lié à une mutation de COL11A2, le syndrome de Stickler étant purement extraoculaire.
Le mode de transmission est autosomique dominant à pénétrance complète et expressivité variable. Les gènes mutés COL2A1 , COL11A1 et COL11A2 sont associés au syndrome de Stickler respectivement de types 1, 2 et 3 (absence d'atteinte oculaire) et codent des chaînes du collagène de type II ou de type XI. Il existe également une forme oculaire pure du syndrome de Stickler de type 1 par mutation de l'exon2 de COL2A1 et une forme récessive par mutation du gène COL9A1 .
DYSPLASIE DE KNIEST
C'est une atteinte à transmission autosomique dominante par mutation de COL2A1 . Similaire au syndrome Stickler, elle associe une arthropathie plus sévère, un nanisme, une fente palatine en lien avec un syndrome de Pierre Robin et une surdité.
MALADIE DE WAGNER
C'est une vitréorétinopathie autosomique dominante qui associe myopie forte, glaucome, uvéite chronique, liquéfaction du vitré, cataracte précoce et opacités corticales antérieures et postérieures. On note un décollement incomplet du vitré avec condensation périphérique et une ectopie maculaire. Il s'associe une altération progressive de la vision nocturne et un DR chez 14 % des patients. La maladie serait liée à une mutation hétérozygote du gène codant le versican, un protéoglycane du sulfate de chondroïtine [ 12 , 13 ].
Le DR fait toute la gravité de l'affection, avec un risque de l'ordre de 50 % et un taux de bilatéralisation de 50 %. Les décollements sont en rapport avec des déchirures multiples postérieures s'étendant sur plus d'un quadrant ou avec une déchirure géante chez plus de 25 % des patients, souvent très jeunes [ 10 ]. La gravité est liée au jeune âge des patients ainsi qu'au risque de récidive par prolifération vitréorétinienne. Les résultats du traitement ont sensiblement progressé grâce à l'apport de la vitrectomie et du tamponnement par gaz, permettant de faciliter l'occlusion des déhiscences postérieures.
MALADIE DE MARFAN
Cette affection regroupe des anomalies cardiovasculaires, oculaires et du squelette. Son incidence est d'environ un cas pour 20 000 naissances.
DESCRIPTION CLINIQUE
L'atteinte oculaire se caractérise par une myopie forte acquise chez 40 % des patients, une hypoplasie de l'iris avec atrophie du dilatateur, des goniodysgénésies, et une ectopie supérotemporale du cristallin chez 65 % des patients.
L'atteinte systémique se caractérise par des anomalies ostéoarticulaires, un allongement avec amincissement des os longs, une cyphoscoliose, une dolichocéphalie, une arachnodactylie et une hyperextensibilité des articulations. Les anomalies cardiovasculaires sont un facteur de gravité; on retrouve une dilatation aortique chez 50 % des enfants et 80 % des adultes, avec un risque de dissection aortique, et un prolapsus de la valve mitrale chez 65 % des patients.
Le diagnostic est posé sur la clinique en présence des critères majeurs suivants : antécédents familiaux, atteinte cardiaque, mus culosquelettique ou oculaire.
GÉNÉTIQUE
Le mode de transmission est autosomique dominant à pénétrance complète et expressivité variable. La maladie est due à une mutation du gène de la fibrilline localisé sur le bras long du chromosome 15 ( FBN1, en 15q21.1) [ 14 ].
PARTICULARITÉS DU DÉCOLLEMENT DE RÉTINE DANS LA MALADIE DE MARFAN
Une DR rhegmatogène survient chez 10 % des patients atteints de la maladie de Marfan. Cette complication peut atteindre 30 % en cas d'ectopie du cristallin ou après son extraction. Le cristallin subluxé en temporal supérieur favorise des tractions sur la base du vitré temporal pouvant être à l'origine de déchirures périphériques, multiples et temporales [ 15 ]. Soixante-dix pour cent de ces décollements surviennent avant l'âge de 20 ans avec un taux de bilatéralité proche de 50 % par déhiscences multiples ou déchirures géantes [ 16 ].
Les résultats anatomiques et fonctionnels de la chirurgie dans les DR associés à une maladie de Marfan sont grevés par un fort taux de prolifération vitréorétinienne ( proliferative vitreoretinopathy [PVR]) et un risque de bilatéralisation.
Traitement chirurgical du décollement de rétine du myope fort
La prise en charge des DR par déhiscence périphérique du myope fort repose sur les règles habituelles utilisées chez le non-myope. En présence d'un décollement rétinogène par trous ronds atrophiques ou par dialyse avec un vitré non décollé, on privilégiera chez un patient phaque l'abord par voie externe associé à une cryo-indentation afin de réduire au maximum le risque de cataracte, puis de gêne à la vision binoculaire. Ce traitement donne de bons résultats anatomiques avec un taux de réapplication supérieur à 85 % à la première opération, la récupération fonctionnelle étant liée à la durée de l'atteinte maculaire. L'anesthésie générale est souvent préférée en raison du risque lié à la voie rétrobulbaire sur un globe de plus de 27 mm de longueur axiale. Néanmoins, chez les patients fragiles, une anesthésie locorégionale par voie péribulbaire ou sous-ténonienne réalisée par un opérateur entraîné reste une alternative sûre et satisfaisante sur le plan de l'analgésie et du blocage oculomoteur.
Dans les autres formes cliniques − décollement bulleux supérieur par déchirure rétro-équatoriale de plus d'un diamètre papillaire difficilement indentable, déchirures géantes, vitréorétinopathies héréditaires, déchirures paravasculaires postérieures − ou chez les sujets pseudophaques, un abord par vitrectomie transconjonctivale est le plus souvent utilisé. Il convient de libérer toutes les tractions vitréennes en disséquant le cortex vitréen postérieur et dans certains cas de PVR avec macula décollée la limitante interne maculaire. L'apport des agents de visualisation comme la triamcinolone et le Brilliant Blue G, est très utile ( fig. 13-8
Fig. 13-8
L'utilisation de colorants facilite la chirurgie et améliore probablement les résultats anatomiques.La triamcinolone permet de bien visualiser la hyaloïde postérieure ou ses résidus (a). Le Brilliant blue colore bien la limitante interne, que l'on peut retirer dans les décollements de rétine maculaires pour faciliter la réapplication (b). Une fois retirée, la limitante interne est peu rétractile, contrairement à une membrane épirétinienne (c).
). Ces colorants permettent de mieux visualiser la hyaloïde postérieure pour la disséquer afin de lever toute traction sur la rétine postérieure [ 17 , 18 ]. La rétinopexie par cryo-application ou laser est réalisée sur rétine recollée après échange liquide-air. Le tamponnement est assuré en première intention par un mélange air/SF6 à 25 % ou air/C2F6 à 20 %, la silicone étant réservée en première intention aux déchirures géantes. Les déhiscences paravasculaires postérieures nécessitent un pelage complet du cortex et de la limitante interne afin d'obtenir un assouplissement complet de la rétine et de prévenir la récidive (vidéo 13-1). La prise en charge des décollements par trou maculaire sur staphylome reste délicate et se partage entre l'abord interne associé à un pelage de cortex et de limitante, associé à un tamponnement par gaz, et l'indentation postérieure dans les cas les plus sévères (voir chapitre 14 ).
En cas de récidive, il convient d'analyser la cause, qui peut aller de la réouverture des déchirures par rétinopexie insuffisante en raison d'une atrophie choriorétinienne à la contraction du vitré périphérique ou de la limitante interne maculaire laissée en place. Il convient alors de compléter méticuleusement la vitrectomie et le pelage du cortex vitréen et des membranes, et de privilégier au maximum un tamponnement par gaz, l'huile de silicone étant réservée en dernier recours aux cas les plus défavorables.
Le taux de succès anatomique à la première intervention est inversement corrélé à la longueur axiale, qui devient un facteur péjoratif à partir de 29 à 30 mm. En dessous de 30 mm, le taux de réapplication après vitrectomie, pelage et tamponnement par SF6 est de l'ordre de 80 à 85 °% de réapplication initiale, mais il diminue jusqu'à 50 °% avec une longueur axiale de 35 mm [ 19 ]. La récupération fonctionnelle reste liée à l'état des photorécepteurs maculaires.
L'utilisation de l'huile de silicone est adaptée aux déchirures géantes. Dans les autres cas, l'ablation de l'huile de silicone peut être difficile, car souvent compliquée de récidive du décollement.
Les complications per- et postopératoires sont plus fréquentes en cas de myopie forte. Il peut s'agir d'un décollement choroïdien per- ou postopératoire, d'une hypertonie liée à un glaucome préexistant, au traumatisme chirurgical, au tamponnement ou à la corticothérapie locale.
Le cerclage au Silastic® ou à l'éponge expose également à un risque accru de décollement choroïdien, d'hyphéma ou d'ischémie du segment antérieur; c'est la raison pour laquelle il est déconseillé chez le myope fort [ 20 ].
Enfin, l'indentation postérieure, en particulier avec des dispositifs conçus spécifiquement pour les trous maculaires ou les déchirures paravasculaires, peut permettre de traiter des cas réfractaires de DR du pôle postérieur lorsque la longueur axiale est supérieure à 30 mm.
Conclusion
Les décollements de rétine du myope fort avec staphylome postérieur sont les plus difficiles à traiter. Leur prise en charge a bénéficié des progrès de la chirurgie endoculaire grâce au pelage du cortex vitréen et de la membrane limitante interne. Toutefois, le pronostic est moins bon que chez l'emmétrope, en particulier lorsque la longueur axiale dépasse 30 mm. Au-delà de cette limite, le pronostic anatomique et fonctionnel est inversement proportionnel à la longueur axiale du globe et une indentation postérieure peut s'avérer utile.
Points clés
  • Il existe des types différents de décollements de rétine (DR) chez le myope fort.
  • En fonction du type de DR − inférieur sur trou atrophique, ou sur trou maculaire ou sur déhiscence postérieure −, le traitement sera différent.
  • De l'examen préopératoire dépend le choix de la technique opératoire : indentation externe, vitrectomie ou bien l'association des deux techniques.
  • Il faut se méfier des DR associés à des atteintes génétiques, souvent de plus mauvais pronostic.
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