Chapitre 1Historique

H. Bourgeois

 Autrefois

Au début, dans la mythologie grecque, il y eut Glaucos ou Glaucus qui était un dieu marin, plus précisément le dieu de « la vie de la mer », qui naquit des amours de Neptune et de Naïs. Cependant, on dit aussi que c’était un jeune pêcheur et qu’un jour, les poissons qu’il avait pêchés et déposés dans un pré sautèrent dans l’eau avant qu’il n’ait pu les compter. Il avala une touffe d’herbe du pré, rejoignit les poissons dans la mer et devint ainsi une divinité marine, mi-homme mi-poisson, purifié par les déesses des profondeurs. Il donna naissance plus tard au héros Bellérophon qui, monté sur son cheval Pégase, tua le monstre Chimère. Diodore de Sicile, au ier siècle avant J.-C., raconte dans sa Mythologie des Grecs que Glaucos accompagna le bateau des Argonautes, les sauva de la tempête et prédit à Orphée et Héraclès ce qui leur arriverait par la suite. Il les conjura alors de prier les dieux et replongea au cœur des flots !

On pense généralement que le terme glaucome vient de ce Glaucos car, en grec, le mot glaukos désigne une couleur intermédiaire entre le bleu et le vert, évoquant la teinte des mers dans lesquelles se déployait la divinité. Or, les Anciens connaissaient une maladie aveuglante qui donnait aux yeux un reflet glauque. Cela est attesté par des auteurs comme Plaute et Hippocrate. En outre, les encyclopédistes français de 1778 s’accordent pour dire que « glaucome est le nom d’une maladie des yeux, sur le siège de laquelle les auteurs ne s’accordent point ».

L’histoire du glaucome était commencée, mais il faudra attendre le xe siècle pour que des médecins arabes formulent que cette maladie est liée à une augmentation de la tension oculaire…

 Avant-hier

En fait, ce n’est qu’au xviiie siècle que la notion d’hypertonie oculaire va devenir pertinente avec des affirmations d’auteurs aussi différents que Woodhouse (1650-1730), le chevalier Taylor (1703-1772), chirurgien sans gloire de compositeurs comme Haendel et Bach, ou encore Platner de Leipzig, Berger disciple de Woodhouse, Arrachard qui décrit le glaucome aigu, avant que Pierre Demours ne donne une idée sémiologique assez précise de cette pathologie.

Mais c’est son fils Antoine-Pierre qui insistera, dans son Traité de maladies des yeux de 1818, sur le fait que c’est l’hypertonie oculaire qui est le symptôme essentiel du glaucome. Il écrit notamment que le glaucome donne « une sensation de brouillard, d’abord intermittent, presque toujours unilatérale ; une sensation d’irisation autour des sources lumineuses, de mauvais pronostic car présageant la perte de la vision ; des céphalées sus-orbitaires et péri-orbitaires, s’étendant parfois jusqu’à l’os malaire et au sommet de la partie postérieure de la tête ; une diminution de la vision ; une dilatation de la pupille laissant apparaître une teinte eau de mer ; une injection des conjonctives et des sclérotiques ; et enfin, un globe dur au toucher ».

Et les oculistes anglo-saxons, parmi lesquels l’Écossais Mackenzie, le chirurgien oculiste de la reine Victoria, vont préciser beaucoup de notions qui restent cependant empiriques, car ces multiples travaux ne reposent pas sur une recherche méthodique. En effet, Mackenzie, en 1857, publie un livre dans lequel il écrit qu’une ponction sclérale comme intervention antiglaucomateuse pourrait être un traitement du glaucome, mais il ne passe pas à l’acte : il lui manque donc une certaine recherche personnelle pour soutenir ses idées.

Edme Mariotte, prêtre bourguignon, avait parlé en 1668 de la tâche aveugle. Par la suite, Thomas Young en 1800, suivi par Purkinje, ébauchent une étude du champ visuel qui se dégrade au cours de l’évolution d’un glaucome. Schlemm découvre le canal qui porte son nom en 1830 mais tout à fait par hasard, au cours de dissections sur œil de pendu. Puis, Jaeger en 1854 décrit une altération papillaire avec un ophtalmoscope qu’il a conçu – il ne s’agit toutefois pas d’une excavation mais d’une saillie !

Il faut donc attendre Albrecht von Graefe (1828-1870) qui le premier parlera de glaucome chronique, nom initial du glaucome primitif à angle ouvert, et l’opposera au glaucome aigu et au glaucome sans hypertonie oculaire, qui porte d’ailleurs son nom. Avec lui, l’empirisme va enfin faire place à la méthode (fig. 1-1).

Von Graefe adopte tout d’abord l’opinion de Jaeger mais à force d’explorations, grâce à l’ophtalmoscope d’Helmholtz, il finit par comprendre qu’il ne s’agit pas d’une saillie de la papille mais bien d’une excavation, qu’il estime due à l’hypertonie oculaire, et il note que « les vaisseaux de la partie moyenne [de la papille] se trouvaient dans un plan creux ».

C’est lui qui, après d’âpres tâtonnements d’auteurs tels que Woodhouse, Schelselden en 1728, Heuermann en 1756 ou le Lyonnais Guérin en 1769, obtiendra un premier succès pour une iridectomie dans le traitement d’un glaucome aigu. Von Graefe s’oppose ouvertement à Mackenzie lors du premier congrès international de Bruxelles en 1857 en déclarant : « J’aurais espéré une plus grande modération de la part du Nestor de l’ophtalmologie anglaise. Je constate avec regret que le Dr Mackenzie s’attache à un procédé dépourvu de bon sens et qu’il refuse un des progrès les plus marquants de l’ophtalmologie, et cela sans apporter la moindre expérience personnelle à ce sujet. » Et c’est précisément dans un ouvrage de 1857 que von Graefe annonce l’effet bénéfique de l’iridectomie curatrice dans le glaucome aigu en soulignant néanmoins que l’apparition de cicatrices conjonctivales kystiques dans près de 20 % des cas n’était pas souhaitable. C’est lui qui, le premier, distinguera le glaucome aigu du glaucome chronique et de la maladie de von Graefe, celle de l’amaurose avec excavation du nerf optique sans hypertonie (« Über die Wirkung der Iridektomie beim Glaukom und über die glaukomatösen Prozesse »). En ce qui concerne l’iridectomie chirurgicale, il avait notamment observé que, dans 20 à 25 % des yeux opérés, la cicatrice était cystoïde et filtrante. Il eut donc le souci, dans le but d’éviter le risque d’infection, très fréquent à l’époque, de faire en sorte d’empêcher la filtration.

Von Graefe va alors pouvoir, sur sa lancée, même avec des moyens techniques très modestes, appliquer la périmétrie, c’est-à-dire un examen du champ visuel relativement sommaire pour l’époque, à la clinique et en particulier au glaucome. Il plaçait un tableau noir devant son patient, tableau qui affichait un point central que le patient devait fixer avec un seul œil. Il déplaçait alors une boule blanche de différents diamètres, de la périphérie vers le centre, et notait l’endroit où la boule paraissait et disparaissait du champ de vision. Tous les points étaient ensuite réunis par une ligne courbe. Cela permit ainsi à von Graefe de mettre en évidence l’élargissement de la tâche de Mariotte, l’importance d’un scotome central, des hémianopsies et toutes sortes de scotomes, relatifs ou absolus à l’intérieur du champ visuel de chaque œil. Foster mettra alors au point un arc périmétrique (fig. 1-2).

Après lui, d’autres opérations vont être proposées par Louis de Wecker, Allemand naturalisé Français et travaillant à Paris, puis par le Viennois Mauthner qui résuma en 1877 la sclérotomie pour traiter le glaucome chronique : « S’il était possible de faire à partir du bord cornéen une large plaie sclérale sans qu’il en résulte un enclavement de l’iris, j’abandonnerais tout à fait l’excision d’une partie de cette membrane. » Un autre auteur pratiqua ainsi avec succès deux sclérotomies !

Mais c’est de Wecker qui reprendra cette question en déclarant que « la cicatrisation sclérale cystoïde permet ultérieurement la filtration de l’humeur aqueuse et conséquemment une réduction permanente de la pression intra-oculaire ».

Les chirurgiens qui tinrent compte de cette idée, en Italie ou en Angleterre, réalisèrent dès 1876 des sclérotomies qui laissaient la conjonctive intacte au-dessus du lambeau scléral, sans risque d’infection ou d’hypotonie résiduelle marquée du globe oculaire. La sclérotomie et l’iridencléisis venaient de faire leur apparition.

Dans le même temps, le premier traitement médical était mis au point par Daniell, Frazer et Laqueur grâce à l’ésérine. Cet alcaloïde actif était extrait des fèves d’un arbuste de Calabar et il fut démontré qu’il possédait une action pupillo-constrictive puissante, entraînant un taux d’abaissement significatif de la tension oculaire. Laqueur, qui souffrait lui-même de crises de glaucome aigu, se l’administra, partant du principe que si l’atropine provoquait un accès aigu sur un œil prédisposé par son action pupillo-motrice, l’ésérine, qui se révélait être un antagoniste de l’atropine, devait très probablement diminuer la pression intra-oculaire. Il vérifia cette hypothèse sur quelques-uns de ses patients et sur lui-même, notant même que l’action hypotonisante se prolongeait bien au-delà du myosis. Il publia ses résultats en 1877, soulignant avec force que l’ésérine était un adjuvant très utile à l’iridectomie.

On avait également remarqué des propriétés analogues de diverses espèces d’un arbuste du Nord-Est du Brésil, le Pilocarpus, mais il faudra attendre 1875 et les travaux conjugués de Gérard, Hardy et Hyasson, pour que soit extrait de cet arbuste un alcaloïde, la pilocarpine. Weber le qualifiera en 1877 comme le second myotique d’origine végétale. Il sera inscrit au Codex français en 1884 et, dès 1910, sera régulièrement utilisé sous forme de collyre. Ce produit, mieux supporté que l’ésérine, la supplantera progressivement et restera pendant longtemps le médicament majeur du glaucome, tout au moins jusqu’à l’apparition des bêtabloquants en… 1977 !

Toutefois, les progrès ne s’arrêtent pas là car von Graefe – encore lui ! – construisit en 1862 un tonomètre à indentation et il sera suivi par Schiötz entre 1902 et 1905. Le tonomètre à aplanissement apparaîtra dès 1885 avec Maklakoff et sera amélioré par Adolf Fick en 1888. Encore fallait-il pouvoir disposer d’un collyre anesthésique pour effectuer des mesures tonométriques fiables sans désagrément pour le patient. L’Allemand Albert Neumann extraira un produit utile des feuilles d’un arbuste d’Amérique du Sud, l’Erythroxylum coca. Il s’agit de la cocaïne qui sera utilisée sous forme de chlorhydrate et exploitée pour ses propriétés anesthésiques sous l’impulsion du Viennois Carl Koller dès 1884. L’hypertonie oculaire pouvait donc être mesurée de façon mathématique grâce à ces appareils qui remplaçaient fort avantageusement la palpation bidigitale de Bowman, qui conservait cependant un certain intérêt.

Dans le même temps, les conséquences de l’hypertonie oculaire sur l’œil et la vision progressent. Schnabel décrit en 1890 des lésions des fibres optiques et Bjerrum, à Copenhague, en 1899, rappelle l’intérêt campimétrique et décrit les scotomes arciformes dans le glaucome chronique. Enfin, des premières recherches menées par Leber, Boucheron, Müller, Weber et Smith, entre autres, commencent à mettre en évidence des notions sur le lieu et la nature de la résistance à l’écoulement.

Dans le domaine thérapeutique, les myotiques sont de plus en plus utilisées. L’effet de l’adrénaline sur la pression oculaire est décrit par Darier, mais il faudra attendre 1904 et les travaux de Cantonnet pour que commencent à être employés l’adrénaline et les médicaments osmotiques.

Quant à la chirurgie des glaucomes, elle s’affirme progressivement grâce aux travaux de Félix Lagrange de Bordeaux qui invente et décrit une technique de sclérecto-iridectomie au cours de laquelle un volet cornéoscléral et conjonctival est réalisé, suivi par une sclérectomie de la berge sclérale antérieure et d’une iridectomie basale, aucune suture n’étant nécessaire. Il affirmait ainsi que « le seul traitement efficace du glaucome chronique est d’obtenir une fistule cornéo-sclérale conjonctivale ». Félix Lagrange fut vraiment le père de la glaucomatologie française (fig. 1-3).

Puis, Robert Elliot, de Madras, inventa un trépan pour réaliser cet orifice et, surtout, Soren Holth, d’Oslo, en 1908, élabora la technique de l’iridencléisis qui introduit des « cornes d’iris » dans la plaie sclérale, favorisant ainsi la création d’un canal filtrant permanent. Ces trois techniques seront utilisées jusqu’en 1956, jusqu’à la technique de Scheie qui emploie une iridectomie avec cautérisation sclérale.

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Fig. 1-1 Timbre de RDA émis en 1978 et représentant von Graefe.

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Fig. 1-2 Arc périmétrique d’Auguste Charpentier (1852-1916).

(Collection J.-P. Renard, Val-de-Grâce.)

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Fig. 1-3 Buste de Pierre-Félix Lagrange.

(Collection Val-de-Grâce, musée du Service de Santé des Armées, Paris.)

 Hier

Hier, c’est la longue histoire du xxe siècle qui voit fleurir de splendides améliorations diagnostiques et thérapeutiques.

Il y a tout d’abord l’exploration de ce que l’on appelle l’angle iridocornéen. Cela suscita des recherches de la part d’auteurs comme Trantas en 1899, puis du Japonais Mizuo, de Salzmann en Autriche et enfin Koeppe. Mais ce fut Otto Barkan qui, en 1938, à l’aide d’un verre à gonioscopie, établit une distinction nette entre l’angle large et l’angle fermé, distinguant enfin les concepts de glaucome à angle fermé et de glaucome à angle ouvert. Toutefois, cela ne sera connu qu’après la guerre, en 1954.

Simultanément, les recherches évoluent sur la nature physiologique et biochimique de l’humeur aqueuse sécrétée par le corps ciliaire. Elles aboutiront à la conclusion de Duke-Elder en 1927, évoquant largement les théories de l’Américain Jonas Friedenwald (1897-1955) sur la formation de l’humeur aqueuse et celles du Suisse Francheschetti qui insistait sur sa richesse en vitamine C.

L’exploration du champ visuel progresse dans le même temps, grâce à Ferree et Rand, puis à leur élève Sloan, qui met au point le concept de périmétrie statique. Traquair décrit alors les signes du début de l’atteinte glaucomateuse dans le champ visuel, qu’il compare à « une île de vision dans un océan de cécité ». Toutefois, c’est Hans Goldmann (1899-1991) de Berne qui mettra au point le périmètre cinétique. Il créera en outre le verre à gonioscopie moderne et le tonomètre à aplanation de 1962 qui est devenu la référence mondiale pour mesurer la pression intra-oculaire (fig. 1-4).

Après la Seconde Guerre mondiale, les recherches vont s’intensifier pour étudier le problème de la résistance à l’écoulement de l’humeur aqueuse. Il est désormais admis que le glaucome était devenu la première cause de cécité au monde. De fait, en Europe comme aux États-Unis, la recherche va s’intensifier. Morton Grant, dès 1958, démontre que la pression intra-oculaire est une forme d’équilibre entre la sécrétion d’humeur aqueuse et l’élimination par les émonctoires naturels de l’œil. Il est finalement démontré que les altérations dans le glaucome à angle ouvert se situent au niveau du trabéculum et que c’est donc là qu’il faut agir. Cela donne naissance à la trabéculotomie et à la trabéculectomie. Par la suite, l’apport de la microscopie électronique sera essentiel dans la recherche du mécanisme de la résistance à l’écoulement de l’œil normal et, a fortiori, de celle de l’œil glaucomateux. Il s’ensuit donc de ces recherches menées entre 1958 et 1972 par de nombreux auteurs tels que Holmberg, Fine, Iwamoto, Kayes, Tripathi et Inomata, une meilleure connaissance de la pathologie glaucomateuse. Tout cela sera en quelque sorte confirmé par l’existence du glaucome cortisonique démontrée par Jules François en 1956 et la découverte par Barany de la diminution de la résistance à l’écoulement sous l’effet de la hyaluronidase.

Toutes ces recherches concernant une meilleure connaissance de la production de l’humeur aqueuse et de la résistance à l’écoulement ne pouvaient donc que conduire à la mise au point de nouvelles thérapeutiques, médicales ou chirurgicales, visant à abaisser la pression intra-oculaire qui, trop élevée, conduisait irrémédiablement à la cécité.

Darier avait déjà démontré au début des années 1900 que l’adrénaline, instillée dans l’œil, abaissait la tension oculaire. Hamburger avait utilisé un collyre seulement « adrénaliné » appelé Glaucosan en 1923, mais Weekers, en 1955, montra que seule l’adrénaline était efficace en contractant les vaisseaux conjonctivaux, dilatant la pupille sans paralyser l’accommodation et réduisant le tonus oculaire de façon plus durable que l’action pupillaire. Cependant, la gonioscopie permettait d’éviter de l’instiller dans un globe à angle fermé. D’autres produits, moins dosés, ont vu le jour, puis le traitement médical a pris une autre tournure dès 1945 avec l’acétazolamide, inhibiteur de l’anhydrase carbonique, administré par voie générale mais non dénué d’effets secondaires gênants. Cela conduisit donc à rechercher de nouveaux produits avec l’introduction, dès 1965, du propanolol, puis en 1978 du maléate de timolol, bêtabloquant commercialisé sous le nom de Timoptol®.

Sur le plan chirurgical, et surtout microchirurgical, la trabéculotomie apparut en 1967 avec Harms et Dannheim, effectuée avec 60 % de succès. Cependant, l’existence fréquente d’une bulle de filtration ou encore d’hyphéma freina cette technique, qui reste toutefois une référence dans les glaucomes congénitaux.

Des implants de drainage furent également essayés pour faciliter la filtration, comme ceux de Rollett et Moreau en 1907, ou encore les tubes de Molteno en 1960.

La chirurgie moderne fut surtout marquée par la trabéculectomie, effectuée pour la première fois en 1956 de façon un peu osée et sans donner de résultat probant. Il fallut attendre Cairns en 1968 pour que cette révolution chirurgicale non perforante finisse par s’imposer. La technique consiste à réséquer un fragment du canal de Schlemm, du trabéculum adjacent et des couches profondes de la cornée. Un volet scléral sert alors à contrôler la filtration de l’humeur aqueuse. Le contrôle de la pression intra-oculaire était obtenu dans plus de 90 % des cas. Cette technique est ainsi devenue la technique chirurgicale de référence dans les années 1970, et j’ai eu personnellement l’occasion de l’utiliser avec beaucoup de réussite dès 1974.

La trabéculoplastie au laser, initiée par James Wise dès 1976, préfigure les espoirs de la recherche et des acquisitions nouvelles.

Puis sont apparues les techniques de chirurgie filtrante non perforante, comme la sinusostomie de Krasnov en 1962, la sclérectomie profonde de Fyodorov et Koslov en 1989, initiée et diffusée en France par l’équipe de Philippe Demailly dès les années 1990. La technique impose une ouverture du canal de Schlemm et une dissection en avant dans les lames cornéennes prédescemétiques. La résection du volet scléral profond et du mur externe du canal de Schlemm entraîne la formation d’un espace de décompression, le « lac scléral », destiné à recueillir l’humeur aqueuse.

Et puis, grâce à l’expérience et l’impulsion de Françoise Valtot, la sclérectomie profonde s’est complétée avec la trabéculectomie externe.

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Fig. 1-4 Hans Goldmann (1899-1991).

 Aujourd’hui

Aujourd’hui, au début du xxie siècle, les choses s’accélèrent. Les progrès dans la recherche et la compréhension des phénomènes biologiques moléculaires ont littéralement accéléré les modalités de recherche. La périmétrie est devenue automatisée, les moyens médicaux ont évolué, et les techniques microchirurgicales font preuve de plus en plus d’audace.

Le présent succède au passé et l’historique n’a plus sa place. Même les définitions ont changé. L’actualité et les nouvelles perspectives sont laissées aux auteurs du présent rapport, Jean-Paul Renard, Éric Sellem et leurs collaborateurs.

L’École française du glaucome

L’École française de glaucomatologie a eu comme grands-pères Pierre Demours et son fils Antoine-Pierre au xixe siècle, et comme père Félix Lagrange au début du xxe siècle. Elle a toujours été fructueuse à travers ses travaux et ses actions.

En 1974, le Lyonnais Raymond Étienne réunit à Albi les plus grands spécialistes du glaucome de l’époque, pour un symposium international qui fera date. C’est sous son impulsion qu’est créé en 1980 le Comité de lutte contre le glaucome (fig. 1-5 et 1-6).

Cette association, qui avait pour but « de mieux faire connaître au corps médical, au corps pharmaceutique et au grand public les problèmes du glaucome, d’encourager les recherches à ce sujet, d’entreprendre toute action pour favoriser la lutte contre cette maladie, et d’une manière générale toute activité se rapportant directement ou indirectement aux buts ci-dessus indiqués », fut reconnue d’utilité publique par le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation le 23 juillet 1985.

Elle a son siège social à Paris, 28, rue de Charenton, dans le 12e arrondissement. Elle se réunit régulièrement et organise de fréquentes manifestations, en particulier dans le cadre du congrès annuel de la Société française d’ophtalmologie.

J’ai eu l’honneur d’en être le secrétaire général pendant quelques années, sous la présidence de mon ami Philippe Demailly.

Grâce à l’impulsion d’Alain Béchetoille, le Comité de lutte contre le glaucome est reconnu comme étant la Société française du glaucome de référence. En 2011, il accueille pendant la présidence d’Éric Sellem, à Paris, le 4th World Glaucoma Congress.

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Fig. 1-5 Raymond Étienne (1919-1997).

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Fig. 1-6 International Glaucoma Symposium, Albi, mai 1974, avec les Français R. Étienne, P. Demailly, F. Valtot, J. Kopel, C. Plane, C. Barut, A. Ourgaud, A. Tassy, A. Lobstein, et leurs illustres collègues internationaux : S. Drance, D. Anderson, M. Armaly, W. Leydhecker, A. Bill, R. Sampaolési, R.N. Shaffer, G. Spaeth, S.S. Hayreh, etc.