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Chapitre 2
Microanatomie et principales caractéristiques biologiques de l'endothélium cornéen adulte

Z. He,

C. Perrache,

G. Thuret

Cornée
La cornée est le tissu transparent constituant le hublot du globe oculaire, entouré de la sclère, reconnaissable par sa couleur blanche. Chez l'adulte, elle est presque ronde, mesurant en moyenne 11,8 mm à l'horizontal et 11,3 à la verticale [1]. Son épaisseur centrale est en moyenne de 550 μm et est pratiquement stable avec l'âge (tableau 2-1
Tableau 2-1
Densité cellulaire endothéliale (DCE) centrale et épaisseur cornéenne centrale d'adultes caucasiens de différentes classes d'âge*. (D'après [2].)
ÂgeDCE (cellules/mm)Épaisseur centrale (μm)
20–29552 931 ± 371 (2 232, 3 610)563 ± 44 (474, 646)
30–39452 820 ± 203 (2 353, 3 279)561 ± 36 (477, 640)
40–49452 660 ± 301 (2 160, 3 546)559 ± 42 (494, 681)
50–59552 630 ± 306 (2 062, 3 571)553 ± 43 (459, 647)
60–69552 518 ± 281 (2 015, 3 003)555 ± 35 (495, 630)
70–79552 341 ± 167 (2 062, 3 762)551 ± 46 (448, 672)
80–89482 222 ± 182 (2 002, 2 597)540 ± 35 (430, 637)
*DCE et épaisseur sont exprimées en moyenne ±écart-type (min, max).
) [2]. Elle augmente régulièrement du centre vers la périphérie. Elle est en moyenne de 558, 585, 633, 701, 785 μm respectivement à 1, 2, 3, 4 et 5 mm du centre [3]. Elle permet, avec le cristallin, de transmettre la lumière tout en la faisant converger sur la macula.
Histologiquement, la cornée est composée de trois couches parallèles (fig. 2-1
Fig. 2-1
Histologie en coupe transversale de la cornée humaine.Coloration hématoxyline-éosine-safran. Les flèches rouges indiquent respectivement le complexe épithélium-membrane de Bowman et le complexe endothélio-descemétique.
Source: laboratoire BiiGC.
) : l'épithélium (30–50 μm d'épaisseur), formé de 4 à 7 couches de cellules adhérant à la membrane de Bowman (MB) ; le stroma cornéen (environ 500 μm) qui représente à lui seul 90 % de la cornée ; et l'endothélium adhérant à la membrane de Descemet (MD). L'endothélium cornéen est une monocouche de cellules endothéliales (CE) plates, jointives, tapissant intégralement la face postérieure de la cornée jusqu'au trabéculum.
À l'état physiologique, la cornée est transparente grâce à l'organisation parfaitement régulière de ses fibres de collagène dans le stroma cornéen, unique dans l'organisme. Elle le reste grâce à la fonction de « pompe endothéliale » qui lutte en permanence contre l'hydrophilie spontanée du stroma ; la cornée reste ainsi dans un état de perpétuelle déturgescence (78 % d'eau en moyenne), garde une épaisseur constante (moins de 4 % de variation quotidienne) et une organisation stable de son stroma. Le rôle de l'endothélium, qui ne représente que 2 % de l'épaisseur d'une cornée adulte, est essentiel à la fonction visuelle.
Densité cellulaire endothéliale
La densité cellulaire endothéliale (DCE), ou nombre de CE par unité de surface (cellules/mm2 ), est le critère le plus simple et le plus largement utilisé pour qualifier un endothélium cornéen. Il n'existe cependant aucun parallélisme entre DCE et transparence cornéenne : une cornée ayant 800 cellules/mm2 n'est pas moins transparente qu'une cornée ayant 3 500 cellules/mm2 . Dit autrement, une CE de 35 μm de diamètre exerce la même fonction qu'une cellule de 17 μm de diamètre (c'est-à-dire de surface 4 fois plus petite), témoignant d'une remarquable capacité d'adaptation. Il existe en revanche un effet de seuil au-dessous duquel la fonction endothéliale ne peut plus être assurée. Ce seuil, variable selon les pathologies et la vitesse de la perte endothéliale, est situé autour de 400 à 500 cellules/mm2 . Lorsque le seuil est franchi, un œdème stromal irréversible se développe et s'aggrave plus ou moins vite jusqu'à provoquer une dystrophie bulleuse caractérisée par des plis endothéliaux, une cornée souvent très opaque, des bulles épithéliales fragiles, puis une néovascularisation cornéenne (fig. 2-2
Fig. 2-2
Cornée saine à la transparence parfaite (a) et cornée au stade de la dystrophie œdémateuse avec cercle périkératique et bulle de décollement épithélial (b).Ici, dystrophie endothéliale de Fuchs à un stade très avancé.
Source: laboratoire BiiGC.
).
En clinique, la DCE est mesurée grâce à la microscopie spéculaire pour identifier les cornées proches de ce seuil et présentant par conséquent un risque accru de décompensation œdémateuse après chirurgie endoculaire. Les mesures répétées sont, elles, indispensables pour estimer la vitesse d'une perte endothéliale, principalement après pose d'implants de chambre antérieure ou après tout type de kératoplastie. Au cours de la conservation des greffons cornéens ( eye banking ), la DCE constitue le principal critère de qualité.
Chez l'adulte sain, pour une même classe d'âge, la DCE centrale a une très forte variabilité interindividuelle, entre 2 000 et 3 500 cellules/mm2 , soit 250 000 à 450 000 CE par cornée, soit près de 45 % de variabilité (voir tableau 2-1) [2]. Elle est en revanche très similaire entre les cornées droite et gauche, et aussi entre les hommes et les femmes [4]. D'importantes différences interethniques ont été relevées [4, 5]. À titre d'exemple, dans la tranche d'âge 41–50 ans, la DCE a été mesurée à 3 749 ± 407 chez les Japonais, 2 935 ± 285 chez les Chinois, 2 854 ± 51 chez les Espagnols, 2 619 ± 321 chez les Américains, 2 434 ± 442 chez les Nigériens, 2 408 ± 274 chez les Indiens et 2 071 ± 340 chez les Iraniens [4, 5]. Notons cependant qu'une autre étude sur 827 yeux a retrouvé une DCE de 3 031 ± 359 chez les Japonais de la même tranche d'âge [6]. Cette discordance incite à interpréter prudemment les mesures de DCE, dont les valeurs dépendent du type de microscopes spéculaires, de leur calibrage, de la qualité des images, de la zone cornéenne observée, de la méthodologie de comptage, du nombre de cellules prises en compte et de l'expérience de l'expérimentateur.
La DCE peut être influencée par la présence d'un diabète (voir encadré encadré ), mais pas par celle d'une hypertension artérielle, ou d'un tabagisme, ni par le travail à la lumière naturelle. Le port de lentilles de contact modifie la morphométrie des CE mais pas leur nombre [6] (voir ).
La DCE centrale décroît avec l'âge de façon non linéaire. Partant de 6 200 cellules/mm2 à la fin de la gestation (40e  semaine) [7], elle décroît rapidement après la naissance pendant une période très courte, correspondant à la croissance cornéenne : 4 000 cellules/mm2 dans la première année de vie, 3 700 durant la deuxième. Après l'âge de 2 ans, lorsque le diamètre de la cornée est définitif, la décroissance de la DCE ralentit [8]. Murphy et al. ont rapporté une décroissance de la DCE de 0,56 % par an entre 2 et 98 ans [9], Bourne et al. de 0,6 % par an sur 10 ans entre 30 et 84 ans [10], Møller-Pedersen de 2,9 % par an de 0 à 14 ans, puis de 0,3 % pendant l'âge adulte [11]. Le taux de décroissance pendant l'âge adulte est donc généralement estimé de 0,3 % à 0,7 % par an. Cette imprécision relative peut être due à des différences dans la méthodologie de mesure, la taille des échantillons, les ethnies. L'inclusion de sujets jeunes et de personnes pseudophaques est aussi un biais potentiel. Une différence du taux de décroissance existe entre le groupe de jeunes adultes (< 40 ans) et le groupe d'adultes plus âgés (> 40 ans). En analysant 568 sujets âgés de 20 à 85 ans, Abdellah et al. ont trouvé une perte cellulaire de 0,3 % par an tous âges confondus, de 0,7 % dans le groupe de moins de 40 ans, et proche de 0,2 % chez les personnes de plus de 40 ans [5]. Pour les sujets âgés de plus de 40 ans, deux autres études ont retrouvé une décroissance de 0,1 % par an (sur n = 1 235 yeux) [12] et de 0,25 % par an (sur 2 659 personnes) [6]. Ce ralentissement de la perte cellulaire tout au long de la vie paraît difficilement compatible avec un modèle de CE non proliférative après la naissance. Il plaide au contraire pour une régénération incomplète et la prolifération continue d'une petite partie de la population endothéliale. Cette perte cellulaire correspond à la disparition d'une centaine de CE par millimètre carré tous les 10 ans. Même si les capacités prolifératives très limitées des CE ne permettent pas de maintenir la population constante, compte tenu de la DCE initiale très élevée surtout en périphérie (correspondant au concept de réserve endothéliale périphérique), il n'existe pas de pathologie endothéliale liée à un vieillissement normal (absence de dégénérescence endothéliale liée à l'âge). En simulant de façon simpliste une perte cellulaire linéaire de 0,5 % par an et une DCE de 3 000 cellules/mm2 au début de l'âge adulte, le seuil de 500 cellules/mm2 serait atteint après 360 ans !
Morphologie cellulaire : une organisation plus complexe qu'il n'y paraît
Une CE mesure de 3 à 5 μm d'épaisseur quelle que soit sa surface. La surface apicale des CE est en contact direct avec l'humeur aqueuse et la surface basale adhère à la MD (fig. 2-3
Fig. 2-3
Morphologie générale de l'endothélium cornéen humain normal.a. Contour cellulaire après coloration par rouge alizarine. b. Contour cellulaire après immunomarquage de ZO-1. c. Coupe histologique transversale montrant les deux couches de la membrane de Descemet (MD) (astérisque: couche embryonnaire striée ; double astérisque: couche adulte non striée). Coloration hématoxyline-éosine-safran. d. Ultrastructure montrant la richesse en organites (mitochondries et réticulum endoplasmique) et la jonction avec la MD dépourvue de structure d'ancrage visible à cette échelle, mais présentant malgré tout des reliefs nanométriques.
Source: laboratoire BiiGC.
). L'organisation histologique de l'endothélium est habituellement assimilée à une structure en nid d'abeille en référence à la mosaïque hexagonale révélée in vivo par la microscopie spéculaire, ou la microscopie confocale, et ex vivo en microscopie électronique à balayage, ou en microscopie optique près immunomarquage des jonctions cellulaires apicales (fig. 2-3b). Cependant, une morphologie beaucoup plus irrégulière et complexe qu'une simple mosaïque de cellules hexagonales est également visible ex vivo soit après coloration des jonctions intercellaires par rouge alizarine (se fixant sur le calcium des complexes intercellulaires), soit après dilatation des espaces intercellulaires par incubation avec du NaCl 0 , 9 %, du sucrose 1,8 % ou du BSS® ( balanced salt solution ) hypotonique pendant le contrôle endothélial réalisé dans les banques de cornée, soit par microcopie électronique à transmission sur des coupes transversales (fig. 2-3).
En 2016, nous avons proposé un modèle 3D de la CE pour expliquer la coexistence de ces différentes morphologies des CE in vivo et ex vivo [13]. Ce modèle a été établi en analysant deux marqueurs apicaux (myosine IIa et ZO-1) et deux marqueurs cytoplasmiques (vimentine et calnexine) par microscopie confocale qui permet d'acquérir les images de la CE plan par plan depuis la MD jusqu'à la surface apicale (fig. 2-4 et 2-5
Fig. 2-4
Modèle3D de cellule endothéliale cornéenne (CE).a. Schématisation de six coupes horizontales uniformément réparties sur la hauteur de trois CE ayant servi à la reconstruction 3D. b–d. Impression 3D du modèle simplifié cohérent avec les caractéristiques principales des jonctions cellule-cellule: bordures droites avec des espaces aux jonctions en Y à la surface apicale, espaces intercellulaires interconnectés entre les cellules, processus d'interdigitation étroitement liés à la surface basale. Dans ce modèle, le nombre de replis membranaires et d'interdigitations latéraux a été volontairement sous-estimé pour le rendre plus didactique.
Source: laboratoire BiiGC.
Fig. 2-5
Complexité de la cellule endothéliale cornéenne (CE) normale.a. Face apicale hexagonale vue en microscopie spéculaire in vivo et sa correspondance après immunomarquage des jonctions apicales (ZO-1) ; et zone intermédiaire montrant des espaces intercellulaires très irréguliers en contraste de phase lors d'un contrôle qualité de greffon cornéen et sa correspondance après immunomarquage des membranes latérales par N-CAM (neural cell adhesion molecule). b, c. Microscopie confocale d'immunomarquages illustrant la forme réelle des surfaces apicale et basale ainsi que de la membrane latérale. b. Seule la face apicale est hexagonale, comme le montre la myosine présente uniquement sous la membrane plasmique. D'autres protéines qui remplissent le reste du cytoplasme (vimentine, calnexine) montrent les interdigitations cellulaires. La protéine membranaire N-cadhérine, exprimée principalement sur les surfaces apicale et basale de la CE, délimite parfaitement les contours cellulaires et nous a permis de comparer les périmètres apical et basal (tracés ici en jaune). c. Le marquage d'une autre protéine membranaire, N-CAM, permet d'analyser encore plus finement l'organisation de la membrane latérale de CE, révélant les espaces intercellulaires aux niveaux sous-apical (–1μm sous la surface) et intermédiaire (–3μm) ainsi qu'une forte cohésion des interdigitations au niveau basal basal (–5μm) ; les noyaux sont marqués par Hoechst 33342 ou To-pro-3.
Source: laboratoire BiiGC.
et vidéo 2-1).
Le marquage de la N-cadhérine, une glycoprotéine des jonctions cellulaires fixant le calcium, a montré précisément le périmètre des surfaces apicale et basale d'une même cellule avec un ratio de 1/5,6 (voir fig. 2-5). Le marquage d'une autre protéine (N-CAM) impliquée dans l'adhésion cellulaire a révélé une augmentation progressive de la complexité de la membrane latérale et des espaces intercellulaires depuis l'humeur aqueuse jusqu'à la MD (voir fig. 2-5). La CE est une cellule très polarisée et son organisation sur l'axe Z varie en continu entre la surface apicale et la surface basale : elle est hexagonale au contact de l'humeur aqueuse et devient de plus en plus irrégulière jusqu'à la MD. Les CE restent très jointives aux deux extrêmes, mais des espaces existent entre les membranes latérales de 2 CE voisines (voir fig. 2-5). Cette complexité de forme est également bien documentée chez la souris [14]. L'augmentation du périmètre cellulaire et de la complexité des membranes latérales, formant de nombreuses interdigitations, accroît très significativement les surfaces d'échange entre les cellules et les espaces intercellulaires. Cette organisation spécifique fait donc partie intégrante de la « pompe endothéliale » en offrant une grande surface de membrane plasmique où s'insèrent l'ensemble des molécules impliquées dans les transports actifs et passifs d'ions et d'eau.
Dans cette même étude, nous avons montré que la forme hexagonale apicale était due à un équilibre de force entre cellules lié à l'ancrage, à proximité des jonctions serrées, d'un réseau contractile d'actomyosine. Ces protéines du cytosquelette situées juste au-dessous de la membrane plasmique apicale la mettent en tension comme un peau de tambour (fig. 2-6
Fig. 2-6
L'hexagonalité de la surface apicale des cellules endothéliales (CE) est due à l'interaction entre jonctions serrées et réseau contractile d'actomyosine sous-membranaire.a. Immunomarquage de la myosineIIa (rouge) et de ZO-1 (vert) montrant leurs relations à l'état physiologique, lors de la desquamation d'une cellule isolée, et en cas de disjonction complète de la mosaïque (en présence d'EDTA, chélateur du calcium). Les schémas correspondants représentent les forces exercées sur les membranes plasmiques, et une microscopie spéculaire d'une cellule en cours de desquamation. b. Schématisation à l'échelle cellulaire et moléculaire.
Source: laboratoire BiiGC.
). Cette tension de surface permet d'obtenir l'organisation géométrique hexagonale ayant le rapport surface/périmètre maximal en comparaison à d'autres polygones, très similaire aux alvéoles hexagonales des rayons des abeilles domestiques dont la forme quasi parfaite est liée à la tension de surface de la cire qui les constitue [15]. Cette organisation « économique » contribue donc pleinement à la fonction de barrière endothéliale en limitant les voies de passage de l'eau depuis l'humeur aqueuse vers le stroma.
Les jonctions serrées des CE comportent des spécificités qui les différencient, par exemple des jonctions serrées de l'épithélium cornéen. Si ces dernières sont continues entre toutes les cellules superficielles et donc étanches à l'eau, celles des CE sont discontinues, laissant un micropassage libre à chaque jonction en Y entre trois CE (fig. 2-7 et 2-8
Fig. 2-7
Jonctions serrées intercellulaires marquées par une des protéines qui les composent, zonula occludens-1 (ZO-1).Comparaison entre épithélium et endothélium cornéen. Les jonctions sont linéaires et continues pour l'épithélium qui doit concilier étanchéité et desquamation rapide alors qu'elles sont plus complexes et discontinues côté endothélium qui concilie stabilité et perméabilité contrôlée.
Source: laboratoire BiiGC.
Fig. 2-8
a–c. Microscopie électronique à balayage des microvillosités (têtes de flèche rouges), des cils (têtes de flèche jaunes) et des interdigitations de la surface apicale des cellules endothéliales humaines.Le cercle jaune délimite une jonction en Y entre trois cellules laissant un passage.
Source: laboratoire BiiGC.
). Cela explique la majeure partie du passage transendothélial d'eau dans le modèle prévalent de pompe-fuite. De plus, à la différence d'autres épithéliums, le motif subcellulaire dessiné par la protéine intracellulaire ZO-1 n'est pas une simple ligne, mais s'organise en zigzag, témoignant de la présence de très fines interdigitations intercellulaires qui augmentent la surface de contact à la façon de queues d'aronde, et qui sont également visibles en microscopie électronique à balayage (MEB) [13]. Notons que le motif en zigzag peut être plus ou moins marqué et se modifier selon l'environnement des CE. Les interdigitations sont par exemple très limitées pour des DCE très élevées et sur des cornées fraîches, alors qu'elles sont très importantes après organoculture qui stresse les CE.
Par ailleurs, cette structure apicale tendue pourrait également assurer un rôle de protection des organites intracellulaires contre la pression intraoculaire pour éviter leur écrasement contre la MD.
Enfin, cette conformation 3D très spécifique, pour une cellule pourtant très plate mais très polarisée, explique bien les différentes morphologies endothéliales observables en fonction des techniques d'observation. Ainsi, la microscopie spéculaire, qui ne recueille que la lumière réfléchie à l'interface entre CE et humeur aqueuse, rend visibles tous les reliefs de la surface de l'endothélium qui modifient la direction dans laquelle la lumière incidente est réfléchie. Il existe, au niveau des jonctions intercellulaires, une légère dépression responsable de la formation d'une ligne plus sombre que le reste de la surface apicale. L'endothélium apparaît sous la forme d'une mosaïque polygonale régulière. En revanche, en lumière transmise, l'intégralité des jonctions intercellulaires contribue à former l'image. Sans préparation, les CE ne sont pas visibles. Après préparation osmotique, qui dilate les espaces intercellulaires et modifie l'indice optique autour des membranes latérales, les CE, dans un état apparenté à la plasmolyse, deviennent visibles. Comme ces espaces sont irréguliers, les images des contours le sont également.
La MEB montre que la surface apicale de la membrane plasmique n'est pas lisse et comporte des microvillosités et des cils primaires (voir fig. 2-8). Chez le lapin, la densité des microvillosités est d'environ 50 pour 100 μm2 , et 40 % de CE possèdent au moins un cil qui mesure environ 4,3 ± 1,9 μm [16]. Chez l'homme, la densité des microvillosités est de 10 à 40 par cellule et 50 % des CE ont au moins un cil de 2 à 7 μm de long. Certaines CE en possèdent 2 à 4 [17]. La base du cil exprime la γ tubuline qui est acétylée dans le corps de cils [18]. Leur fonction n'est pas clairement connue mais, par assimilation à d'autres épithéliums, il pourrait s'agir de capteurs d'osmolarité et de chimiocapteurs ; un rôle actif des cils dans l'orchestration de la morphogenèse coordonnée des CE pendant le développement et la cicatrisation a été suggéré [18].
La surface basale des CE est plus complexe à analyser. Le marquage des N-cadhérine de la membrane plasmique latérale met en évidence de très larges interdigitations au contact de la MD et la perte complète de la forme hexagonale (voir fig. 2-4 et 2-5). La microscopie électronique à transmission (MET) montre que l'interface entre les CE et la MD n'est pas complètement lisse au centre de la cornée (fig. 2-3d), mais comporte des nanomotifs de quelques dizaines de nanomètres de hauteur. À la différence des microsillions de quelques micromètres de haut visibles à la surface de la MD à la périphérie de cornée, ces nanoreliefs sont très peu visibles en MEB. La surface basale de CE adhérant directement sur la MD, ces nanoreliefs pourraient jouer un rôle dans l'adhésion cellulaire, mais les interactions moléculaires responsables de leur ancrage ne sont pas encore toutes élucidées. Les CE ne comportent pas de structure d'ancrage de type hémidesmosome, à la différence des cellules épithéliales basales. Des intégrines ont été identifiées dans les CE. Il s'agit de protéines membranaires constituées de sous-unités α et β impliquées dans l'adhésion entre cellules et membrane basale. Les sous-unités α2-4, αV, β1, β3 et β5 [19, 20] et les intégrines fonctionnelles αVβ5, α3β1 [13, 21] ont été mises en évidence à la surface basales des CE humaines. Les molécules de la matrice extracellulaire de la MD auxquelles elles se lient ne sont pas encore connues. Notons qu'une organisation spécifique formant un réseau fibreux sous les CE avait été mise en évidence en microscopie par génération de troisième harmonique (technique d'imagerie non linéaire utilisant un microscope équipé d'un laser femtoseconde) et pourrait correspondre à ces zones d'ancrage (ou zones d'adhésion focale) CE/MD [22].
Membrane de Descemet
La MD est la membrane basale de l'endothélium cornéen, et est un assemblage de protéines et de glycoprotéines sécrétées par les CE. Elle est composée de différents types de collagène (par ordre d'importance : IV, VIII, I, II, V, XII, V, III) et de TGFBI ( transforming growth factor beta-induced ou protéine induite par TGFβ) (tableau 2-2
Tableau 2-2
Quantification relative des protéines de la membrane de Descemet humaine. (D'après [23].)
ProtéinesSous-unité/groupe% par protéine% par famille
CollagèneChaîne α3 (IV)9,9 %40,4 %
Chaîne α2 (VIII)9,1 %
Chaîne α2 (I)8,1 %
Chaîne α1 (VIII)2,6 %
Chaîne α4 (IV)2,5 %
Chaîne α1 (II)1,9 %
Chaîne α5 (IV)1,5 %
Chaîne α1 (XII)0,9 %
Chaîne α2 (V)0,8 %
Chaîne α1 (IV)0,7 %
Chaîne α2 (IV)0,7 %
Chaîne α6 (IV)0,7 %
Chaîne α1 (III)0,7 %
Chaîne α3 (VI)0,3 %
TGFBI38,6 %
THSBTSB11,2 %2,0 %
TSB40,8 %
Fibrilline-11,6 %
Fibuline-51,3 %
LaminineSous-unité β11,0 %1,5 %
Sous-unité α50,3 %
Sous-unité γ10,2 %
Biglycane0,9 %
Perlécane0,6 %
SAP0,5 %
Kératocane0,4 %
Périostine0,3 %
EFEMP10,3 %
EMILIN-10,3 %
Nidogène-10,2 %
Argine0,2 %
EFEMP1:  ; EMILIN:  ; SAP:  ; TGFBI:  ; THSB: thrombospondine.
) [23]. La TGFBI agit comme médiateur de l'adhésion cellulaire en interagissant avec les principaux composants protéiques de la MD, y compris les collagènes [24]. La composition de la matrice extracellulaire évolue avec l'âge [25], et diffère entre les sujets normaux et pathologiques (principalement dystrophie de Fuchs et dystrophie bulleuse du pseudophaque) [20, 23], soulignant le lien entre la sénescence, les pathologies de la CE et la composition de la MD.
La structure de la MD diffère de celle d'une membrane basale épithéliale standard (comme celle de l'épithélium cornéen) qui comprend toujours trois couches parallèle en MET : la lamina lucida (couche de 40 nm apparaissant claire en MET) située immédiatement sous les cellules, la lamina densa (apparaissant dense en MET) et la lamina reticularis en continuité avec le tissu conjonctif sous-jacent. L'ensemble lamina lucida et lamina densa forme la lame basale sécrétée par les cellules épithéliales. La lamina reticularis est sécrétée par les cellules du tissu conjonctif. Pour l'épithélium cornéen, la lame basale fait le lien entre les cellules basales et la MB (équivalent de la lamina reticularis). Des hémidesmosomes assurent l'ancrage des cellules épithéliales basales à la MB via des structures d'ancrage qui traversent la lame basale. Dans l'endothélium cornéen, lame basale et hémidesmosome sont absents [19, 25].
L'épaisseur de la MD, d'environ 2 μm à la naissance, augmente de façon continue au cours de la vie pour atteindre 10 μm chez les personnes âgées [26]. En histologie, elle comporte deux feuillets. La partie antérieure, embryonnaire, est d'épaisseur constante après la naissance. La partie postérieure au contact des CE s'épaissit tout au long de la vie par accumulation des protéines synthétisées par les CE [9].
La MD a une résistance mécanique et biologique importante. Elle peut être (avec les CE) la seule structure à résister lors d'une nécrose du stroma aboutissant à la formation d'une descemetocèle au fond d'un ulcère dit alors « préperforatif » (collagénoses, rosacée, plus rarement kératites infectieuses). La MD résiste également bien à la dissection lamellaire profonde dite « prédescemétique » lors des deep lamellar anterior keratoplasties (DALK), pour peu qu'on évite de faire une amorce de rupture avec un outil contondant. Son module d'élasticité (module de Young) est 6,5 fois plus élevé que celui de la MB (50 ± 17,8 kPa [de 20 à 80] versus 7,5 ± 4,2 kPa sur 5 cornées différentes) et ses fibres de collagène sont plus serrées, délimitant des pores en moyenne de 38 nm versus 92 nm pour la Bowman [27, 28]. Par ailleurs, la MD contient un inhibiteur de métalloprotéase [23] et est imperméable aux grosses molécules comme les immunoglobulines (expliquant au passage qu'il est difficile de réaliser des immunomarquages du stroma en incubant les anticorps directement sur l'endothélium).
Une (des) population(s) de cellules qui varie(nt) entre la périphérie et le centre
Chez l'adulte, les CE et la MD ne sont pas uniformes sur toute la surface de l'endothélium : les caractères morphologiques (DCE et forme) et biologiques (marqueurs de différenciation et de sénescence, équipement enzymatique, capacités proliférative) des CE évoluent de la périphérie vers le centre.
Densité cellulaire endothéliale (DCE)
La plupart des études montrent que DCE est plus élevée en périphérie qu'au centre. L'importance de la différence entre les deux zones a été très diversement estimée selon les équipes : 4,5 % (2 704/2 586) [29], 9,6 % (3 165/2 907) [30], 20 % (3 125/2 602) [31], 30,7 % (3 632/2 778) [32], 31,5 % (3 696/2 811) [32] et 45 % (3 362/2 389) [33], mais les moyennes d'âges étaient variables, respectivement de 25, 29, 49, 61, 45 et 82 ans, et expliquent en partie les différences entre les résultats. La différence entre DCE centrale et périphérique paraît donc augmenter avec l'âge. Cependant, la méthodologie de comptage endothélial n'est pas uniformisée et, surtout, la définition de la zone périphérique n'est pas totalement consensuelle. En clinique, elle s'appuie souvent sur les zones observables en microscopie spéculaire non contact. Le centre est invariablement un petit disque de 1 ou 2 mm de diamètre. La véritable périphérie (les deux derniers millimètres) n'est jamais accessible avec les microscopes spéculaires non contact usuels et les zones dénommées périphériques par les industriels sont en fait des zones intermédiaires situées sur un anneau entre 2 et 4 mm du centre. Ce mode de comptage spéculaire non contact a été utilisé dans les deux études retrouvant les différences périphérie/centre les plus faibles [29, 30]. Pour les quatre autres, le comptage était plus robuste, reposant sur l'utilisation de colorants endothéliaux, sur des cornées ex vivo où la périphérie était complètement exposée. La périphérie était définie comme une bande étroite proche de la ligne de Schwalbe (ligne qui correspond à la terminaison de la MD).
Trois études in vivo récentes n'ont pas retrouvé de différence entre la périphérie et le centre à différents âges [ [34] [35] [36] ]. Par exemple, Tanaka et al. ont réalisé une vue panoramique horizontale de l'endothélium cornéen en utilisant une microscopie spéculaire contact moderne avec un champ large. Ils ont étudié trois groupes d'âge (20–40, 40–60, > 60 ans) et trois localisations différentes (centre, parapériphérie et périphérie jusqu'au limbe chirurgical). La différence de DCE entre les trois localisations à l'intérieur de chaque groupe est quasi nulle. La DCE périphérique des groupes de 40–60 ans et de plus de 60 ans est même légèrement plus basse que la DCE centrale de 1 % et 1,8 % [35].
Comment expliquer ces résultats discordants ? En utilisant la technique de montage à plat de cornées entières, nous avons visualisé l'intégralité des CE de très nombreuses cornées humaines, du centre aux limites périphériques de l'endothélium. Cette méthode permet d'analyser très finement les variations régionales à différentes échelles, de la cellule au tissu, et est très complémentaire des analyses plus classiques sur coupes transversales [37, 38]. L'endothélium peut ainsi être divisé en plusieurs zones successives : l'extrême périphérie est une bande d'environ 200 μm de large depuis la ligne de Schwalbe (ou zone de transition avec le trabéculum), caractérisée par la présence des corps de Hassall-Henle. La DCE ne peut d'ailleurs pas réellement être déterminée dans cette zone où les CE ne sont pas hexagonales et elle n'est bien entendu pas du tout accessible aux microscopes spéculaires même contact (car cachée par le limbe). La zone suivante est une étroite bande périphérique, constante, et irrégulière, en moyenne de 800 μm de largeur (350 à 1 500 μm), où la DCE est particulièrement élevée, 45 % (2 389/3 362) plus haute qu'au centre (fig. 2-9
Fig. 2-9
Différences régionales de densité cellulaire endothéliale (DCE) et de morphologie des noyaux cellulaires.a. Les membranes cellulaires d'une cornéefraîche (non conservée) d'un donneur de 35ans ont été marquées par anti-CD166. La DCE est très haute à l'extrême périphérie, puis diminue assez brutalement pour remonter légèrement un peu plus au centre. Les noyaux étaient colorés par Hoechst 33342. b. Avec un grossissement intermédiaire, l'organisation radiaire en colonne cellulaire est facilement visible. À plus fort grossissement, les noyaux n'ont pas la même forme entre la zone centrale et la zone périphérique.
Source: laboratoire BiiGC.
) [33]. Cette zone, qui représente entre 10 et 15 % de la surface endothéliale, est également très proche de l'angle iridocornéen et reste très difficile d'accès, même pour les dispositifs contact très performants (microscopes confocaux in vivo et spéculaire contact récent grand champ, comme celui utilisé par Tanaka et al. [35]). Dans cette zone périphérique, les noyaux de CE sont alignés en colonnes radiales et ont une forme allongée ou irrégulière (voir fig. 2-9) [39]. Notons enfin que la largeur de cette zone (que nous appellerons ci-après « zone radiaire ») est très variable entre individus et au sein d'une même cornée, et qu'elle peut facilement être modifiée par les traumatismes endothéliaux, tels qu'une incision de chirurgie de cataracte. De façon notable, il existe ensuite une seconde zone étroite de quelques centaines de micromètres qui comporte une DCE plus basse que la zone d'alignement radial, mais également légèrement plus basse que le centre (voir fig. 2-9). La DCE de cette zone étroite de basse DCE est 69 % (2 141/3 483) plus basse que la DCE la zone d'alignement radial [39]. Cette zone est potentiellement celle qui a été prise en compte pour déterminer la DCE périphérique dans ces trois études discordantes. De plus, avec le nouveau microscope spéculaire contact, l'acquisition des images s'effectue en déplaçant manuellement le cône d'aplanation sur la cornée du patient qui regarde droit devant. En plus de l'imprécision du positionnement (les variations régionales de DCE se font à l'échelle de la centaine de μm), on ne peut pas exclure une erreur de parallaxe lors de l'acquisition des images périphériques.
En synthèse, la DCE ne décroît donc pas de façon linéaire jusqu'au centre mais plutôt par paliers. La périphérie comporte constamment une zone à DCE très élevée, mais dont la surface varie d'un individu à l'autre. La différence entre périphérie et centre paraît s'accentuer avec le vieillissement.
Organisation tissulaire
La MD adulte est plus fine au centre (5–6 μm) qu'en périphérie (10–12 μm) [39], à l'exception de l'extrémité qui n'est pas abrupte mais s'affine en quelques micromètres (fig. 2-10
Fig. 2-10
Caractéristiques de la membrane de Descemet (MD) de la périphérie vers le centre.En haut, coupe histologique de la périphérie d'une cornée humaine. A, B, C et D correspondent à quatrezones situées respectivement à 0,15, 0,5, 1 et 5mm du bord de la MD. Les coupes histologiques (MD +cellules) et les vues de face en contraste de phase et en microscopie électronique à balayage (MEB) (MD nue, sans cellules) montrent l'évolution de la morphologie en fonction de la localisation. Les corps de Hassall-Henle sont présents seulement à l'extrême périphérie (A, astérisques jaunes) et sont en continuité avec structures linéaires moins en relief (B, astérisques rouges) délimitant des sillons radiaires. Ces structures se terminent par des micro-excroissances (C). Au centre (D), la MD est beaucoup plus lisse. T: trabéculum ; ZT: zone de transition.
Source: laboratoire BiiGC.
). La fin de la MD correspond à la ligne de Schwalbe visible en gonioscopie chez certains individus. La MD n'est pas en continuité directe avec une autre structure, même si des fibres issues du trabéculum semblent s'y rattacher, ce qui explique qu'il soit possible de peler la MB et le trabéculum en bloc. La MD présente différents motifs de surface, à différentes échelles de taille. Le centre et la majeure partie de la surface de la MD apparaissent lisses au microscope optique et en MEB, mais la MET met en évidence des nanomotifs (voir fig. 2-3d). Sa périphérie est également marquée par différents reliefs à l'échelle microscopique. L'extrême périphérie de la MD, dans une bande d'environ 200 μm [39], comporte deux structures caractéristiques : les corps de Hassall-Henle et les curly structures (structures bouclées) [40]. Les corps de Hassall-Henle sont de petites excroissances transparentes saillantes, constituées principalement de collagène. Leur diamètre varie de quelques micromètres à plus de 20 μm. Ils ressemblent aux « guttae » de la dystrophie de Fuchs, mais sont physiologiques et constants. Les curly structures , moins connues, sont composées d'un enchevêtrement de lignes tortueuses, bouclées, moins épaisses que les corps de Hassall-Henle (fig. 2-11
Fig. 2-11
Structures bouclées (SB) à l'extrême périphérie de la membrane de Descemet.La microscopie électronique à balayage (MEB) de la périphérie de la cornée débarrassée de ces cellules de surface met en évidence successivement le trabéculum (T), la zone de transition (TZ), la zone des SB et la zone des corps de Hassall-Henle (CHH). SB et CHH en vert sont constitutifs de la Descemet.
Source: laboratoire BiiGC.
). Ces deux structures sont associées au processus de vieillissement normal : leur nombre augmente avec l'âge. De façon notable, elles s'associent toujours à une distribution particulière de CE. Des amas (ou clusters ) de CE s'organisent en général autour d'un ou de deux corps de Hassall-Henle et peuvent être disposés en deux ou trois couches (voir fig. 2-10 et 2-13).
Dans la zone radiaire (voir ci-dessus), la morphologie des corps de Hassall-Henle se modifie nettement pour former des reliefs radiaires centripètes. Ces excroissances de matrice extracellulaire délimitent des sillons dans lesquels s'alignent les noyaux des CE, formant des colonnes cellulaires dirigées vers le centre. Cette organisation est plus ou moins marquée selon les individus et variable également au sein d'une même cornée sur 360°. Nous les avons retrouvés chez 68 % des donneurs âgés en moyenne de 84 ans. Leur longueur est variable et en moyenne de 827 μm (donc totalement inaccessibles à la microscopie spéculaire car trop périphérique). La DCE dans cette zone périphérique striée est très élevée (3 483 ± 558 cellules/mm2 ) soit 69 % plus élevée par rapport à la zone immédiatement adjacente plus centrale (2 147 ± 507 cellules/mm2 ) sur des cornées fraîches (voir fig. 2-9).
La morphologie nucléaire présente également des variations parallèles à celles de la MD. Les noyaux de CE sont presque tous parfaitement circulaires au centre, mais sont allongés à la périphérie, en particulier dans la zone radiaire des sillons descemétiques (voir fig. 2-9). La transition entre les deux est rapide, sur seulement quelques centaines de micromètres. D'une manière générale, la forme du noyau d'une cellule est régie par plusieurs paramètres dont l'organisation de son cytosquelette et sa fonction. Les changements dans la forme du noyau modifient sa rigidité, ce qui pourrait être bénéfique pour les cellules qui ont besoin de se faufiler dans des espaces restreints, mais préjudiciable pour les cellules qui sont sous l'influence de contraintes mécaniques. Par ailleurs, les changements de forme nucléaire entraînent une réorganisation de la chromatine et peuvent affecter l'expression des gènes [41]. Ainsi, les cellules migrantes ont le plus souvent un noyau allongé avec une direction préférentielle dans le sens du mouvement. Pour les espèces animales dont l'endothélium a de très grandes capacités prolifératives (lapins, porcins, bovins, rats ; voir chapitre 8 ), les noyaux des CE sont le plus souvent réniformes. À l'inverse, pour les espèces animales dont l'endothélium a perdu ses capacités prolifératives (primate non humain essentiellement), les noyaux des CE sont le plus souvent circulaires. Nous supposons que les CE périphériques sont plus mobiles que les CE centrales et n'expriment pas exactement les mêmes protéines.
Degré de différenciation, de sénescence et marqueurs de cellules souches
Les CE de l'extrême périphérie sont caractérisées par une perte partielle de différents marqueurs de différenciation usuels (Zo-1, Na+ /K+ -ATPase, actine et COXIV) [39] ; or, l'absence de différenciation est par définition un caractère fondamental des cellules souches. Par ailleurs, de plus en plus d'équipes décrivent la présence, dans cette zone périphérique, de marqueurs de cellules souches ou de progéniteurs. Nous avons par exemple montré qu'une partie de ces CE exprimaient nestine, télomérase et BCRP [39]. La présence d'autres marqueurs de cellule souche/progénitrice a également été rapportée à la zone de transition entre l'endothélium et le trabéculum [31, 42, 43]. LGR5 ( Leucine-rich repeat-containing   G-protein coupled receptor   5 ), un biomarqueur de cellules souches adultes, retrouvé à la périphérie de l'endothélium cornéen humain, doit être rajouté à cette liste [44].
En complément des immunomarquages, des tests fonctionnels comme les techniques de culture en 3D en milieu semi-solide (qui sélectionne les cellules souches capables de survivre et proliférer en formant des sphères sans adhérer à leur substrat, à la différence des CE mâtures et différenciées) ont permis de montrer que la périphérie de l'endothélium cornéen humain possèdent 4 fois plus de cellules couches/progénitrices en périphérie qu'au centre [45].
En rapport avec ces observations, les CE du centre de la cornée possèdent plus de caractères de sénescence qu'à la périphérie [46]. Cette sénescence n'est pas due au raccourcissement des télomères (donc, ce n'est pas une sénescence réplicative), mais une sénescence prématurée provoquée par le stress oxydant [47]. Les CE centrales reçoivent plus de lumière ultraviolette que celles de la périphérie cornéenne, protégées par les deux paupières en haut et en bas, et par la moindre transparence cornéenne périphérique sur 360° (qui s'accentue avec l'âge et le gérotoxon).
Capacités prolifératives in vivo et in vitro
In vivo, les CE humaines adultes n'ont pas de capacité proliférative suffisante pour avoir une traduction clinique, par exemple la cicatrisation d'une lésion endothéliale étendue, à la différence par exemple du lapin, capable de régénérer son endothélium en 5 jours après une lésion centrale détruisant 50 % de sa surface [48]. En revanche, cette conception n'exclut pas qu'il puisse persister une petite population de CE périphériques conservant une activité proliférative vestigiale (c'est-à-dire un vestige de l'embryogenèse).
La caractérisation des mécanismes moléculaires responsables de l'absence de prolifération massive est due principalement aux travaux de N. Joyce (Schepens Eye Research Institute, Boston, MA, États-Unis) dans les années 1990–2000. Le cycle cellulaire des CE humaines in vivo est arrêté en phase G1 par plusieurs inhibiteurs de protéines-kinases dépendantes des cyclines (CKI), P16, P21 et P27 [37, 49, 50]. Le TGF-β présent dans l'humeur aqueuse (2,3 à 8,1 ng/ml, principalement son isoforme TGF-β2) [51] peut être impliqué dans l'inhibition du cycle cellulaire [52, 53]. L'inhibition de contact [52, 54], l'effet inhibiteur de la MD [55] et la sénescence prématurée induite par le stress oxydant provoqué par l'exposition au UV [56] sont autant de facteurs identifiés comme contribuant à l'inhibition des mécanismes mitotiques dans les CE humaines.
Certaines CE peuvent cependant proliférer in vitro dans des conditions artificielles de culture. Après plus de 40 ans de tentatives de culture en masse, cette capacité est désormais exploitable pour produire la quantité de CE suffisante pour réaliser une thérapie cellulaire endothéliale [57]. En simplifiant à l'extrême, le principe repose sur le recueil du complexe endothélio-descémétique par pelage, la levée de l'inhibition de contact par digestion enzymatique de la Descemet et séparation des CE, la culture en présence de facteurs de croissance, l'utilisation d'un coating avec une matrice extracellulaire adaptée, la stimulation par des petites molécules intervenues dans la voie de signalisation impliquée dans la lutte contre sénescence, la prolifération, l'inhibition de l'apoptose, l'adhérence cellulaire, l'inhibition de la transition endothéliale mésenchymateuse (EndMT, correspondant à une dédifférenciation). La molécule la plus connue est l'inhibiteur de la voie ROCK (inhibiteur de Rho-kinase), Y-27632. Il existe deux stratégies en apparence distinctes : la stimulation de la prolifération des CE mâtures et celle de progéniteurs endothéliaux. Pour l'heure, seule la première stratégie a abouti à la clinique. Dans cette situation, les CE mâtures prolifèrent suffisamment longtemps (quatre ou cinq passages) sans devenir sénescentes.
Notons que d'autres stratégies utilisant l'immortalisation de CE humaines in vitro par la transfection d'un oncogène viral simien (SV40LT) [58] a permis d'obtenir deux lignées pures de CE humaines bien caractérisées, B4G12 et H9C1 [59]. Ces lignes cellulaires peuvent être utilisées comme modèle de laboratoire, mais sans possibilité d'utilisation clinique. De même, certaines cultures de CE donnent spontanément des clones fortement prolifératifs sans dédifférenciation (sans EndMT), mais se comportent comme des cellules immortalisées [6061].
Deux autres facteurs influencent de façon importante les capacités prolifératives résiduelles des CE : l'âge et la localisation centrale ou périphérique des CE. Les CE provenant de donneurs jeunes sont plus faciles à faire proliférer in vitro sans dédifférenciation [62], et jusqu'à présent seules les CE de donneurs de moins de 35 ans ont été utilisées pour les essais de thérapie cellulaire endothéliale au Japon [57, 63]. Les CE provenant de la périphérie de la cornée possèdent une capacité proliférative supérieure à celles du centre [64, 65]. Cette différence, plus marquée chez les personne âgées [66], est due à la senescence induite par le stress oxydant [46, 47]. Cette différence de capacité proliférative peut également s'expliquer par le nombre plus important de progéniteurs dans la périphérie [45].
Cicatrisation d'une lésion ponctuelle
La mosaïque endothéliale parfaite est composée de petites cellules hexagonales presque identiques. L'endothélium des enfants est ainsi exemplaire. Chez l'adulte, les variations de taille (polymégéthisme) et de forme (polymorphisme) sont plus importantes et s'accentuent avec l'âge [67]. Pour former une barrière efficace à la diffusion d'eau dans le stroma, l'endothélium doit être continu, sans solution de continuité. Aussi, lorsqu'un défect local survient après la mort spontanée d'une CE qui desquame, l'espace laissé libre sur la MD est rapidement comblé par migration et élargissement des CE voisines, altérant localement la régularité de la mosaïque (fig. 2-12
Fig. 2-12
Réparation endothéliale par migration et élargissement.a. Différents aspects apicaux (ZO-1) in vivo des cellules endothéliales illustrant les différentes formes en réponse à l'exfoliation d'une cellule morte. Images obtenues par immunomarquage de boutons cornéens issus du bloc opératoire avec fixation immédiate. a1. Hexagonalité parfaite chez un sujet jeune (kératocône). a2. Mort cellulaire isolée au centre de l'image. a3. Reformation des jonctions serrées. a4. Polymégatisme après stabilisation. b. La cicatrisation mobilise d'abord les faces latérales et basales des cellules. b1. Les cytoplasmes des cellules voisines marqués ici par COXIV, marqueur mitochondrial, comblent le défect avant la reformation des jonctions serrées ZO-1 et avant même la desquamation de la cellule morte. b2. Même phénomène révélé en marquant le cytoplasme avec la vimentine. b3. Le marquage des tubulines, hautement dynamiques, indique parfaitement la mobilisation cytoplasmique pour combler le défect endothélial. c. Schématisation du phénomène.
Source: laboratoire BiiGC.
). La disparition d'une ou de plusieurs CE libère les jonctions serrées sur un côté des cellules voisines dont la membrane basolatérale se mobilise pour recouvrir la MD. Les jonctions serrées sont rétablies quand ces cellules entrent en contact. La forme polyédrique de la surface apicale est restaurée lorsqu'un réseau contractile d'actomyosine apicale est rétabli et tend à nouveau la membrane plasmique. La répétition de cette séquence à chaque mort cellulaire lors du vieillissement explique l'augmentation progressive du polymorphisme et du polymégéthisme.
Modèle d'homéostasie de l'endothélium cornéen adulte
Les observations à différentes échelles (anatomiques, histologiques, cellulaires et subcellulaires) décrites ci-dessus sont un faisceau d'arguments en faveur de l'existence d'une prolifération endothéliale très lente et continue en périphérie de l'endothélium cornéen humain : gradient de DCE et de sénescence, morphologie des CE, marqueurs de différenciation, sillons descemétiques centripètes, capacités de culture in vitro. La description de cas de cicatrisations endothéliales après large descemétorhexis accidentel au cours de chirurgies de la cataracte constitue un argument de plus pour des phénomènes associant migration et prolifération chez certaines personnes et pas chez d'autres (par définition, les cas de non-cicatrisation ne sont pas rapportés !). Enfin, le traitement efficace de cas de dystrophies endothéliales cornéennes de Fuchs par micro-descemétorhexis seul ( descemetorhexis only [DRO], descemetorhexis without endothelial keratoplasty [DWEK]), lorsqu'il existe une réserve endothéliale périphérique suffisante et documentée, pourrait concerner des patients ayant une capacité proliférative périphérique supérieure à d'autres. Dans cette situation, les petites molécules destinées à stimuler la migration et la prolifération (inhibiteur de Rho-kinase) pourraient avoir une efficacité variable selon les patients.
L'existence d'une population de véritables cellules souches endothéliales reste cependant hypothétique. Une des caractéristiques importantes des cellules souches est leur autorenouvellement infini par rapport aux progéniteurs et leur maintien dans un micro-environnement très spécifique, appelé niche. Cette niche n'a pas été formellement identifiée dans l'endothélium. Les clusters de CE non différenciés autour des corps de Hassall-Henle sont les seules structures pouvant correspondre à des amas de progéniteurs. Nous y avons identifié de rares cellules en division sur des cornées ayant un délai post mortem particulièrement court [39].
En réunissant toutes ces hypothèses, nous proposons le modèle d'homéostasie endothéliale suivant pour l'adulte (fig. 2-13
Fig. 2-13
Synthèse du modèle d'homéostasie de l'endothélium cornéen adulte.a. Prolifération périphérique continue de rares cellules. a1. Cluster de cellules disposées autour des corps de Hassall-Henle. a2. Prolifération spontanée (Ki67+) au sein de ces clusters. a3. Cluster vu en coupe (2–3couches cellulaires). b. Vue de face de la zone périphérique (marquage des noyaux par Hoechst). Avec clusters de cellules autour des corps de Hassall-Henle, suivi de la zone radiaire de migration puis de l'endothélium stabilisé. c. Schématisation du modèle. Les astérisques jaunes indiquent certains corps de Hassall-Henle. T: trabéculum ; ZT: zone de transition.
Source: laboratoire BiiGC.
) : une sous-population de CE progénitrices ou souches résident à l'extrême périphérie de l'endothélium sur 360°, distribuées de façon plus ou moins régulière. Elles se divisent de façon asymétrique, s'autorenouvellent et donnent également naissance à des CE immatures qui migrent très lentement vers le centre. Durant environ 1 mm de migration, elles sécrètent plus de collagène, expliquant la surépaisseur descemétique périphérique (corps de Hassall-Henle et sillons radiaires), et déposent du collagène sur les bords, telles les moraines latérales des glaciers, expliquant la formation des sillons radiaires. La vitesse de migration est trop lente et la zone concernée trop périphérique pour que le phénomène soit observable avec les microscopes spéculaires. Les CE « butent » ensuite rapidement sur une population centrale très stable et s'accumulent, expliquant la DCE périphérique plus élevée, le caractère moins sénescent des CE de cette zone et la constitution d'une réserve périphérique disponible en cas de lésion centrale de taille modérée. Le centre de l'endothélium est donc une zone très stable, capable de contrôler la transparence de l'axe optique sans variation.
Dans ce modèle, la perte physiologique des CE centrales, à un rythme très lent et concernant des CE isolées, est compensée par migration et élargissement des cellules voisines, car la perte d'un hexagone isolé ne déstabilise pas l'ensemble de la mosaïque et ne provoque qu'une perturbation locale et donc une résolution locale. La sollicitation de la réserve périphérique est négligeable dans ce cas. Elle ne l'est que très lentement par la répétition dans le temps d'événements isolés, expliquant la décroissance globale du pool de CE mais un rythme très lent de baisse de la DCE.
Ce modèle est également compatible avec l'histoire naturelle des dystrophies bulleuses secondaires aux implants de chambre antérieure à appui angulaire qui détruisent une partie des progéniteurs et rompent un équilibre fragile. La cornée reste transparente tant que les CE centrales survivent mais ne sont plus remplacées par la réserve périphérique, qui est incapable de se renouveler ou est elle-même partiellement lésée. La DCE décroît jusqu'à franchir le seuil de décompensation. Il est probable que le rythme de la mort cellulaire centrale soit accéléré par rapport à la normale à cause de phénomènes inflammatoires à bas bruit (rupture chronique de la barrière hémato-oculaire), mais cela n'a jamais été démontré formellement.
Le modèle reste également compatible avec l'absence de régénération que nous constatons en routine, sauf exception, après une lésion aiguë dépassant les capacités de division des progéniteurs. De plus, il est très probable que la réparation endothéliale nécessite un environnement favorable, qui peut disparaître rapidement en cas d'inflammation, d'œdème chronique, ou de persistance de l'agression endothéliale.
L'existence d'une variabilité interindividuelle dans le nombre de ces progéniteurs et dans leur capacité proliférative pourrait expliquer des DCE centrales différentes et des capacités de cicatrisation différentes.
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