Chapitre 15
Conférence de consensus de Rome 2015 sur la réadaptation visuelle

P. -Y. Robert , C. Meyniel , M. Gauthier, B. Bodaghi , G. Challe – Pour la délégation européenne à la conférence de consensus de Rome 2015

La conférence WHO-ICC de Rome

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a adopté en 2013, à travers sa résolution WHA66.4, un plan d’action international intitulé : « Universal Eye Health : a global action plan 2014–2019 ». Ce plan d’action est le premier à mettre en avant la nécessité de faire une place importante à la réadaptation dans la filière visuelle.

Afin de répondre aux demandes d’États membres sur la mise en Œuvre de ce plan d’action, l’OMS a initié en 2014 un processus de rédaction de recommandations en matière de réadaptation visuelle, qui s’est conclu par la réunion à Rome du 9 au 12 décembre 2015 d’une conférence de consensus avec plus de 60 délégués du monde entier.

La coordination des travaux a été assurée par un comité scientifique. Un coordonnateur a été désigné pour chacune des six grandes régions de l’OMS (Amériques, Afrique, Asie, Côte pacifique, Moyen-Orient et Europe), et chaque région a envoyé 10 délégués pour participer aux débats.

Le cahier des charges était de définir, pour les trois niveaux de prise en charge (primaire, secondaire et tertiaire), en matière de services (what ?), d’équipement (how ?), de personnel (who ?) et de lieux (where ?) :

  • les standards minimaux de prise en charge, sans lesquels on ne peut pas qualifier la prise en charge de « professionnelle » (what we need to have);

  • les standards optimaux de prise en charge, c’est-à-dire la qualité de service vers laquelle on doit tendre (what would be nice to have).

État des lieux

Les débats ont été l’occasion d’un état des lieux à l’échelle mondiale.

  • Le premier constat a été une grande hétérogénéité dans l’accès aux soins, d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre, et à l’intérieur d’un même pays, qui amène désormais à ne pas raisonner en termes de « pays à faible revenu » (low income countries), mais en « contextes à faible revenu » (low income settings) : l’accès aux soins peut être par exemple de bien meilleure qualité dans un grand centre indien que dans la banlieue de New York.

  • Le deuxième constat a été un manque d’harmonisation des compétences et des qualifications professionnelles d’un pays à l’autre : les compétences allouées à un « optician », un « orthoptist » ou un « optometrist » peuvent varier du tout au tout à l’échelle mondiale.

  • Le troisième constat a été un manque global d’harmonisation nationale ou supranationale dans les prises en charge, l’évaluation et les programmes d’enseignement. L’absence de données, de modèles, de recommandations a été rapportée par tous à l’échelle mondiale.

  • Le quatrième constat a été l’obstacle financier : les techniques et matériels de réadaptation sont de plus en plus sophistiqués, et l’accès aux soins (équipement et transports notamment) sont partout un obstacle déterminant pour les patients à faibles revenus.

  • Enfin, tous ont rapporté le manque d’intérêt intellectuel et financier des professionnels médicaux et non médicaux, des organismes sociaux et des États pour la réadaptation visuelle, et le manque de connaissance des patients et du grand public sur les potentialités de la réadaptation visuelle.

Recommandations pratiques
  • Les recommandations issues de la conférence WHO-ICC 2015 ne sont pas encore publiées. Le Tableau. 15-1 donne une indication sur l’esprit des débats, en attendant le texte officiel.

  • Les centres éligibles à être reconnus comme centres de soins primaires pour déficients visuels peuvent être les centres de santé, les dispensaires, les écoles ou les professionnels isolés; comme centres secondaires, des hôpitaux de proximité, les centres de santé, les services d’ophtalmologie, ou les centres de réadaptation; et comme centres de soins tertiaires, les structures de recours nationales ou transnationales.

  • Les professionnels recommandés pour animer ces structures sont définis par la capacité d’effectuer les tâches définies.

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Tableau. 15-1 Standards minimaux et optimaux définissant une qualité professionnelle de prise en charge des déficients visuels à l’échelle mondiale, dans les centres de soins primaires, secondaires et tertiaires, ssus des débats de la conférence WHO-ICC 2015*.

* Ce tableau n’est qu’indicatif, en attendant le texte officiel des recommandations OMS.

Conclusion

La conférence de consensus de Rome 2015 constitue une avancée majeure dans la reconnaissance et le développement des techniques multidisciplinaires de réadaptation visuelle à l’échelle mondiale. Il faut se féliciter que l’OMS soit à l’initiative de cette dynamique. Espérons maintenant que les États membres sauront se saisir de ces recommandations pour lever des clés de financement et favoriser le développement de la réadaptation visuelle partout dans le monde.