Chapitre 9Base et développement de la binocularité

C. Speeg-Schatz

image

Fig. 9-1 Horoptère, ou cercle de Vieth-Müller.

L’horoptère est le lieu géométrique des points stimulant des points rétiniens correspondants.

F et F’, points correspondants ; P et P’, également points correspondants.

Qu’est-ce que la vision binoculaire ? Qu’est-ce que la correspondance motrice et sensorielle (ou rétinienne) des deux yeux qu’elle implique (selon Hering)1 ?

Sur la base de la vision simultanée, la fusion est l’élément clef de la vision binoculaire. Elle résulte du réflexe psycho-optique qui intègre les informations séparées et disparates (du fait de la différence de parallaxe) des deux yeux en une seule image de l’environnement.

La coopération binoculaire, classiquement classée en trois degrés selon Worth, est fondée :

  • sur la perception simultanée des images ;

  • et, à partir de celle-ci, sur la fusion des images (moyennant l’amplitude de vergence fusionnelle) ;

  • et sur la vision stéréoscopique.

La perception simultanée normale permet la localisation d’un objet dans une seule et même direction à partir des deux images rétiniennes.

La fusion est la capacité d’ajuster les mouvements oculaires de façon à constamment diriger les deux fovéolas sur l’objet fixé, par exemple en convergeant sur un objet qui se rapproche, et d’intégrer les images droite et gauche, vues simultanément, en une seule image : la fusion est donc à la fois motrice et sensorielle.

La vision stéréoscopique est la capacité d’avoir, en même temps, une perception tridimensionnelle de l’espace.

Pour qu’un sujet ait une vision binoculaire normale :

  • ses yeux doivent avoir un bon développement visuel avec isoacuité ;

  • leur fovéola doit avoir la même direction visuelle principale ;

  • leurs axes visuels doivent être alignés ;

  • ses yeux doivent focaliser sur le même objet en même temps (fig. 9-1).

Pour maintenir l’alignement, les six muscles oculomoteurs des deux yeux doivent fonctionner de manière coordonnée, le centre de cette coordination étant cérébral.

Il convient de distinguer la fusion au niveau de la rétine périphérique et au niveau de la rétine centrale ; les images périphériques peuvent être fusionnées même lorsqu’il existe de petites différences de contours ; les images rétiniennes centrales doivent être de contours identiques (à la différence de parallaxe près) pour être fusionnées au niveau cortical (la fovéola ayant 0,3 mm soit 1,0° de diamètre, la fovéa anatomique, plus étendue, 1,5 mm de diamètre). Il en est de même pour la luminosité et la couleur : la rétine périphérique peut fusionner des images de brillance ou de couleurs différentes, la rétine centrale nécessite une brillance et une couleur identiques pour que les deux images puissent être fusionnées, sous peine de rivalité rétinienne.

Comme les fovéolas, les éléments rétiniens périphériques ou champs récepteurs des deux yeux, correspondant anatomiquement (par exemple, ceux de l’hémirétine temporale droite et de l’hémirétine nasale gauche) ont une direction visuelle commune : la correspondance rétinienne est alors normale et permet l’intégration en une perception mentale unique de deux images rétiniennes.