Prévention des accidents thrombo-emboliques en obstétrique - 02/06/12
La Société française d’anesthésie-réanimation a en 2005 revu les indications de la prophylaxie de la maladie thrombo-embolique veineuse en obstétrique.
Incidence naturelle des événements thrombo-emboliquesAu cours de la grossesse et en post-partum
La fréquence de la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) en obstétrique est difficile à déterminer et les incidences suggérées ci-dessous restent sujettes à caution. En France, on recense 5 à 10 décès maternels par an (6 à 12/ 1 000 000 naissances) liés à une embolie pulmonaire et, dans un tiers des cas, les soins sont non optimaux.
L’incidence globale de la MTEV en obstétrique semble avoir diminué au cours des dernières décennies. Les études récentes suggèrent globalement une incidence inférieure ou égale à 1/1 000. Les thromboses veineuses profondes (TVP) surviennent plutôt en pré-partum alors que la période du post-partum est plutôt associée à la survenue d’embolie pulmonaire. En cours de grossesse, la survenue prédominante de la MTEV pendant le troisième trimestre est incertaine, plusieurs travaux indiquant une répartition homogène au cours des trois trimestres, d’autres encore suggérant une incidence supérieure en début de grossesse. Les TVP des membres inférieurs surviennent environ six à sept fois plus souvent à gauche qu’à droite.
Après césarienne
Globalement, la césarienne multiplie le risque de survenue de MTEV par un facteur de 2 à 5. La césarienne élective représente cependant une intervention à faible risque thrombo-embolique.
Facteurs de risque et classification en niveaux de risqueLa grossesse représente par elle-même un facteur de risque de telle sorte que le risque de MTEV en obstétrique est cinq fois plus important que dans la population générale.
Facteurs individuels antérieurs à la grossesse
De nombreux facteurs de risque cliniques ou biologiques ont été identifiés selon des méthodologies ayant une validité très variable et exercent un rôle aggravant mineur (âge, tabagisme, obésité, groupe sanguin non-O), important (antécédent cardiaque) ou imprécis (antécédents de phlébite superficielle).
Les antécédents personnels de MTEV augmentent le risque de récidive avec une incidence d’événements cliniques estimés entre 0 et 20 %. De même, des antécédents familiaux de MTEV augmenteraient le risque dans une proportion similaire. Cette incidence très variable pourrait être influencée par au moins deux facteurs intriqués : l’existence d’anomalies biologiques thrombophiliques et le caractère temporaire (ou non) de la présence d’un facteur de risque lors d’un premier événement thrombo-embolique. Il est admis qu’en cas de présence d’un facteur temporaire de risque thrombo-embolique lors de l’épisode antérieur, le risque de récidive est moins important qu’en présence d’un facteur de risque permanent.
Les relations entre la thrombophilie constitutionnelle ou acquise et la grossesse ont donné lieu à une conférence de consensus française récente. Schématiquement, la prévalence de la MTEV et l’excès de risques associés à ces pathologies constitutionnelles sont résumés dans les tableaux ci-dessous.
Thrombophilies biologiques identifiées, incidence et risque de thrombose veineuse profonde.Facteurs de risquePrévalence dans la population générale (%)Prévalence chez les patientes ayant thrombosé (%)Risque relatifDéficit en antithrombine0,01 à 0,021 à 325 à 80Déficit hétérozygote en protéine C0,2 à 0,53 à 223 à 10Déficit hétérozygote en protéine S0,14 à 0,8*5 à 8*7Facteur V Leiden hétérozygote**2 à 930 à 603 à 8Mutation 20210A hétérozygote de la prothrombine**2 à 34 à 61,2 à 4*L’incidence du déficit en protéine S est difficile à établir en raison des discordances entre les méthodes de dosage.**Il existe peu de données concernant la forme homozygote de ces deux mutations.
Facteurs de risque Prévalence dans la population générale (%) Prévalence chez les patientes ayant thrombosé (%) Risque relatif Déficit en antithrombine 0,01 à 0,02 1 à 3 25 à 80 Déficit hétérozygote en protéine C 0,2 à 0,5 3 à 22 3 à 10 Déficit hétérozygote en protéine S 0,14 à 0,8* 5 à 8* 7 Facteur V Leiden hétérozygote** 2 à 9 30 à 60 3 à 8 Mutation 20210A hétérozygote de la prothrombine** 2 à 3 4 à 6 1,2 à 4 [*]
L’incidence du déficit en protéine S est difficile à établir en raison des discordances entre les méthodes de dosage.
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Il existe peu de données concernant la forme homozygote de ces deux mutations.
Catégories de risque de MTEV maternelle au cours de la grossesse et du post-partum, et après césarienne (modifié à partir de la conférence de consensus «Thrombophilie et grossesse 2003»).Risque majeur–Antécédent de MTEV multiples–Patientes traitées au long cours par anticoagulants avant la grossesse pour un épisode de MTEV en rapport avec une thrombophilieRisque élevé–Antécédent de MTEV, sans facteur de risque retrouvé–Antécédent de MTEV associé à l’un des facteurs biologiques de risque suivants : •déficit en AT*, SAPL*•mutation homozygote isolée 20210A ou facteur V Leiden•anomalies hétérozygotes combinées* (surtout mutation 20210A + Leiden hétérozygote)–Antécédent de MTEV lors d’une grossesse antérieure ou au cours d’un traitement œstrogéniqueRisque modéré–Antécédent de MTEV, avec facteur déclenchant temporaire lors de l’épisode antérieur–Antécédent de MTEV avec facteur biologique de risque (autre que ceux cités ci-dessus)–Présence d’un des facteurs biologiques de risque, asymptomatique et dépisté dans le cadre d’une MTEV familiale, surtout si : •déficit en AT*, SAPL*•mutation homozygote isolée 20210A ou facteur V Leiden•anomalies hétérozygotes combinées* (surtout mutation 20210A + Leiden hétérozygote)–Césarienne en urgence–Césarienne et chirurgie pelvienne majeure associée–Présence de trois ou plus facteurs de risque faibleRisque faible–Aucun facteur de risque–Ou présence de moins de trois facteurs suivants : •âge >35 ans, obésité (IMC >30 ou poids >80 kg), varices, HTA•facteurs obstétricaux : césarienne, multiparité >4, pré-éclampsie, alitement strict prolongé, hémorragie du post-partum, etc.)•maladie thrombogène sous-jacente (syndrome néphrotique, MICI en poussée, infection intercurrente systémique, etc.)IMC : indice de masse corporelle; MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin.*Pour les formes asymptomatiques de SAPL et de déficit en antithrombine, l’évaluation du risque est établie au cas par cas selon notamment l’importance des antécédents familiaux.
Risque majeur Risque élevé Risque modéré Risque faible
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Pour les formes asymptomatiques de SAPL et de déficit en antithrombine, l’évaluation du risque est établie au cas par cas selon notamment l’importance des antécédents familiaux.
IMC : indice de masse corporelle; MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin.
La mutation homozygote MTHFR n’est pas associée à un risque significatif de MTEV en cours de grossesse, notamment en cas de supplémentation en acide folique.
Parmi les déficits acquis, le plus fréquent est le syndrome des anticorps antiphospholipides (SAPL) dont la prévalence est de l’ordre de 0,5 à 1/1 000. Le risque relatif de MTEV maternelle est élevé, probablement proche de celui associé au déficit en antithrombine et justifie une attitude thérapeutique similaire.
Facteurs liés à la grossesse
Le rôle de ces facteurs (parité, grossesses multiples, immobilisation stricte, pré-éclampsie, suppression de la lactation en post-partum, thrombocytose post-césarienne, hémorragie/anémie et transfusion) est diversement apprécié, suggérant un risque faible.
Les séries n’ont pas montré de relation entre la survenue de MTEV obstétricale et le taux de D-dimères ou de complexes thrombine-antithrombine.
Quelle est l’efficacité et quels sont les risques des stratégies de prévention?Moyens mécaniques
Bas de contention. Ils peuvent être employés seuls dans les groupes à risque faible et en association en cas de risque plus élevé (grade D).
Filtres caves temporaires. Ils ont été proposés en cours de grossesse en cas de thrombose veineuse profonde avec contre-indication aux anticoagulants ou de thrombose étendue récente à haut risque emboligène en péripartum (grade D).
Héparine non fractionnée (HNF) et héparines de bas poids moléculaire (HBPM)
Peu d’études ont comparé HNF et HBPM et suggèrent une efficacité identique (niveau 2). L’HNF ne passe pas la barrière placentaire et peut donc être utilisée à tous les termes de la grossesse (niveau 2). Les HBPM qui ont été étudiées (daltéparine et énoxaparine) ne traversent pas la barrière placentaire aux deuxième et troisième trimestres et n’augmentent pas le risque de malformations ou d’hémorragie néonatale (niveau 2). L’HNF et les HBPM ne modifient pas le cours de la grossesse et la fréquence accrue de prématurité semble plutôt liée au terrain sur lequel elles sont prescrites (niveau 2). Les accidents hémorragiques maternels sont plus fréquents qu’en l’absence de traitement (niveau 2) et l’HNF semble plus fréquemment responsable d’hémorragie que les HBPM (niveau 3). De même, le risque d’ostéoporose associé à un traitement prolongé est plus fréquent et plus sévère lors d’un traitement par HNF lors d’études comparatives avec les HBPM (niveau 2). Au cours de la grossesse, l’incidence de la thrombopénie induite par héparine (TIH) serait plus élevée avec l’HNF (niveau 2) et le risque serait inférieur à 1 % avec les HBPM (niveau 4). La posologie des HBPM doit être adaptée au poids et/ou à l’activité anti-Xa (grade D).
Anti-vitamine K (AVK)
Ils passent la barrière placentaire et produisent une embryopathie typique lorsqu’ils sont administrés entre 6 et 12 semaines d’aménorrhée (niveau 2). Un risque hémorragique fœtal accru existe lorsque les AVK sont utilisées plus tardivement au cours de la grossesse (niveau 2) (RPC – SFAR 2005). La warfarine ne passe pas dans le lait maternel et peut être utilisée en post-partum (niveau 2). Le risque hémorragique maternel est également accru (niveau 2).
Fondaparinux et ximélagatran
Il n’existe aucune étude clinique ayant documenté l’emploi de ces molécules en obstétrique. Cependant, le fondaparinux ne traverse pas la barrière placentaire selon une étude expérimentale (niveau 4).
Quand et combien de temps ces stratégies prophylactiques doivent-elles être prescrites?Les indications et les durées de traitement sont décrites dans le tableau en fonction des situations cliniques et des niveaux de risque (grade D). Toutes ces recommandations sont basées sur de faibles niveaux de preuve (niveau 4).
Pendant la grossessePost-partum et après césarienneRisque faiblePas de traitement anticoagulant pendant la grossessePas de traitement anticoagulant systématique en post-partumBATRisque modéréPas de traitement anticoagulant systématique pendant la grossesseBATTraitement préventif par HBPM à dose forte (énoxaparine 4 000 UI/j ou daltéparine 5 000 UI/j) pendant 6 à 8 semaines. La dose peut être réduite et la durée peut être plus courte lorsque le risque est moins important (ex : césarienne en urgence sans autre facteur de risque associé : énoxaparine 20 mg ou daltéparine 2 500 U pendant 7–14 jours)BATRisque élevéTraitement préventif à forte dose (énoxaparine 4 000 UI/j ou daltéparine 5 000 UI/j) ou à dose intermédiaire (énoxaparine 4 000 UI deux fois par jour ou daltéparine 5 000 UI deux fois par jour au troisième trimestre, voire tout au long de la grossesse*BATTraitement préventif à forte dose(énoxaparine 4 000 UI/j ou daltéparine 5 000 UI/j) pendant 6 à 8 semaines après l’accouchementBATRisque majeurTraitement curatif par :HNF au premier trimestre, puis par HBPM (ajusté sur le poids ) + BATou à l’anti-Xa aux deuxième et troisième trimestres+BATAVK durant 3 mois au minimumBATBAT : bas antithrombose.*En cas de SAPL symptomatique, il est souvent recommandé d’associer un traitement par faible dose d’aspirine pendant la grossesse.
Pendant la grossesse Post-partum et après césarienne Risque faible Pas de traitement anticoagulant pendant la grossesse Risque modéré Risque élevé Risque majeur
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En cas de SAPL symptomatique, il est souvent recommandé d’associer un traitement par faible dose d’aspirine pendant la grossesse.
BAT : bas antithrombose.
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