Notre civilisation est marquée par un souci de transparence qui n’est pas sans incidence sur les pratiques cliniques, particulièrement dans le domaine des soins palliatifs. La médicalisation et la psychologisation de la mort conduisent à une extériorisation du corps du patient sous le regard de l’expert ainsi qu’à une demande à ce que le patient parle de sa mort. Au moment où la vie se dérobe, il est parfois attendu du patient qu’il livre le plus intime de lui-même. Quid de la pudeur dans ce contexte ? Il s’agit ici d’éclairer les enjeux de l’acte clinique du psychologue en soins palliatifs au regard de l’intime et du seuil de la pudeur. À cet égard, la doctrine psychanalytique propose un éclairage de ces notions en ce qui concerne leur portée ontologique, leur usage ainsi que les conditions précises d’apparition de la pudeur. S’en déduit une orientation éthique concernant l’acte du psychologue : en tant qu’elle vient voiler le réel, la pudeur peut se révéler essentielle à produire ; quant à l’intime, comme territoire du sujet, il nécessite ombre et opacité. Prenant appui sur un cas clinique, ce texte montre également que l’acte du psychologue ne peut se réduire à faire parler le patient, mais qu’il s’appuie plutôt sur une présence de corps, le réel du corps du clinicien.

Our civilization is marked by transparency issues that affect clinical practice, particularly in the field of palliative care. Medicalisation and psychologizing of death lead to an externalisation of the patient’s body under the expert’s eye, as well as a proposal made to the patient to talk about their death. As their life slips away, sometimes the patients are expected to reveal their very privacy. What about decency then? Our intent is to clarify the issues of the psychologist’s clinical act in palliative care with regard to privacy and the threshold of decency. The psychoanalytical doctrine casts new light on these notions concerning their ontological scope, their use, as well as the particular conditions for the sense of decency to appear. Hence an ethical orientation relating to the psychologist’s act: as it is used to conceal reality, decency can be essential to produce; as the subject’s area, privacy requires darkness and opacity. Using a specific clinical case, this text also shows that the psychologist’s act cannot be reduced to letting the patient talk but instead relies on bodily presence, the reality of the clinician’s body.