Cas d’intoxications mortelles par du séné dans une fratrie - 29/04/23
Riassunto |
Objectifs |
Nous rapportons les décès concomitants d’un frère et d’une sœur, sans étiologie déterminée, survenus dans un contexte d’usage de séné (Cassia syn Senna sp.) documenté par des analyses toxicologiques. Un homme de 25 ans s’effondre sans plainte, brutalement, lors d’une visioconférence. Malgré l’intervention rapide des secours, cet arrêt cardiaque n’est finalement pas récupéré et son décès est prononcé quelques heures plus tard. Face à ce décès brutal d’un homme jeune, une autopsie médico-légale est réalisée. Quarante-huit heures plus tard, sa sœur de 27 ans présente des convulsions à domicile. Admise en réanimation à la suite d’un arrêt cardiaque, elle décède 3jours plus tard d’un engagement cérébral. L’autopsie scientifique est refusée par la famille. Des prélèvements réalisés lors des prises en charge (frère : sang et urine ; sœur : sang, urine et selles), des prélèvements autopsiques (frère) et un échantillon de feuilles consommées en infusion par les deux victimes sont adressés au laboratoire.
Méthode |
Après échantillonnage et broyage, l’échantillon de feuilles a été soumis à des criblages toxicologiques larges par CL-SM/SM et CL-SMHR dont les bibliothèques spectrales incluent un certain nombre de phytotoxiques [Gish A. et al. Toxicon 2022;210:39–43]. Les mêmes méthodes de criblage, ainsi qu’un criblage élémentaire par ICP-MS, ont été appliquées aux échantillons biologiques des deux victimes. Ces analyses ont été complétées par des recherches spécifiques par CL-SM/SM et CL-SMHR suite aux études in vitro du métabolisme du sennoside A [microsomes hépatiques humains (HLM) et bactéries (E. coli)].
Résultats |
Plusieurs dérivés d’anthraquinones ont été détectés dans l’échantillon de feuilles (sennosides A/B et C/D, certains de leurs métabolites (rheine-anthrone, rheine, rhein-8-glucoside), chrysophanol, astragaline, kaempherol, torachrysone-8-glucoside, et isorhamnetine). Cette composition, associée à l’aspect macroscopique de cet échantillon, confirme qu’il s’agit de feuilles de séné non adultérées, sans pouvoir en préciser l’espèce. Au-delà de résultats toxicologiques en lien avec la prise en charge médicale, l’analyse des échantillons biologiques ne révèle que de la rheine-anthrone et déoxyrheine-anthrone (urine et bile du frère, urine et selles de la sœur) et du chrysophanol (urine du frère et selles de la sœur), objectivant la consommation de séné.
Conclusion |
Le séné est une plante médicinale utilisée depuis plusieurs siècles comme laxatif. Très efficace et réputé sans danger, il peut cependant entraîner des effets indésirables et possède de nombreuses contre-indications et interactions avec des médicaments. Les données relatives à la toxicité du séné concernent pour l’essentiel des données animales (expérimentales ou cas d’intoxication) avec une grande variabilité inter-espèces. Chez l’homme, les intoxications sont associées à des troubles du rythme cardiaque (dus à la perte de potassium), des atteintes hépatiques, voire multivicérales (hépatique, musculaire et cérébrale) [Philips C. et al., WJH 2021;12(9):574–595]. Seule une intoxication est biologiquement objectivée dans la littérature. Le mécanisme d’action toxique est peu documenté, mais certains auteurs suggèrent le rôle de métabolites probablement actifs, issus pour certains du métabolisme microbiotique. Le bilan d’admission post-arrêt cardiorespiratoire de la sœur montrait un potassium à 3mmol/L (VR : 3,5–5,0) et des activités des transaminases augmentées (ASAT 575 et ALAT 223 UI/L). Son bilan étiologique exhaustif (toxicologique, infectiologique, immunologique, imagerie) et ses antécédents n’expliquent pas son décès. L’autopsie du frère ne rapporte aucun élément probant à l’exception d’une légère hypertrophie cardiaque à prédominance gauche. À cette date, les résultats d’anatomopathologie ne sont pas connus. En l’absence d’étiologie franche, la synchronicité et la similitude des tableaux cliniques sont en faveur d’une possible origine toxique des décès ; le toxique incriminé n’étant pas environnemental (reste de la famille et proches non touchés). La prise de séné demeure une hypothèse étiologique possible, avec une sévérité inhabituelle ayant pu être favorisée par un usage chronique et/ou une prédisposition familiale (génétique, microbiote ?).
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Vol 35 - N° 2S
P. S30-S31 - Maggio 2023 Ritorno al numeroBenvenuto su EM|consulte, il riferimento dei professionisti della salute.