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Interroger et s’interroger - 15/11/17

Doi : 10.1016/j.revmed.2016.10.184 
S. Robin 1, , D. Guellec 2, A. Saraux 2, V. Devauchelle 2, S. Jousse Joulin 2, D. Tandé 3, L. Misery 4, J. Mansourati 5, L. De Saint Martin 1
1 Médecine interne, CHRU de la Cavale-Blanche, Brest, France 
2 Rhumatologie, CHRU de la Cavale-Blanche, Brest, France 
3 Bactériologie, CHRU de la Cavale-Blanche, Brest, France 
4 Dermatologie, CHRU de la Cavale-Blanche, Brest, France 
5 Cardiologie, CHRU de la Cavale-Blanche, Brest, France 

Auteur correspondant.

Riassunto

Introduction

L’oligoarthrite est une atteinte inflammatoire de 2 ou 3 articulations. Elle a de nombreuses étiologies qu’il faut s’acharner, à l’aide de l’anamnèse, de la clinique, des examens paracliniques, à rechercher, gage d’un traitement étiologique adapté. Nous rapportons ici une étiologie exceptionnelle d’oligoarthrite associée à une éruption cutanée.

Observation

Monsieur T., éducateur canin de 50 ans, consulte pour fièvre depuis 72heures associée à une douleur du coude gauche depuis 24heures. Ses comorbidités sont une silicose, un asthme, des lombalgies chroniques, une gonarthrose bilatérale traitées par formotérol, montélukast, ébastine, budésonide, sulfate de terbutaline. L’examen retrouve une fièvre à 40°C, une arthrite du coude gauche et du genou droit mais ni souffle cardiaque, ni lésion cutanée. Le lendemain, il présentera trois lésions d’érythème annulaire centrifuge. Devant cette oligoarthrite aiguë fébrile associée à un syndrome inflammatoire biologique avec une hyperleucocytose et l’absence de signes radiographiques notables, nous réalisons un bilan étiologique. L’analyse du liquide articulaire du coude retrouve un liquide inflammatoire avec une prédominance de PNN, sans microcristaux ni germe à l’examen direct et à la culture avec une PCR ARN 16S négative. Les sérologies : Campylobacter, Yersinia pseutobuberculosis et Y. enterocolitica, Chlamydia trachomatis et C. pneumoniae, Mycoplasma pneumoniae, Francisella tularensis, Treponema pallidum, Borrelia burgdorferi, VIH, parvovirus B19, hepatitis B et C virus reviennent négatives. De même que les marqueurs de rhumatisme inflammatoire (AAN positifs au 1/320e mouchetés sans spécificité, anti-CCP, FR et ANCA négatifs). L’origine iatrogène est écartée. C’est après 7jours de culture qu’une des cinq hémocultures revient positive à Capnocytophaga canimorsus. Cette infection est traitée par céftriaxone (2g IV/jour, 7jours) puis lévofloxacine (500mg×2/jour per os 4 semaines) avec efficacité. Le patient ne présente pas de facteur majeur d’immunodépression. Seul un diabète a été découvert, mais il a une exposition professionnelle patente avec notion de léchage de plaies du visage par ses chiens.

Discussion

C. canimorsus est un Bacille gram négatif [1] à culture lente [1]. Difficile à identifier [1], on peut dorénavant s’aider de la PCR universelle [1] ou de la spectrométrie de masse. Contrairement aux autres Capnocytophaga d’origine bucco-dentaire et fréquemment opportunistes, C. canimorsus est un germe commensal de la gueule du chien mais aussi du chat et du lapin qui se transmet par morsure, griffure et autres contacts [1]. Son traitement repose sur une antibiothérapie notamment par pénicilline. T. Butler a recensé 484 cas dans sa revue de la littérature en 2015 [1], il s’agit en général d’hommes [1] de plus de 50 ans [1] en contact avec des chiens ou des chats [1], présentant comme autres facteurs de risque une splénectomie [1] ou une asplénie fonctionnelle [1] et/ou une consommation excessive d’alcool [1]. Cependant, la plupart des cas décrits sont survenus chez des patients apparemment en bonne santé [1]. L’infection par C. canimorsus associe des symptômes variés, dominés toutefois par le sepsis et la méningite [1], et se place dorénavant juste derrière Pasteurella multocida pour les infections après morsure de chien et Streptococcus pneumoniae pour le sepsis chez les splénectomisés [1]. Par contre, l’atteinte rhumatologique reste exceptionnelle : une spondylodiscite chez un homme de 54 ans [2], une bi-arthrite des genoux chez un homme de 59 ans à distance d’une arthroplastie [5], une mono-arthrite du genou avec exanthème chez un homme de 59 ans après arthroplastie [4] et une mono-arthrite de la première métatarso-phalangienne chez un homme de 67 ans [3]. Chez tous [5, 2, 3, 4], un contact avec un chien a été retrouvé. Cette observation a été l’occasion de recenser sur les 15 dernières années les infections à C. canimorsus diagnostiquées dans notre CHRU soit 5 cas : une endocardite avec purpura, deux plaies infectées, une spondylodiscite et l’oligoarthrite avec érythème annulaire centrifuge. Chez quatre, un contact avec un chien a été retrouvé et chez un, un contact avec un chat. Trois patients présentaient un diabète et un était splénectomisé.

Conclusion

Nous rapportons ici une cause inhabituelle d’oligoarthrite avec éruption cutanée sous la forme d’érythèmes annulaires centrifuges. Il s’agit de l’expression clinique rare d’une bactériémie à C. canimorsus, chez un patient en bonne santé apparente mais ayant une exposition patente. Cette observation rappelle la nécessité d’un bilan exhaustif des oligoarthrites incluant la PCR16S sur le liquide de ponction, la pratique d’hémocultures systématiques sur milieu performant cultivées au moins 7jours.

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