Le concept d’injustice épistémique (epistemic injustice) a été introduit par la philosophe Miranda Fricker (2007) pour signifier un type d’inégalité qui se manifeste dans l’accès, la reconnaissance, et la production des savoirs. Appliqué et développé dans de nombreux domaines de l’épistémologie sociale, y compris dans le domaine de la santé, le concept peut contribuer à la réflexion sur la décision partagée. Dans la relation médecin-patient, ce concept a permis de montrer le préjudice qu’un patient subit dans certaines situations et qui l’empêche de participer pleinement en tant qu’acteur dans une consultation. Nous commençons cet article avec un résumé du sens et de l’usage du concept et de ses applications dans le soin. Nous discutons ensuite des limites de l’utilisation dudit concept, sans pour autant nier son pouvoir d’innovation. Enfin, nous présentons plusieurs suggestions sur la manière dont les soignants et leurs institutions peuvent évoluer vers des formes améliorées de justice épistémique, notamment en pratiquant l’humilité épistémique, le travail interdisciplinaire et une représentation plus équitable des patients dans la recherche et dans les politiques publiques.

The concept of epistemic injustice was introduced by the philosopher Miranda Fricker to mean something done wrong in a person's capacity as a knower. Developed and applied in numerous fields of social epistemology, including in healthcare, the concept can contribute to a reflection on shared decision making. In the doctor-patient relationship, it has showed how a criterion of prejudice can be attributed to patients in certain situations, preventing them to fully participate as equal partners. We will start the article with a review of the concept and how it has been applied to healthcare. We then discuss its limitations for healthcare, even though we do not negate its innovation. Finally, we will present several suggestions of how healthcare providers and their institutions can evolve toward greater epistemic justices, in particular by praticising epistemic humility, interdisciplinary work, and a more equitable representation of patients in healthcare policy and in research.