Responsabilité de l’expert judiciaire dans un dossier impliquant un résultat positif dans les cheveux chez un enfant de 32 mois. Quelles interprétations et quelles conséquences ? - 20/11/20
Resumen |
Objectifs |
Présenter la stratégie d’interprétation des résultats d’analyse de cheveux, dans une expertise judiciaire où le magistrat s’interroge sur la sécurité d’un très jeune enfant. Il est largement décrit, dans la littérature scientifique, que les cheveux des enfants, plus fins et plus poreux que ceux des adultes, sont extrêmement propices aux contaminations externes, en particulier par contact avec des objets pollués (literie, vaisselle, meubles, …). Ainsi, même si le magistrat demande une interprétation pour qu’il puisse évaluer la sécurité d’un enfant, il est très difficile, voire impossible (dans certaines circonstances), à partir d’une simple analyse de cheveux, de discriminer une administration volontaire par les parents ou un tiers, d’une contamination par l’environnement. Nous rapportons le cas d’un jeune enfant, habitant initialement avec sa mère, atteinte de troubles psychiatriques et traitée par propranolol et quétiapine, et son père, sans emploi et parfois violent. Au vue de cette situation familiale, l’enfant a été placé en maison d’accueil pour assurer sa protection. Après trois mois de placement, il a été envisagé de rendre l’enfant à ses parents. En parallèle, une mèche de cheveux de l’enfant (12cm, blond) a été envoyée au laboratoire afin de rechercher la présence éventuelle de xénobiotiques auxquels il aurait pu être exposé à domicile dans les mois précédant. La mission étant particulièrement complexe, et le dossier clinico-biologique vide, il a été immédiatement conseillé au magistrat de faire procéder à un prélèvement de cheveux chez la mère. Ce prélèvement (20cm, brun) a été reçu quelques jours plus tard.
Méthode |
Un système UPLC-MS/MS (Xevo TQD) a été utilisé après extraction liquide-liquide des cheveux, à pH 9,5. La linéarité de la réponse a été vérifiée entre 10 et 10000pg/mg, et la limite de quantification a été fixée à 10pg/mg pour les 3 molécules. Selon la demande du magistrat, la même segmentation a été réalisée chez l’enfant et sa mère, soit 12×1cm.
Résultats |
Dans un premier temps, l’analyse de la mèche de cheveux de la mère a révélé la présence de propranolol (entre 6028 et 10284pg/mg), de quétiapine (entre 910 et 4576pg/mg) et de norquétiapine (entre 1116 et 6956pg/mg), dans les 12 segments, avec un profil de concentrations caractéristique d’une consommation régulière des deux molécules. Chez l’enfant, il a été observé la présence de propranolol (entre 15 et 72pg/mg) et de quétiapine (entre 10 et 18pg/mg) dans les segments de 3 à 12cm, avec une augmentation totalement linéaire de la partie proche de la racine vers l’extrémité. La signification toxicologique de ces résultats est difficile à établir puisque aucune donnée ni étude contrôlée sur ce sujet existe dans la littérature. Cependant, au regard des concentrations faibles de propranolol et de quétiapine dans les cheveux de l’enfant, du profil de concentration, de l’absence d’observation clinique (pas de consultation médicale) ou biologique (pas de dosage), et malgré les problématiques liées à l’interprétation des cheveux, l’expert judiciaire a interprété ces résultats comme étant très en faveur d’une contamination passive par l’environnement (literie souillée par la sueur maternelle), et non pas d’une administration volontaire par les parents.
Conclusion |
Même si l’expert a un rôle uniquement technique dans une expertise judiciaire, ses résultats peuvent avoir des conséquences majeures, notamment chez les enfants, ce qui implique une interprétation très complexe, associant plusieurs facteurs : mécanisme d’incorporation des xénobiotiques dans les cheveux, particularité des cheveux des jeunes enfants, données de la littérature, examen du dossier clinico-biologique et responsabilité de l’expert.
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Vol 32 - N° 4S
P. S29-S30 - décembre 2020 Regresar al númeroBienvenido a EM-consulte, la referencia de los profesionales de la salud.