Le recours aux médiations dans les soins psychiques proposés aux enfants, d’abord considéré comme un moyen de suppléer ou soutenir une expression verbale trop balbutiante pour répondre aux exigences de la talking cure, tend à s’imposer comme une alternative dont on découvre des effets psychothérapiques inattendus, voire inespérés. Des pratiques diverses se sont ainsi multipliées, souvent sur des bases empiriques, à l’initiative de soignants s’appuyant sur une compétence, un goût, une passion mis au service de leurs jeunes patients. Force est alors de reconnaître qu’une certaine « alchimie » s’opère autour du « matériau » utilisé et que la créativité ainsi partagée facilite une rencontre intersubjective, voire une relance des processus de pensée. Le constat a posteriori d’un relâchement des symptômes, d’un mieux-être, ou d’une ouverture relationnelle encourage naturellement les équipes soignantes à innover, à oser mettre en place des ateliers suffisamment diversifiés pour répondre aux aspirations latentes des enfants et mieux s’ajuster à leurs contraintes de fonctionnement. Or quel que soit le souci de bien décrire le cadre et le contenu de ces ateliers, de les inscrire dans le dispositif institutionnel, de réfléchir soigneusement aux bonnes indications, quels que soient les essais de codification voire de protocolisation, l’essentiel semble se jouer ailleurs, dans l’accueil de l’imprévu, le hasard des rencontres, la tonalité des échanges, la circulation des émotions, les ressorts de l’humour, la valorisation des trouvailles… Il est bien difficile, même dans l’après-coup, de rendre compte de ces « petits riens qui changent tout ». Les tentatives d’articulation théoriques se sont pourtant multipliées ces dernières années et de nombreuses publications récentes tentent de mieux cerner le concept de médiation pour avancer quelques hypothèses sur ce « thérapeutique par surcroît », qui peut ainsi se manifester dans un cadre bien différent de celui de la « cure type ». Le bénéfice tiré de l’usage de médiations groupales en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent incite pareillement à qualifier les spécificités de cette dynamique de groupe qui s’installe et qui contribue aux progrès de chacun, sans pourtant faire l’objet d’un travail d’élucidation ou d’interprétation des fantasmes sous-jacents, comme c’est la règle dans les groupes thérapeutiques. Malgré toutes ces zones d’ombre, les indications sont indéniablement de plus en plus larges et pourraient témoigner d’un recul des psychothérapies d’inspiration analytique lié, à la raréfaction des organisations névrotiques au profit d’une inflation des pathologies limites et narcissiques, se prêtant mal, surtout à l’adolescence, à un dispositif thérapeutique en face à face. Dans un tel contexte, « poser l’indication » d’un soin avec médiations pourrait ne plus se faire par défaut, faute d’un abord possible de la conflictualité interne, mais dans la perspective winnicottienne de créer une aire de jeu partagée, un espace intersubjectif propre à soutenir le processus de subjectivation. La malléabilité et la solidité qui sont quelques unes des qualités « maternelles » requises pour les soignants engagés dans une telle entreprise ne peuvent se prescrire doctement, mais ne sauraient se déployer sans la référence à des instances de régulation, de réflexion et de soutien institués.

First seen as a way to sustain an insufficient verbal expression to meet the requirements of talking therapies, mediated therapies are tending to become an unexpected effective psychotherapeutic alternative. Various practices have increased. They are often developed on empirical basis by caregivers, who commit themselves at the service of their young patients. They do it with passion, according to their taste and field of competence. This kind of alchemy operates through the material used in the therapy. Thus, this shared creativity seems to ease an intersubjective meeting or even a revival of thought processes. A relaxation of the symptoms, a well-being and a relational openness are often assessed afterwards. This, obviously, encourages caregivers to innovate and to dare to set up tailored action. These must be diverse enough to meet children's latent expectations and to better adjust to their operating constraints. In the last years, many publications tried to understand the concept of mediated therapies and to hypothesize about what is “therapeutic in addition,” despite not in the typical cure framework. Group mediated therapies in child and adolescent psychiatry show a benefit. It invites to interest to group dynamics that contribute to everybody's progress. But whatever the will to describe precisely the framework and content of workshops, to settle them in the institutional set-up and to establish precisely the indications for them, whatever the attempts to formalisation, the essential role is played by all these “little nothings that change everything”: openness to the unattended, chance encounters, atmosphere of the talks, humour, the way emotion spreads and circulates, and the way achievement is taken into account. In spite of all these shadows, indications keep growing. This could testify fewer neurotic organizations and an increase of limit and narcissistic pathologies, which can’t stand especially in adolescence in face-to-face therapy. In such a context, mediated therapies could be indicated to create a Winnicott inspired shared play field, an intersubjective space able to sustain the subjectification process. Maternal qualities such as malleability and solidity cannot be eruditely prescribed but must be found among those involved caregivers and need to refer to the regulatory institutional supporting and thinking bodies.