Si la quête de beauté obsède l’humanité depuis plus de 100 000ans, cette aspiration universelle n’est que le socle d’une grande diversité des canons et des gestes de beauté. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer la quête du beau en Grèce antique, qui a marqué l’esthétique occidentale, avec les cultures esthétiques profondément originales qui émergent en Asie.

À l’opposé du kanon grec imposant des proportions strictes, le corps des cultures asiatiques n’est pas réduit à son anatomie mais perçu comme relié à son environnement et traversé par des flux qui assurent la vie. La beauté, la santé et le bien-être y sont indissociables. Cette esthétique découle d’une vision du monde issue de la synthèse des pensées taoïste, shintoïste, confucéenne et bouddhique.

D’où l’importance des perceptions, de la découverte sensuelle de soi et des pratiques de soin du corps. Dans cet autre rapport entre le matériel et le spirituel, entre le manifeste et le caché, la grâce l’emporte sur l’intérêt pour la belle forme. Cette vision introspective de la beauté, liée au ressenti, coexiste paradoxalement avec un idéal d’artificialisation très exigeant. Ainsi, en Chine, la codification des apparences joue un rôle si important dans l’organisation sociale qu’elle est définie par des lois : les lois somptuaires. Homme ou femme, épouse ou concubine, guerrier ou lettré, chacun observe un code associé à son statut qui régit son apparence. Rigoureusement codifiée, la beauté est aussi très changeante. Coiffures, parures, maquillage, vêtements et silhouettes… les métamorphoses des apparences rythment les mutations politiques. Quelques traits cependant traversent le temps et résistent aux modes, comme le teint lisse et blanc, une préférence pour la douceur et le velouté de la peau ou encore une approche holistique où se confondent quête de beauté et de bien-être…

Ces références communes ne doivent pas occulter les expressions de la singularité et les affirmations de la différence entre les pays asiatiques, voire à l’intérieur d’un même pays lorsqu’il est aussi vaste que la Chine. La culture n’est jamais un état, mais un processus toujours inachevé, un parcours. À l’heure de la globalisation, l’accélération des échanges fabrique autant de ponts, de mimétismes et de rapprochements que de distances et d’exacerbations identitaires. Ces cultures sont agitées par des forces contraires, entre l’attrait pour l’ailleurs et le retour vers la tradition et les stratégies identitaires.

Y a-t-il un regard spécifiquement chinois, japonais, coréen… sur les canons de beauté, le vieillissement, le genre ? Quel est l’idéal de la belle silhouette et de la belle peau ? Quelle est la demande de produits et d’interventions pour atteindre cet idéal ? Va-t-on vers une convergence de la demande au niveau mondial ou persiste-t-il une spécificité dans les attentes des patients en médecine esthétique ?