Ischémie aiguë d’un membre inférieur chez un patient traité par anticorps monoclonal anti-PD1 pour un mélanome métastasique - 20/05/15
Résumé |
Introduction |
La prise en charge du mélanome métastatique vit actuellement une révolution thérapeutique avec le développement et les succès de l’immunomodulation, notamment les anticorps anti-CTLA4 et anti programmed cell death 1 (PD-1), dont l’engagement dans le mélanome inactive les lymphocytes T. Mais ces stratégies, stimulant l’immunité adaptative, ont vu apparaître une nouvelle classe d’effets indésirables appelés immune-related adverse events (irAE), incluant des hypohysites, des thyroïdites, des éruptions cutanées, des colites auto-immunes et des hépatites auto-immunes. Nous rapportons un cas de thrombose artérielle au cours d’un traitement par anticorps anti-PD1 (pembrolizumab) (MK-3475).
Observation |
Un homme de 73ans, avec un antécédent d’hypertension artérielle, de thrombose veineuse profonde surale droite 30ans avant lors d’un voyage prolongé et de mélanome du scalp stade IV métastatique cutané, ganglionnaire, osseux et hépatique, était hospitalisé pour une ischémie aiguë du membre inférieur gauche et une acidocétose diabétique. En l’absence de mutation BRAFV600, un traitement par pembrolizumab était initié dans le cadre d’un essai thérapeutique de phase II avec une bonne réponse clinique à 4 mois. Quatre jours avant la 8e perfusion, il consultait pour un pied gauche douloureux, cyanosé et froid. Il existait une abolition des pouls pédieux et tibial postérieur gauches et des micronodules de perméation cutanés. Les examens biologiques étaient : hyperleucocytose (23g/L) à polynucléaires neutrophiles (19g/L) ; plaquettes 211g/L, CRP 37,1mg/L, fibrinogène 6,3g/L, hémostase normale, recherche d’anticorps anticardiolipides, anticorps anti-béta2GP1 et anticoagulant circulant négative ; antithrombine III normale, bilan infectieux négatif, rhabdomyolyse (CPK à 4467 UI/L (N<170)) et créatininémie 150μmol/L. Sur le plan du diabète, acidose métabolique à trou anionique augmenté, HbA1C 8,5 % et les anticorps anti-pancréas étaient négatifs.
L’angioscanner retrouvait un thrombus artériel flottant de l’aorte sous rénale (12×5mm), sans plaque athéromateuse en regard ou en distalité, associé à une thrombose artérielle du tronc tibio-fibulaire gauche jusqu’à l’artère tibiale antérieure gauche. Les autres axes vasculaires étaient indemnes d’athérome pariétal, de plaque calcifiée ou d’anévrysme. L’échocardiographie cardiaque transthoracique était normale. Une embolectomie à la sonde de Fogarty associée à une anticoagulation permettait de récupérer une vascularisation. L’examen anatomopathologique du caillot retrouvait un thrombus fibrino-leucocytaire et cruotique sans élément suspect. Un contrôle vasculaire par écho-doppler artériel réalisé à 3mois révélait la disparition totale du thrombus. Cependant, l’évolution nécrotique distale en dépit d’un traitement médical par iloprost et anticoagulation, conduisait à une amputation trans-phalangienne des 4 premiers orteils gauches. La réévaluation clinico-morphologique du mélanome à 12mois après l’arrêt de l’anti-PD-1 (non repris), révélait une stabilité des lésions sans récidive thrombotique. Le diabète était équilibré sans retentissement macro- ou micro-angiopathique sous insuline.
Conclusion |
La survenue d’une thrombose associée à un cancer est un événement classique et multifactoriel lié à un état d’hypercoagulabilité, à la dénutrition, à l’alitement et à la chimiothérapie. Dans une étude rétrospective française, ce risque a été évalué à 25,2 % au cours du mélanome de stade IV [1 ]. La présence de métastases cérébrales, absente dans ce cas, était retrouvée comme facteur de risque de survenue d’une thrombose. Cependant, aucun événement artériel n’a jamais été rapporté dans la littérature. Il s’agit donc de la première description de thrombose artérielle au cours d’un mélanome, dont les étiologies habituelles ont été éliminées, à savoir l’absence de cardiopathie emboligène, d’athérosclérose, d’anévrysme aortique ou poplité et de thrombophilie acquise. Par ailleurs, devant la réponse clinico-radiologique sous pembrolizumab, l’absence de cellules néoplasiques dans le thrombus et l’apparition d’un diabète secondaire séronégatif insulinodépendant, évocateur d’un possible irAE, nous avons évoqué une origine iatrogène chez notre patient.
Un risque thrombotique n’a pas été mis en évidence lors d’essais de phase I/II avec les anticorps anti-PD1, mais un effet pro-inflammatoire et pro-athérogène était rapporté dans un modèle murin [2 ]. Ainsi, l’utilisation prochaine plus importante de cette nouvelle classe thérapeutique nécessitera de surveiller ce risque, surtout en cas d’antécédent personnel thrombotique.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Plan
Vol 36 - N° S1
P. A76-A77 - juin 2015 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L’accès au texte intégral de cet article nécessite un abonnement.
Déjà abonné à cette revue ?