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Myocardite éosinophilique avec défaillance multiviscérale dans le cadre d’un DRESS : premier cas dû à la Lamotrigine® - 02/12/14

Doi : 10.1016/j.revmed.2014.10.180 
E. Rubenstein 1, D. Cerutti 1, , L. Halbronn 1, C. Girard 2, J.C. Macia 3, A. Guilhem 1, P. Guilpain 1, A. Le Quellec 1
1 Service de médecine interne, 80, avenue Augustin-Fliche, Montpellier 
2 Service de dermatologie, 80, avenue Augustin-Fliche, Montpellier 
3 Service de cardiologie, 37, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, Montpellier 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

Le drug reaction with eosinophilia and systemic symptoms (DRESS) est une réaction d’hypersensibilité rare mais létale (10 % des cas), survenant 2 à 6semaines suivant une prise médicamenteuse [1]. Il se définit par une éruption cutanée, une éosinophilie1,5G/L ou la présence de lymphocytes activés et une atteinte systémique (adénopathies, hépatite, myocardite, néphropathie, pneumopathie interstitielle) [1]. Nous rapportons le cas d’une rechute de DRESS avec défaillance multi-viscérale sur myocardite à éosinophiles au sevrage de la corticothérapie, 7semaines après l’arrêt d’un traitement causal par Lamotrigine®.

Observation

Une patiente de 46ans, sans antécédents, s’automédique le 22 mars 2014 par Lamotrigine® 25mg/j pour un supposé trouble bipolaire. Le 7 avril survient un rash maculo-papuleux et la Lamotrigine® est interrompue. Le 18 avril, une érythrodermie maculo-papuleuse desquamative, fébrile à 39°C et des adénopathies cervicales et inguinales sont constatées. La CRP est à 33,8mg/L, la créatinine est normale mais les transaminases sont à 9 fois la normale, la phosphatase alcaline à 4 fois la normale. La formule sanguine détecte une hyper-éosinophilie à 1,76G/L et des lymphocytes activés à 0,89G/L. Les critères d’imputabilité intrinsèque et extrinsèque font évoquer un DRESS à la Lamotrigine®, confirmé par la biopsie cutanée : péricapillarite lymphocytaire et à éosinophiles. Des dermocorticoïdes et de la prednisone à 0,5mg/kg/j permettent rapidement une bonne évolution clinicobiologique et sont sevrés le 12 mai. Le 26 juin, en dehors de toute réintroduction de Lamotrigine®, surviennent une récidive cutanée, une défaillance multi-viscérale avec choc cardiogénique et hépatite fulminante conduisant la patiente en réanimation. L’ECG révèle des troubles de la repolarisation diffus. La troponine est à 900ng/L, le NT-proBNP à 7459ng/L, les lactates à 7mmol/L. Les transaminases sont à 50 fois la normale, le TP à 39 %, le facteur V à 43 %, la CRP à 29,7mg/L, les éosinophiles à 0,55G/L. Alors que la fraction d’éjection ventriculaire est conservée à l’échocardiographie, cette dernière montre une infiltration bi-ventriculaire avec hypertrophie ventriculaire gauche. La défaillance cardiaque est attribuée à une dysfonction diastolique confirmée par cathétérisme cardiaque droit : débit cardiaque effondré (2,6L/min), adiastolie sans aspect de péricardite chronique constrictive. La coronarographie est normale. Les biopsies myocardiques, en faveur d’une myocardite nécrosante à éosinophiles, confirment la rechute du DRESS. Les recherches d’un diagnostic alternatif sont négatives : tests sérologiques, ANCA, clonalité T et B, mutations FIP1L1, JAK2, BCR-ABL, parasitologie des selles, myélogramme, scanner thoraco-abdomino-pelvien. Des réactivations virales sont décelées par sérologies et PCR pour EBV (524copies/mL), CMV (664copies/mL) et HHV-6 (3230copies/mL). Combinés aux soins de support ventilatoires et à une assistance circulatoire extracorporelle (ECMO), trois bolus de 1g de méthylprednisolone puis une corticothérapie orale à 1mg/kg/j permettent une amélioration spectaculaire. La patiente est transférée en médecine le 8 juillet. Sous corticothérapie, l’évolution est émaillée de rechutes cutanées et pancréatiques (pancréatite aiguë Balthazar A), résolutives. Le 16 septembre, sous 40mg/j de prednisone, la patiente est toujours asymptomatique.

Discussion

Le DRESS est une urgence diagnostique et thérapeutique. Bien que les anti-épileptiques en soient classiquement inducteurs [1], cette observation est à notre connaissance la première rapportant une myocardite éosinophilique à la Lamotrigine® [3]. Même en absence de réintroduction du médicament causal, des poussées de DRESS de sévérité variable peuvent survenir plusieurs mois après l’épisode initial [3]. Les mécanismes physiopathologiques, mal élucidés, font intervenir une hyper-activation du système immunitaire [1]. Le sevrage rapide de la corticothérapie a probablement contribué à la rechute du DRESS, mais les réactivations virales dont HHV-6 peuvent y avoir participé, comme celà a été décrit [1]. Des antiviraux et des immunoglobulines polyvalentes, discutés devant un pronostic vital engagé [2], ont été récusés devant l’évolution favorable sous corticothérapie. L’absence de consensus et le risque de pérenniser le DRESS par de nouveaux traitements nous ont incités à poursuivre la prise en charge initiale.

Conclusion

Le DRESS est une urgence pouvant engager le pronostic vital. Le risque de récidive malgré l’arrêt des médicaments inducteurs doit inciter à la prudence dans la décroissance de la corticothérapie et à la surveillance étroite des patients.

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