La pratique de l’analgésie péridurale obstétricale est généralisée en France, avec un taux parmi les plus élevés des pays occidentaux. Dans ce contexte, une attention particulière doit porter sur le respect du souhait des femmes, tout au long de l’accouchement. Nos objectifs étaient 1) d’estimer la proportion de femmes qui ne souhaitaient pas de péridurale initialement et d’en décrire les caractéristiques et 2) d’estimer, parmi ces femmes, la proportion de celles qui ont finalement eu une péridurale et de rechercher les facteurs associés à cette discordance entre souhait initial et pratique finale.

L’étude a porté sur un échantillon représentatif des naissances en France en 2010, issu de la dernière enquête nationale périnatale ; 7299 femmes ayant accouché par voie basse et à bas risque de césarienne ont été sélectionnées (exclusion des grossesses multiples, utérus cicatriciels, sièges, déclenchements). Les femmes étaient interrogées après leur accouchement sur leur souhait concernant l’analgésie péridurale avant leur admission en salle de travail et sur la réalisation de celle-ci au cours de l’accouchement. Les facteurs étudiés étaient les caractéristiques sociodémographiques maternelles, le suivi prénatal et le lieu et le déroulement de l’accouchement. Nous avons étudié l’association entre le fait de ne pas souhaiter de péridurale et les caractéristiques maternelles et le suivi prénatal, puis nous avons étudié l’association entre le fait d’avoir une péridurale et l’ensemble des caractéristiques, parmi les femmes qui n’en souhaitaient pas une initialement. Les analyses ont été faites en utilisant des modèles de régression logistique, dans l’ensemble de la population sélectionnée, puis en stratifiant sur la parité.

Initialement, 26 % des femmes ne souhaitaient pas de péridurale. Avoir moins de 25ans, une parité≥3, un faible statut socioéconomique et accoucher dans une maternité publique, étaient des facteurs significativement associés au fait de ne pas souhaiter de péridurale. Pour 54 % de ces femmes, une péridurale a finalement été réalisée au cours du travail. La primiparité était très fortement associée au fait d’accoucher avec une péridurale initialement non souhaitée. Les facteurs obstétricaux associés à cette discordance entre souhait et réalisation d’une péridurale étaient l’utilisation d’ocytocine (ORa=8,3 IC à 95 % [6,5–10,6]) et l’accouchement par voie basse instrumentale (ORa=2,1 [1,3–3,4]). Cette discordance était également plus fréquente dans les maternités disposant d’un anesthésiste en permanence pour le secteur naissances (aOR=2,5 [1,8–3,6]) par rapport aux maternités sans présence permanent d’un anesthésiste sur le site. Les associations étaient similaires chez les primipares et les multipares.

Une part importante des femmes qui souhaitent accoucher sans péridurale en ont finalement une. La parité, le déroulement du travail et la présence permanente d’un anesthésiste semblent être des déterminants importants de cette discordance. Il serait intéressant de savoir si cette discordance entre souhait et réalisation d’une analgésie péridurale affecte la satisfaction des femmes vis-à-vis de leur travail et de leur accouchement.