L’auteur se propose d’examiner un chapitre peu connu de l’histoire de la psychiatrie française, contemporain du passage de l’aliénisme à la psychiatrie. Il s’agit du débat sur les services des délirants des hôpitaux au tournant du xx^℮ siècle. Ce débat résidait d’avantage sur la localisation et le rattachement de ces services que sur leur légitimité. Leur existence et leur développement semblaient faire en effet consensus parmi leurs promoteurs. C’est le lieu d’implantation de ces services qui cristallisait les désaccords entre les partisans de l’asile qui souhaitaient pourtant le réformer et ceux de l’hôpital général. Cet article tente d’analyser les conditions d’émergence de ce débat en le situant dans son contexte historique, en particulier celui de la psychiatrie occidentale de la fin du xix^℮ siècle, et d’en éclairer les enjeux cliniques, idéologiques et universitaires. L’auteur montre qu’il prend racine dans plusieurs projets de réforme institutionnelle attachés aux noms de Jean Étienne Esquirol, d’Évariste Marandon de Montyel et d’Édouard Toulouse, qui connurent des destins bien différents. Si certains des enjeux de ce débat n’ont plus cours de nos jours, en revanche d’autres se trouvent impliqués dans la situation contemporaine de la psychiatrie où la multiplication de l’offre et des lieux de soins s’enracine dans la gestion des populations à risque.

The author will study a chapter rather unknown of the French psychiatry history, contemporary with the passage from alienism to psychiatry. It is a debate about the delusional patients’ department in hospitals at the turning of the 20^th century. This debate was more based on the localisation and the joining of these departments than on their legitimacy. Indeed, their existence and their development seemed to create a consensus among the property developers. It was the place of their implantation which crystallized the disagreements between the asylum’s defenders, who asked anyway a reform, and those of the general hospital. This article tries to analyze the conditions in which this debate emerged situating it in its historical context, particularly in the context of the occidental psychiatry at the end of the 19^th century. This article also tries to enlighten its clinical, ideological and university stakes. The author shows that it is at the basis of different institutional reform projects linked to the names of Jean Etienne Esquirol, of Évariste Marandon de Montyel and of Édouard Toulouse, who knew a very different destiny. If some of the stakes of this debate are no longer current nowadays, other stakes are nonetheless implicated in the contemporary situation.