Table des matières

Préface - 08/10/11

Doi : 10.1016/B978-2-294-70626-4.00028-X 
Y. Dumez

C’est souvent le rôle du plus ancien d’écrire la préface d’un livre, cela permet de complimenter les auteurs, de souligner combien ils sont bons, et pourquoi pas de faire lire le livre. C’est sûrement encore vrai, mais cette fois-ci le contexte est un peu particulier. C’est le reflet du travail d’une équipe formée dans une certaine tradition, ayant développé ses propres collaborations souvent sur des sujets précis, et accueillant une équipe nouvelle, souvent formée ailleurs avec une vision forcément différente. Des modifications profondes de l’environnement, à la fois réglementaires, éthiques, judiciaires, économiques et culturelles, viennent changer nos pratiques, alors que les techniques nous offrent un panel de plus en plus vaste à nos possibilités de dépistage, de diagnostic et de traitement.

L’adaptation est difficile, et deux erreurs ne doivent pas être commises. La première consiste à ne pas accepter les évolutions au nom de l’expérience acquise depuis des années, la seconde est de foncer en avant sans retenir les leçons du passé. L’attitude intelligente se situe, bien évidemment, entre les deux.

Il est pourtant difficile d’y arriver. Il est légitime pour le sortant d’avoir une certaine nostalgie. Il est vrai que notre génération, et peut-être plus à Necker qu’ailleurs, a eu une occasion unique de développer la médecine fœtale comme elle le voulait.

En effet, en France, grâce à notre système de santé, l’argent n’est pas venu corrompre nos pratiques. Ceux qui ont eu du pouvoir grâce à cette médecine sont restés discrets. La contrainte n’existait pas. Jamais nous n’aurions pu inventer et réaliser les gestes de la médecine fœtale avec les exigences éthiques et réglementaires d’aujourd’hui. La médecine fœtale nous a tout apporté : les collaborations interdisciplinaires et internationales, le savoir, la notoriété et très souvent l’amitié. Nous ne pouvons pas oublier les noms de R. Henrion, M.-L. Briard, C. Fékété et M.-C. Aubry, qui ont été les premiers à inventer la concertation multidisciplinaire en médecine fœtale.

Nous mesurons donc la chance que nous avons eue lorsque nous voyons déferler aujourd’hui les contraintes. Certaines sont nécessaires, d’autres plus difficiles à accepter.

Notre génération a été élevée dans le paternalisme et l’élitisme aggravés. Le respect des principes éthiques de justice, d’autonomie et de bienfaisance est désormais inscrit dans la loi. La pseudo-élite va se rhabiller, on doit désormais garantir un accès aux soins et un niveau de qualité homogène sur le territoire national. Les conditions de l’accès aux soins et d’un consentement libre et éclairé sont au centre des organisations. On ne peut que s’en féliciter.

On peut regretter une certaine spécificité à la française. Dans une période de mondialisation, on pouvait s’attendre à perdre le côté très individualiste et pour tout dire «franchouillard» de nos comportements. En revanche, lorsqu’une pathologie spécifique remonte du dépistage, il doit rester une part de cet héritage fondé sur l’avis de référence et la concertation multidisciplinaire qui a fait notre succès.

Cette façon de faire, sans cesse rappelée dans les différents chapitres de ce livre, doit rester un des principes fondamentaux pour une raison simple : la très faible prévalence de chacune des malformations. Certaines sont tellement rares que beaucoup de nos collaborateurs les plus jeunes n’en ont pas encore rencontré. D’autres sont tellement polymorphes qu’il faut en avoir vu un grand nombre pour prendre la bonne décision. Il ne faut pourtant pas s’en tenir à la seule expérience, la plus grande soit-elle, car les technologies nouvelles peuvent enrichir l’expérience passée. En revanche, elles doivent s’inscrire dans une approche tenant compte des erreurs qui ont pu être faites par le passé. La communication entre les générations devient alors essentielle. Les généticiens ont bien connu cet aspect du problème quand les biologistes moléculaires ont pu profiter des collections accumulées de cas cliniques de pathologies génétiques, je pense en particulier aux ostéochondrodysplasies de P. Maroteaux.

Les progrès technologiques ne se limitent pas à la médecine, mais aussi à nos moyens d’évaluation, de suivi, de circulation de l’information et des images, à la communication entre les sites et entre les diverses spécialités. Le suivi de nos patientes, qui était un véritable casse-tête, risque d’être transformé par le mail. Nous aurons des réponses à nos pratiques, dans des délais suffisamment courts, pour les modifier rapidement.

L’évolution de notre société et son multiculturalisme peuvent, dans une médecine comme la nôtre, changer parfois radicalement nos pratiques. C’est ainsi que des traitements in utero réservés à la médecine américaine interdisant l’IMG au-delà de 22 semaines peuvent redevenir utiles en cas de non-IMG, par exemple pour un spina.

La contrainte économique se fait également sentir, elle n’est peut-être pas si néfaste. Elle doit faire réfléchir vers une juste prescription, en fonction d’une hypothèse diagnostique beaucoup plus que d’un protocole bêtement subi en oubliant la clinique.

La contrainte judiciaire est plus difficile à accepter. Certains lui apporteront un aspect positif car elle a été à l’origine de la démarche qualité en échographie. En revanche, elle pollue sans cesse notre discours, mettant à l’abri de tout ce qui n’arrivera pas, en oubliant la bienfaisance, c’est-à-dire le fait de rassurer le patient. Il ne faut pas oublier que, dans la très grande majorité des cas, le diagnostic prénatal est fait pour rassurer et stimuler un projet de grossesse. S’il inquiète à tort un nombre très important de patientes et qu’il en décourage, le mal est fait et il ne sert à rien. C’est à ce niveau-là que le conflit de générations peut exister.

Alors, retour aux fondamentaux et au livre.

Toutes les générations vont y retrouver leurs bases, ainsi que les notions qui servent de socle aux évolutions médicales, technologiques et sociétales qui nous attendent.



© 2010  Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Ajouter à ma bibliothèque Retirer de ma bibliothèque Imprimer
Export

    Export citations

  • Fichier

  • Contenu

Article précédent Article précédent
  • Abréviations
| Article suivant Article suivant
  • Introduction
  • A. Benachi

Bienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L'accès au texte intégral de ce chapitre nécessite l'achat du livre ou l'achat du chapitre.

Bienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L’accès au texte intégral de cet article nécessite un abonnement.

Déjà abonné à ce produit ?

Mon compte


Plateformes Elsevier Masson

Déclaration CNIL

EM-CONSULTE.COM est déclaré à la CNIL, déclaration n° 1286925.

En application de la loi nº78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez des droits d'opposition (art.26 de la loi), d'accès (art.34 à 38 de la loi), et de rectification (art.36 de la loi) des données vous concernant. Ainsi, vous pouvez exiger que soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations vous concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte ou l'utilisation ou la conservation est interdite.
Les informations personnelles concernant les visiteurs de notre site, y compris leur identité, sont confidentielles.
Le responsable du site s'engage sur l'honneur à respecter les conditions légales de confidentialité applicables en France et à ne pas divulguer ces informations à des tiers.


Tout le contenu de ce site: Copyright © 2024 Elsevier, ses concédants de licence et ses contributeurs. Tout les droits sont réservés, y compris ceux relatifs à l'exploration de textes et de données, a la formation en IA et aux technologies similaires. Pour tout contenu en libre accès, les conditions de licence Creative Commons s'appliquent.