Avant-propos - 29/09/11
Cette édition de Audiologie pratique – Audiométrie vient après la Pratique des tests d’audition en consultation de 1993, devenu Manuel pratique des tests de l’audition en 1998, puis Audiologie pratique – Manuel pratique des tests de l’audition en 2002. Au fil des éditions, ces ouvrages ont progressivement débordé le champ de l’examen de l’audition. Élément fondamental de la chaîne des compétences vouées à l’amélioration de l’audition, l’audiométrie ne se conçoit qu’en parfaite connaissance du mode de fonctionnement des autres maillons. Cette collaboration, indiscutable pour la prise en charge de la surdité de l’enfant, s’impose pour tous les déficients auditifs, non seulement pour corriger, mais aussi pour dépister et prévenir. Aussi a-t-il paru important d’aborder le chapitre de l’appareillage. C’est pour cette raison que l’équipe rédactionnelle s’est élargie, avec la collaboration de Stéphane Garnier et Xavier Debruille, membres du Collège national d’audioprothèse, et le concours d’André Chays. Mais comment aborder l’audition sans un socle de solides notions d’acoustique ? L’otologiste ne peut se contenter de jongler avec les décibels. Il doit savoir que désigner une intensité sonore par des décibels arbitraires est une entorse aux règles habituelles des pressions sonores. Il doit être capable d’identifier chaque décibel évoqué, sans confondre les décibels HL et les décibels SPL. Jacques Roland, ancien directeur du Département acoustique du Centre scientifique et technique du Bâtiment, a rédigé un rappel à l’orthodoxie acoustique.
Si les premiers audiomètres ont fait leur apparition à la fin du xixe siècle, il n’en fut pas de même pour la pratique de l’audiométrie en France. Après le premier audiomètre de l’anglais Hughes, en 1879, Jules Ladreit de Lacharrière, médecin-chef de l’institution des Sourds-muets de Paris, présentait dans les Annales des maladies de l’oreille et du larynx de 1882 un audiomètre fabriqué par un électricien sur ses indications. Mais jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’audiométrie resta surtout du domaine de la recherche, avec notamment Raoul Caussé, directeur du Laboratoire d’otologie expérimentale à l’École pratique des Hautes Études. En 1928, il faisait une importante mise au point sur la technique de l’audiométrie radioélectrique. Dans cette période d’avant-guerre, Maurice Aubry, alors jeune laryngologiste des hôpitaux, selon l’expression du moment, fut un des rares cliniciens à s’intéresser à l’audiométrie clinique, notamment pour le masquage – appelé alors assourdissement – et la conduction osseuse. Il comparait les deux modalités de présentation, audiogramme américain et courbe de Wegel, sans prendre parti.
C’est à Jean-Étienne Fournier (1906–1972) qu’on doit la modernisation de l’audiométrie en France dans l’après-guerre, après une décennie d’isolement. De formation scientifique, il sut tirer profit de séjours aux États-Unis pour « fréquenter la plupart des laboratoires et des instituts où l’audiométrie est étudiée, pratiquée et enseignée. Il a acquis une connaissance approfondie du sujet », comme l’écrivait Raoul Caussé en présentant la 3e édition de son Abrégé d’audiométrie édité en 1948 en Belgique. En 1951 paraissait en France son Précis d’audiométrie vocale. Non seulement il décrivait clairement l’état d’avancement des connaissances dans ce domaine, mais il apportait une importante contribution à son introduction en France en proposant des listes de mots adaptés à cette technique toute nouvelle, puisqu’elle n’avait pris naissance qu’en 1938 et n’avait commencé à se développer aux États-Unis qu’après-guerre, tant pour l’appareillage que pour l’expertise des nombreux anciens combattants rendus sourds par les armes modernes. Il suscita en 1952 un Cours international d’audiologie clinique dans le cadre de la chaire d’ORL de Paris avec les conférenciers européens les plus compétents, abordant tous les aspects de l’audiométrie, comme en témoignent les 600 pages de sa publication. Jean-Étienne Fournier a laissé une empreinte encore très vivace avec ses célèbres listes de mots mono- et dissyllabiques phonétiquement équilibrés.
Depuis un demi-siècle, les énormes progrès de l’électronique ont transformé le matériel d’exploration audiométrique, mais les contraintes des examens restent les mêmes pour respecter les conditions optimales de réalisation, la vérification régulière des qualités de fonctionnement des appareils, l’attention au comportement des patients. Dans tous les cas, l’examen audiométrique reste un examen complémentaire dont les résultats doivent toujours être confrontés aux données de la clinique. C’est pour cette raison que l’acoumétrie, tant vocale qu’au diapason, garde une valeur inestimable pour redresser une grossière erreur. Les explorations fonctionnelles modernes de l’audition, dites objectives, permettent d’explorer des champs de l’audition que l’audiométrie conventionnelle ne peut pas atteindre, et sont notamment devenues indispensables pour le dépistage et le diagnostic des surdités de l’enfant. Mais il ne faut jamais s’abriter derrière des courbes ou des kyrielles de chiffres. Si un doute persiste après un examen audiométrique, il faut savoir le renouveler quelque temps après, avec un patient mieux préparé, et s’accrocher à la clinique. En fait, en audiologie comme souvent en médecine, tout commence et finit par la clinique.
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