Aspects éthiques des états végétatifs - 01/01/96
Service de neurologie et des maladies neuromusculaires, CHU de la Timone, 13385 Marseille cedex 5 France
Résumé |
La condition de non-réponse cérébrale permanente, habituellement dite " état végétatif persistant ", est devenue de plus en plus fréquente. Les progrès récents de la médecine assurent de plus en plus le maintien de la vie corporelle, du fait de l'assistance cardiopulmonaire et du maintien des fonctions physiologiques. Le développement des techniques de réanimation, depuis 1950, corrige les grandes défaillances viscérales, aboutissant à un taux de survie dépassant 80 %. Dès lors persistent et s'installent des situations cliniques nouvelles dont l'exemple extrême est une dissociation entre la perte des fonctions cognitives et la préservation des fonctions végétatives, état qui a été parfois qualifié d'un sort pire que la mort.
Au-delà des aspects purement médicaux, la chronicité d'un tel état est à l'origine d'interrogations diverses d'ordre économique (le maintien en vie d'un patient dans cet état étant hautement coûteux pour la société), légal (un tel patient étant dans l'incapacité d'accepter, de refuser, d'envisager toute solution proposée), moral (tenant aux convictions eschatologiques de chacun), religieux (tout " suicide assisté " étant refusé par diverses religions). De plus la nécessité de plus en plus impérative d'organes destinés à des greffes rend impératives des notions précises sur la mort cérébrale.
Ainsi est peu à peu apparue la nécessité d'une éthique des états végétatifs persistants. Malgré des travaux de plus en plus nombreux, beaucoup de cas, dépendant de facteurs divers appellent une décision particulière [20] . De nombreuses controverses persistent, malgré des tentatives de consensus.
Tandis que Mollaret et Goulon forgeaient en 1959 le terme de " coma dépassé " [17] , Jennett et Plum en 1972 [14] ont attiré l'attention sur des états d'absence de fonctions cérébrales qu'ils attribuaient à une lésion du néocortex ou à une altération de la substance réticulée ou du tronc cérébral. Par la suite diverses autopsies montrèrent des lésions essentiellement cérébrales.
Parallèlement au concept d'état végétatif se fit jour le concept de mort cérébrale, les deux types d'atteinte étant différents.
L'Académie américaine de Neurologie s'était préoccupée des états végétatifs persistants lorsque le cas d'un patient : Paul Brophy, dans le Massachusetts, lui avait été soumis. La famille de ce pompier qui était dans un état végétatif depuis plus de 2 ans, avait présenté une requête au tribunal, demandant que la sonde alimentaire fût retirée. Il s'agissait, selon la famille, d'un souhait antérieurement exprimé par le patient. Le tribunal refusa cette autorisation. La famille demanda alors un avis amiable à l'Académie. En 1986, compte tenu de cet avis, la Cour suprême du Massachusetts, estima qu'il était justifié de laisser mourir Paul Brophy.
La position définitive de l'Académie fut exprimée en 1989 [1] . Elle comportait quatre points :
D'autres propositions ont suivi plus récemment. L'une provient du Comité d'éthique de l'Association américaine de Neurologie [2] , une autre du groupe représentant les cinq plus importantes sociétés de Neurologie et de Neurochirurgie des États-Unis [18 , 19] . En Grande-Bretagne le Comité d'éthique de la Chambre des Lords [22] et le Royal College of Physicians [15] se sont attachés à la réévaluation de ces états. En France, si l'on excepte l'intérêt porté par des médias à quelques cas spectaculaires, les états végétatifs sont encore l'objet de peu de travaux. L'aspect éthique est surtout codifié dans des études de langue anglaise.
Malgré ces données, de nombreuses incertitudes persistent notamment sur l'incidence et la prévalence des états végétatifs. Ceci tient à la confusion créée par les contradictions de divers essais de définition.
Cependant la fréquence des états végétatifs persistant est importante, environ un millier en France. Aux États-Unis, on admet le chiffre approximatif de 10 000 à 25 000 adultes et de 6 000 à 10 000 enfants [11] . La prévalence serait de 2 pour 100 000 habitants avec un âge moyen de 49 ans, sans distinction de sexe. L'incidence serait de 0,9 par an pour 100 000 habitants.
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