Dispositif « groupe de passage » auprès de patients exilés et migrants : intérêts et limites - 26/03/25
The “Group in Transition” tool for working with exiled and migrant patients: Utility and limitations

Résumé |
Objectifs |
Cet article propose une réflexion sur les impacts de la clinique de l’exil et de l’immigration sur les suivis thérapeutiques de certains de ces patients. Nous constatons ainsi que la dynamique transférentielle, en raison de parcours souvent traumatiques, est marquée par toute une série de phénomènes : identification projective, passage à l’acte et pensée opératoire. À partir de ce constat, nous proposons un aménagement du cadre via la création d’un dispositif appelé groupe de passage. Ce dernier intègre plusieurs éléments, tels que la dimension sensorielle, ainsi que des objets de passage, permettant de faire le lien entre l’actuel et le passé, l’ici et le pays d’origine. L’objectif est de faciliter, par l’intermédiaire d’un transfert sensoriel, les processus associatifs mis à mal par les différents événements de vie rencontrés par ces populations.
Méthode |
La méthode utilisée est celle de l’observation participante d’un groupe mis en place auprès de sujets immigrés.
Résultats |
Les résultats montrent que ce dispositif facilite l’installation d’une dynamique transférentielle grâce à une série d’éléments : le groupe multiculturel, la médiation sensorielle et l’objet de passage. La dimension multiculturelle permet d’intégrer l’altérité au sein du groupe, facilitant ainsi son élaboration. La sensorialité favorise la mise en place d’une régression, ouvrant l’accès à certaines parties de la vie psychique difficilement accessibles en raison des traumatismes. Enfin, l’objet de passage permet de lier des temporalités (le passé et le présent) et des lieux (ici et ailleurs), souvent clivés, permettant une exploration de l’histoire des sujets. Ce dispositif apparaît ainsi comme un vecteur d’élaboration de la question identitaire. Cette dernière connaît plusieurs destinées : l’une d’elles correspondant à une élaboration nostalgique, signe d’un véritable travail de dégagement. Toutefois, nous constatons également la présence de défenses narcissiques, s’incarnant dans le groupe par des clivages autour de la culture, suscitant des réactions de rejet. Enfin, une dernière occurrence correspond à une forme d’effondrement dépressif.
Discussion |
Ces résultats nous amènent à interroger certains éléments du dispositif, tels que sa durée très courte (3 mois) et sa dimension groupale. Il apparaît que, si le groupe soutient, pour certains, leur appareil psychique, il devient potentiellement une source de résistances collectives à travers un certain nombre d’alliances structurées autour de la culture et de la religion. Ces défenses semblent masquer les dimensions traumatiques, généralement absentes des séances. La question de la durée du groupe mérite d’être interrogée, car elle entrave certains processus, notamment ceux liés à l’élaboration de la perte.
Conclusion |
Les difficultés rencontrées dans la clinique nous amènent à imaginer de nouveaux dispositifs pour répondre aux enjeux de notre pratique. Le groupe de passage est une tentative d’ouverture à certaines potentialités, mais il présente également des limites. L’utilisation d’un transfert sensoriel ainsi que d’objets médiateurs semble prometteuse. Cela permet d’amorcer une dynamique transférentielle difficilement mobilisable par d’autres moyens. Toutefois, il apparaît que l’utilisation du groupe mérite d’être davantage réfléchie afin d’aider à surmonter certaines résistances.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Abstract |
Objectives |
This article proposes a reflection on the impacts of exile and immigration on therapeutic work with certain patients. I observe that the dynamics of transference, due to often traumatic histories, are marked by a variety of phenomena: projective identification, acting out, and operational thinking. Based on this observation, I propose an adjustment to the framework through the creation of a tool I call a “group in transition.” This initiative integrates several elements, including the sensory dimension and transitional objects that facilitate connections between the present and the past, and between the subject's current location and their country of origin. The objective is to facilitate associative processes that have been disrupted by various life events encountered by these populations through sensory transference.
Method |
The method employed is participant observation of a group established with immigrant subjects.
Results |
The results indicate that this type of group facilitates the establishment of a transference dynamic through a series of elements: the multicultural group, sensory mediation, and transitional objects. The multicultural aspect allows for the representation of otherness within the group, facilitating its elaboration. Sensory experiences promote regression, granting access to certain parts of the psyche that are challenging to reach due to trauma. Lastly, the transitional object helps to link temporalities (the past and the present) and spaces (here and elsewhere), which are often split, allowing for entry into the subjects’ histories. Thus, this group acts as a vector for the elaboration of questions of identity. The identity question manifests in several ways: the first corresponds to a nostalgic elaboration signifying a genuine process of disengagement. However, we also observe the presence of narcissistic defenses embodied within the group through splits concerning culture, triggering rejection responses. Lastly, another occurrence corresponds to a form of depressive collapse.
Discussion |
These results prompt me to question certain elements of the “group in transition,” such as its very brief duration (3 months) and the group dimension itself. It seems that while the group supports the psychic apparatus for some, it can also potentially serve as a source of collective resistances through a number of alliances structured by culture and religion. These defenses appear to obscure the traumatic dimensions, which are markedly absent from the sessions. The question of the group's duration is perhaps worth exploring, as it may hinder certain processes, particularly in relation to the elaboration of loss.
Conclusion |
The difficulties encountered in the clinical setting lead me to imagine new tools to address the challenges of clinical practice with exiled and migrant populations. The “group in transition” represents an attempt to open certain potentialities but also possesses some limitations. The exploration of a form of sensory transference and the use of mediating objects seem promising, as they initiate a transference dynamic that is difficult to mobilize. However, it appears that the use of the group needs further consideration to enable the overcoming of certain resistances.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Mots clés : Immigration, Exil, Identité, Nostalgie, Transfert sensoriel
Keywords : Immigration, Exile, Identity, Nostalgia, Sensorial transference
Plan
☆ | Texte issu d’une communication donnée au colloque SuLiSoM 2024, intitulé « transferts » à la faculté de psychologie de Strasbourg, UR 3071, les 11 et 12 octobre 2024, organisé par Olivier Putois. |
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