L’épilepsie impacte la cognition à l’état d’éveil. Or, les crises épileptiques et l’activité épileptique interictale persistent, et sont souvent amplifiées, au cours du sommeil. Aussi l’épilepsie pourrait-elle influencer les processus cognitifs liés au sommeil, tels que le rêve. Cet effet, susceptible se traduire dans la fréquence de rappel des rêves (FRR) ou leur contenu, pourrait être sous-tendu par : (i) l’activité épileptique elle-même, directement en altérant le fonctionnement des réseaux impliqués dans la formation et/ou le rappel des rêves (cortex préfrontal médial et jonction temporo-pariéto-occipitale), ou indirectement en perturbant la structure du sommeil ; (ii) la cause sous-jacente à l’épilepsie (ex. lésion) ; (iii) les comorbidités fréquentes comme la dépression ou les troubles cognitifs ; (iv) le fardeau d’une maladie chronique invalidante au quotidien ; (v) les traitements.

Concernant la FRR, les données de littérature divergent selon la méthodologie utilisée et le type d’épilepsie étudié. Nos travaux suggèrent qu’elle serait similaire à celle de la population générale, et modulée par des facteurs observés chez les sujets sains (âge, réveils nocturnes, implication de la région pariéto-occipitale) et des facteurs spécifiques à l’épilepsie (fréquence des crises, localisation du foyer épileptique). Un effet disruptif direct de l’activité épileptique sur les mécanismes en jeu dans la production et/ou le rappel des rêves est suggéré par nos données issues d’enregistrements intra-cérébraux, montrant que l’index d’anomalies interictales en sommeil paradoxal et lors des périodes de veille intra-sommeil est inversement corrélé à la FRR. Par ailleurs, l’épilepsie influence le contenu des rêves ; ainsi, des observations de symptômes de crises incorporés dans le contenu onirique, avec ou sans activité épileptique concomitante enregistrée, ont été rapportées par plusieurs équipes. En étudiant les rêves de 300 patients atteints d’épilepsie, nous avons identifié des rêves liés à l’épilepsie (rêve d’épilepsie, de crises, ou de symptômes de crise) chez un tiers des participants. De plus, les rêves de crise étaient associés à la présence de crises liées au sommeil, et les rêves d’épilepsie à la fréquence des cauchemars.

Ainsi, l’étude des rêves chez les patients atteints d’épilepsie est susceptible de renseigner sur la maladie épileptique, et offre un modèle unique de compréhension de l’effet d’un dysfonctionnement cérébral focal transitoire sur la neurophysiologie du rêve.