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La médecine traditionnelle à Mayotte : le point de vue du praticien conventionnel - 12/02/25

Doi : 10.1016/j.mmifmc.2025.01.026 
P. Durasnel , R. Blondé, Y. Boué, V. Gilles
 Centre Hospitalier de Mayotte, Mamoudzou, Mayotte, France 

Auteur correspondant :

Résumé

Malgré d'importants progrès dans l'offre de soin à Mayotte depuis 1975, le recours à la médecine traditionnelle y reste fréquent. La moitié de la population n'a recours au système de santé conventionnel que pour des situations graves ou très dégradées. Une majorité utilise les traitements traditionnels à la place, avant, pendant ou après un traitement conventionnel.

Cette situation est en partie due aux difficultés d'accès aux structures de soins pour une partie de la population en situation irrégulière sur le territoire, mais pas seulement: à Mayotte le recours à la médecine traditionnelle reste largement culturel.

Tout médecin exerçant à Mayotte constate l'omniprésence de la médecine traditionnelle dans l'histoire des patients. Il est tentant d'y voir la cause de tout ou partie des symptômes rapportés ou des retards de prise en charge. L'incompréhension entre patients et médecins, pas seulement sur le plan linguistique, est ainsi souvent source de problèmes.

La phytothérapie, largement utilisée dans les familles, peut être source d'intoxication ou d'effets adverses plus ou moins graves. Des traitements potentiellement dangereux ont été identifiés ces dernières années, et des cas publiés. Le henné (Lawsonia inermis) utilisé comme abortif provoque une hémolyse en cas de déficit en Glucose-6-Phospho-Déshydrogénase (G6PD, fréquent à Mayotte). Le laurier jaune (Thevetia peruviana) a une forte toxicité cardiaque potentiellement mortelle. La ricinelle des Indes (Acalypha indica) a été identifiée comme potentiel problème de santé publique: donné en décoction pour traiter des problèmes respiratoires chez l'adulte mais surtout chez l'enfant, elle est aussi à l'origine d'hémolyses aiguës chez les déficitaires en G6PD. C'est maintenant sans doute, le mode le plus fréquent de découverte de ce déficit chez l'enfant à Mayotte.

D'autres plantes, mais aussi d'autres pratiques médicales sont potentiellement à l'origine de problèmes parfois graves: les fumigations traditionnelles peuvent avoir une toxicité pulmonaire importante. Des tableaux de syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) ont été décrits, allant une fois jusqu'au la nécessité d'une greffe pulmonaire. Des accidents par brûlures ou des problèmes lors d'applications cutanées sont aussi rencontrés.

La maladie, dans un contexte traditionnel, est une souffrance qui désorganise la vie plus que des manifestations symptomatiques. La notion de conflit est toujours présente, avec une cause qui est toujours identifiable et curable: le concept de maladie chronique est ainsi totalement étranger au système de pensée traditionnel.

La possession par des êtres surnaturels (les « djinns ») intervient fréquemment dans l'expression des conflits ou des souffrances. Mais la possession n'a pas toujours de valeur péjorative, c'est même un lien social pour les anthropologues.

Pour pénétrer un tant soit peu cet univers, et mieux prendre en charge ses patients, le praticien conventionnel doit s'astreindre à accepter la co-thérapeutique permanente. D'autant que les accidents s'ils peuvent être graves, ne sont pas très fréquents vue la très large utilisation de la médecine traditionnelle. Il doit essayer de comprendre sans dénigrer, gagner la confiance du patient, et atteindre un juste équilibre entre les réponses scientifiques de la médecine conventionnelle et les réponses culturelles, émotionnelles et mystiques de la médecine traditionnelle.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots-clés : médecine traditionnelle, recours aux soins, Mayotte, Comores, océan Indien



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