Les questions relatives à la consommation de médicaments psychotropes chez l’enfant et l’adolescent font l’objet d’un intérêt soutenu dans la littérature scientifique et dans les débats publics au niveau international. En France, ces données de prévalence n’ont pas été réactualisées depuis 2010. L’objectif de cet article est d’analyser l’Échantillon du Système national des données de santé (ESND) pour décrire l’évolution de la consommation de médicaments psychotropes en population pédiatrique entre 2010 et 2023, ainsi que les multiples variables cliniques, démographiques et sociales susceptibles de contribuer à la prescription.

Nous avons procédé à l’analyse systématique de la consommation de médicaments psychotropes chez les 0–17 ans dans l’ESND (2 % de la population française) entre 2010 et 2023, en nous intéressant tout particulièrement aux classes de médicaments suivantes : N05A antipsychotiques, N05B anxiolytiques, N05C hypnotiques et sédatifs, N06A antidépresseurs, N06B psychostimulants, N03 antiépileptiques, et N04 antiparkinsoniens.

L’incidence de la consommation de médicaments psychotropes chez l’enfant et l’adolescent évolue de 2,30 % en 2011 à 2,14 % en 2023. La prévalence de la consommation de médicaments psychotropes chez les 3–17 ans passe quant à elle de 3,25 % en 2011 à 3,94 % en 2023. Plus précisément, cette prévalence est de 2,32 % en 2011 et 3,22 % en 2023 chez les 6–11 ans. Chez les 12–17 ans, elle passe de 4,96 % en 2011 à 5,49 % en 2023. Entre 2010 et 2023, le nombre de délivrances par an et par patient augmente pour la plupart des classes thérapeutiques, en particulier les hypnotiques (+137 %), les antidépresseurs (+88 %), les antiépileptiques (62 %), les neuroleptiques (+50 %) et les psychostimulants (+40 %). Les durées de traitement varient considérablement d’une classe thérapeutique à l’autre : elles sont limitées à un mois pour les anxiolytiques et les antidépresseurs. Les durées médianes de traitement pour les autres classes ATC sont particulièrement longues. Le nombre de mois de consommation augmente de +76 % entre 2010 et 2023 : il passe de 80 mois pour 1000 personnes en 2010 à 138 mois pour 1000 personnes en 2023, avec une accélération sur la période 2021–2023. Les poly-prescriptions sont fréquentes et concernent l’ensemble des classes de médicaments. En 2022, 72 % des médicaments psychotropes destinés à l’enfants sont prescrits par des médecins généralistes, 7 % par des pédiatres et 9 % par des psychiatres et pédopsychiatres. En 2022, 30 % des enfants recevant au moins une prescription de médicament psychotrope vivaient dans des conditions sociales défavorables – ce taux est de 50 % pour les antipsychotiques. La consommation de médicaments psychotropes chez l’enfant et l’adolescent augmente au moment de la crise COVID, et continue d’augmenter jusqu’en 2023.

L’analyse de l’ESND confirme une augmentation générale de la prévalence de la consommation de médicaments psychotropes en population pédiatrique, marquée par une hausse du nombre de boîte par an et par patient, ainsi qu’un allongement des durées de traitement pour de nombreuses classes de médicaments. L’incidence reste stable et diminue légèrement au fil de la période, suggérant une évolution des pratiques. La majoration des prescriptions d’antidépresseurs et d’anxiolytiques depuis la période COVID est conforme aux données internationales, tandis que l’augmentation continue de la consommation de psychostimulants constitue sans doute une spécificité française.

Questions related to the consumption of psychotropic medications among children and adolescents have garnered sustained interest in scientific literature and public debates at the international level. In France, prevalence data have not been updated since 2010. The aim of this article is to analyze the French National Health Data System Sample (ESND) to describe the trends in psychotropic medication use in the pediatric population between 2010 and 2023, as well as the various clinical, demographic, and social variables that may contribute to prescribing practices.

We conducted a systematic analysis of psychotropic medication consumption among individuals aged 0–17 in the ESND (2% of the French population) between 2010 and 2023, focusing particularly on the following drug classes: N05A antipsychotics, N05B anxiolytics, N05C hypnotics and sedatives, N06A antidepressants, N06B psychostimulants, N03 antiepileptics, and N04 antiparkinsonians.

The incidence of psychotropic medication use among children and adolescents declined from 2.30% in 2011 to 2.14% in 2023. The prevalence of psychotropic medication use among those aged 3–17 rose from 3.25% in 2011 to 3.94% in 2023. More specifically, this prevalence increased from 2.32% in 2011 to 3.22% in 2023 among children aged 6–11. Among adolescents aged 12–17, it rose from 4.96% in 2011 to 5.49% in 2023. Between 2010 and 2023 the number of prescriptions per year per patient increased for most therapeutic classes, particularly for hypnotics (+137%), antidepressants (+88%), antiepileptics (+62%), antipsychotics (+50%), and psychostimulants (+40%). The duration of treatment varied significantly between therapeutic classes, being limited to one month for anxiolytics and antidepressants. Median treatment durations for other ATC classes were particularly long. The number of months of use increased by +76% between 2010 and 2023, rising from 80 months per 1000 individuals in 2010 to 138 months per 1000 individuals in 2023, with an acceleration in the period from 2021 to 2023. Poly-prescriptions were common and involved all medication classes. In 2022, 72% of psychotropic medications for children were prescribed by general practitioners, 7% by pediatricians, and 9% by psychiatrists and child psychiatrists. In 2022, 30% of children receiving at least one psychotropic prescription lived in socially disadvantaged conditions – a rate which was 50% for antipsychotics. Psychotropic medication use in children and adolescents increased during the COVID crisis and continued to rise until 2023.

The analysis of the ESND confirms a general increase in the prevalence of psychotropic medication use in the pediatric population, marked by a rise in the number of boxes per year per patient and a lengthening of treatment durations for many drug classes. Incidence remained stable and a slight decrease over the period, suggesting changes in prescribing practices. The rise in antidepressant and anxiolytic prescriptions since the COVID period is consistent with international data, while the continuous increase in psychostimulant use may represent a specifically French trend.