Syndrome de Sharp versant lupique et maladie de Kikuchi-Fujimoto chez un sujet comorien avec hypertension pulmonaire - 28/11/24
Résumé |
Introduction |
La maladie de Kikuchi-Fujimoto (KFD), est une entité rare, touchant les femmes jeunes d’origine asiatique. La présentation typique est une polyadénopathie cervicale, parfois généralisée, le plus souvent associée à de la fièvre avec sueurs nocturnes, un amaigrissement, des troubles digestifs, des arthralgies, une hépatosplénomégalie. L’histologie se caractérise par une lymphadénite histiocytaire nécrosante à prédominance lymphocytaire T CD8. La physiopathologie reste inconnue, souvent satellite d’une pathologie infectieuse ou auto-immune, notamment le lupus. Nous présentons le cas d’une KFD compliquée d’hypertension pulmonaire.
Observation |
Il s’agit d’une patiente de 20 ans, comorienne. L’histoire récente rapporte une altération de l’état général majeure (IMC 12), des sueurs nocturnes, une polyadénopathie supracentimétrique diffuse à prédominance cervicale, des douleurs thoraciques associées à une toux insomniante, une hémoptysie minime intermittente. À l’interrogatoire, la patiente rapporte une polyarthralgie périphérique inflammatoire ancienne non typée. L’examen clinique met en évidence un aspect livedoïde atypique sur phototype 5, une sclérodactylie (Rodnan 2/51), une toux sèche et une hypoventilation bilatérale des bases. La biologie retrouve : un syndrome inflammatoire (CRP 19mg/L, fibrinogène 5,76g/L), une hypergammaglobulinémie à 40g/L polyclonale, une hypoalbuminémie à 17g/L et de multiples carences vitaminiques. Les facteurs antinucléaires sont à 1/1280 homogènes avec présence d’anti-ADN natif, anti-Sm et anti-RNP sans anti-phospholipides. Le test de Coombs est positif en IgG consommation du complément en fraction C3 et C4. Il existe par ailleurs une protéinurie supérieure à 2g/24h sans hématurie ni leucocyturie. L’électrophorèse des protéines urinaires met en évidence 70 % de gammaglobulines polyclonales. La ponction biopsie rénale montre une discrète glomérulosclérose, un pain à cacheter et des lésions de nécrose tubulaire aiguë, sans argument pour une atteinte lupique ni lymphomateuse. On note une élévation du Nt pro-BNP (1386ng/L) et de la troponine ultra-sensible (27ng/L) sans signe ischémique ECG. L’échographie et l’IRM cardiaque retrouvent un aspect de cœur pulmonaire avec dilatation majeure de l’artère pulmonaire et une péricardite minime. L’angioscanner thoracique et la scintigraphie de ventilation/perfusion infirment l’embolie pulmonaire et notent un aspect de verre dépoli diffus bilatéral. Au vu de la pneumopathie, l’hémoptysie et le quantiféron douteux avec BK crachats négatifs, une fibroscopie avec lavage bronchoalvéolaire est réalisée. Celle-ci ne retrouvera ni hémorragie intra-alvéolaire, ni micro-organisme pathogène, ni lymphangite alvéolaire. Le cathétérisme cardiaque conclut à une hypertension pulmonaire du groupe 1 avec PAPm 39mmHg, Pcap 8mmHg, Rvp 4,9UI Wood et un débit cardiaque à 93 %. La TEP 18FDG retrouve une coulée ganglionnaire latérocervicale droite avec des adénopathies sus-clavières, axillaires, inguinales, iliaques et lomboaortique hypermétaboliques (SUVmax 8.4). Une adénectomie axillaire révèle des plages de nécrose et des corps apoptotiques sans polynucléaires neutrophiles, modifiant l’architecture du ganglion (absence de germes ou de clones identifiés), concluant à une maladie de Kikuchi-Fujimoto associée à un syndrome de Sharp versant lupus. Sur le versant lupique un traitement selon le protocole EUROLUPUS est instauré, suivi de la prise de mycophénolate mofétil et hydroxychloroquine. Sur le versant de l’hypertension pulmonaire, le traitement associe tadalafil et bosentan. Avec un recul de plus d’un an, on constate une amélioration globale de la patiente avec état général et poids restauré, régression complète de la polyadénopathie et disparition de la dyspnée. Les paramètres d’activité biologique lupiques se sont normalisés ainsi que ceux du cathétérisme droit.
Conclusion |
Le diagnostic final de KFD reste controversé dans ce cas, d’autant plus qu’il pourrait s’agir d’une polyadénopathie lupique au vu de la non recherche de corps hématoxylés qui peut être discriminant entre les deux étiologies. La subtilité entre ces deux entités n’est que diagnostique car sans enjeu thérapeutique. L’intensité du traitement étant modulée selon la présence ou pas d’atteinte d’organe lié au lupus. Finalement, la nécessité première étant d’écarter une hémopathie et/ou une infection.
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Vol 45 - N° S2
P. A459-A460 - décembre 2024 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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