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Apport de la danse-thérapie dans la prise en charge des victimes d’inceste - 24/11/24

Contribution of Dance Therapy to the Care of Incest Victims

Doi : 10.1016/j.evopsy.2024.09.002 
Sophie Gallet  : Psychiatre
 Maison Médicale Sonis, 2, allée du 2e-Régiment-de-Hussards, 45000 Orléans, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Objectifs

Les patients victimes d’inceste ont fréquemment des troubles de l’image corporelle. Ma propre expérience de danseuse m’a amenée à formuler une hypothèse : la danse de société pourrait être utile à cette population de patients afin de leur permettre de se réapproprier leurs corps, d’apprendre que celui-ci n’est pas leur ennemi et que le corps de l’autre ne soit pas perçu comme un danger. Pour cela, j’ai voulu retracer l’histoire de la danse-thérapie et faire une revue de la littérature de la danse-thérapie comme thérapie de l’inceste.

Méthodes

La confluence de la danse et de la psychanalyse va permettre l’émergence de la danse-thérapie avec notamment trois grandes figures. Tout d’abord Marian Chace et la Dance Movement Therapy. C’est une danseuse moderne qui va s’apercevoir que ses élèves viennent chercher auprès d’elle bien plus que des cours de danse. Ainsi elle va travailler d’abord bénévolement puis comme membre de l’équipe soignante d’un hôpital psychiatrique. Elle y montre un groupe de travail qui a une telle réussite que les patients eux-mêmes vont vouloir monter un spectacle au sein de l’hôpital, spectacle qui verra le jour. C’était en 1940. Elle sera officiellement la première danse-thérapeute en 1946. Vient ensuite Trudi Schoop, qui va rencontrer Bleuler et travailler essentiellement avec des patients schizophrènes. Elle utilise la danse pour harmoniser l’image corporelle et développer une conscience du corps. Enfin, intervient Rose Gaetner, une française, psychomotricienne de formation, qui va beaucoup axer son travail autour de la danse classique avec les enfants et adolescents. Le côté structurant, le travail en miroir et la quête du beau sont pour elle un moyen de restauration narcissique. Elle introduit par ailleurs un concept très intéressant : le dialogue tonique.

Résultats

Aujourd’hui, la danse-thérapie reste méconnue, surtout en France et ses indications restent à définir précisément, bien que des études aient montré son efficacité tant dans des pathologies somatiques que psychiques. Concernant plus spécifiquement la danse-thérapie comme thérapie de patients victimes d’inceste, une revue de la littérature nous a permis malheureusement de ne trouver que huit études sur le sujet. Les protocoles sont très divers et manquent un peu de solidité. Cependant, toutes ces études tendent à montrer une efficacité de la danse-thérapie auprès de cette population particulière.

Discussion

Il est très intéressant de constater que la danse à toujours fait partie de l’Homme. Dès le paléolithique, nous en retrouvons des traces avec « le sorcier dansant » et il est tout à fait envisageable que ce soit à des fins thérapeutiques. Il s’agissait très probablement de danses de transe, or ces danses ont perduré jusqu’à nos jours que ce soit la Tarentelle napolitaine, les danses bretonnes ou encore le vaudou. On retrouve également les mêmes caractéristiques dans les rave-party. Ces danses ont souvent une vocation de soins notamment psychiques. On peut alors se poser la question de savoir si les rave-party ne répondent pas également à un besoin face à un mal-être sociétal. La danse-thérapie quant à elle est née au cours de la première partie du XXe siècle, pendant l’ère de la psychiatrie asilaire, alors que les premiers psychotropes n’avaient pas encore été découverts et que la psychanalyse venait de naître. Au XIXe siècle, la danse est très codifiée et montrer ses émotions est impudique. La danse veut montrer le beau et la technique est au service de l’esthétique. Deux danseurs vont créer la rupture : Nijinski avec « Le sacre du Printemps » et Isadora Duncan. La danse moderne montre tout, le corps, les émotions et se veut plus proche de son public. À partir de là, la danse ne va cesser d’évoluer avec des courants se rapprochant des danses dites « primitives » par exemple. Au même moment, la psychanalyse éclot avec bien évidemment en premier lieu, Freud et sa théorie du Moi. Pour lui, le Moi n’est pas totalement séparé du corps, puisque pour lui il existe une sorte de « Moi corporel » « dérivé des sensations corporelles ». Adler quant à lui prônait l’indivisibilité de l’Homme, autrement dit, esprit et corps ne peuvent être séparés. Enfin Jung décrivait « l’imagination active », une méthode d’introspection par laquelle l’individu plonge volontairement dans son imaginaire pour accéder à son inconscient. Le mouvement étant une expression de l’inconscient, permettre un mouvement venu de l’imagination, c’est accéder à l’inconscient.

Conclusion

La danse-thérapie est née au milieu du XXe siècle de la confluence de la psychanalyse et de la danse moderne, pour évoluer en différents courants. Trop peu d’études ont été menées sur la pratique de la danse-thérapie chez les patients victimes d’inceste bien que cela semble présenter un intérêt thérapeutique. Aussi paraît-il nécessaire de mener d’autres études.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Abstract

Objectives

Patients who are victims of incest frequently have body image disorders. My own experience as a dancer led me to formulate a hypothesis: ballroom dance could be useful for this population of patients to allow them to reclaim their bodies, to learn that their bodies are not their enemies, and that the body of others is not perceived as a danger. To do this, I wanted to trace the history of dance therapy and review the literature on dance therapy as a therapeutic intervention for victims of incest.

Methods

The confluence of dance and psychoanalysis will allow the emergence of dance therapy with three major figures in particular. First of all, Marian Chace and Dance Movement Therapy. She was a modern dancer who came to realize that her students come to her for much more than dance lessons. So, she began volunteering in a psychiatric hospital, where she ultimately became a paid staff member. She created a working group that was so successful that the patients themselves wanted to put on a show within the hospital. It was in 1940. She will officially become the first dancer-therapist in 1946. Next comes Trudi Schoop, who met Bleuler and worked mainly with schizophrenic patients. She used dance to harmonize body image and develop body awareness. Finally, Rose Gaetner, a French woman, trained as a psychomotor therapist, whose work focused primarily on classical dance with children and adolescents. The structuring side, mirror work, and the quest for beauty are for her a means of narcissistic restoration. It also introduces a very interesting concept: tonic dialogue.

Results

Today, dance therapy remains little known, especially in France, and its indications remain to be precisely defined, although studies have shown its effectiveness with both somatic and psychological pathologies. More specifically regarding dance therapy as a therapy for patients who are victims of incest, a review of the literature unfortunately brought up only eight studies on the subject. The protocols are very diverse and somewhat lacking in solidity. However, all these studies tend to show the effectiveness of dance therapy with this specific population.

Discussion

It is very interesting to note that dance has always been part of humanity. From the Paleolithic, we find traces of it with “the dancing sorcerer,” and it is very possible that it was used for therapeutic purposes. These were most likely trance dances, but these dances have persisted until today, whether it is the Neapolitan Tarantella, Breton dances, or even voodoo. We also find the same characteristics in rave parties. These dances often have an aspect of treatment, particularly for psychological disorders. We can then wonder if rave parties do not also respond to a need in the face of societal unhappiness. Dance therapy was born during the first part of the 20th century, during the era of asylum psychiatry, when the first psychotropic drugs had not yet been discovered and psychoanalysis had just been born. In the 19th century, dance was very codified and showing one's emotions was immodest. Dance strove to show beauty and technique was at the service of aesthetics. Two dancers will create the break: Nijinsky with “The Rite of Spring” and Isadora Duncan. Modern dance shows everything–the body, the emotions–and wants to be closer to its audience. From there, the dance will continue to evolve with trends approaching so-called “primitive” dances, for example. At the same time, psychoanalysis blossomed, obviously first and foremost with Freud and his theory of the Ego. For him, the Ego is not totally separated from the body, since for him there exists a kind of “corporeal Ego” “derived from bodily sensations”. Adler, for his part, advocated the indivisibility of the human being; in other words, mind and body cannot be separated. Finally, Jung described “active imagination,” a method of introspection by which the individual voluntarily dives into his imagination to access his unconscious. Movement being an expression of the unconscious, allowing movement from the imagination is accessing the unconscious.

Conclusion

Dance therapy was born in the mid-20th century from the confluence of psychoanalysis and modern dance, to evolve into different currents. Too few studies have been conducted on the practice of dance therapy in patients who are victims of incest, although it seems to be of interest. It therefore seems necessary to conduct other studies.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Danse-thérapie, Danse, Psychanalyse, Inceste

Keywords : Dance-therapy, Dance, Psychoanalysis, Incest


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Vol 89 - N° 4

P. 679-694 - décembre 2024 Retour au numéro
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