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Construire, déconstruire, reconstruire les souvenirs : l’inlassable tâche du patient en psychothérapie, l’indéfectible engagement du thérapeute ? À propos de quelques particularités dans l’accompagnement psychothérapique des enfants et des adolescents - 14/11/24

Constructing, deconstructing, reconstructing memories: The tireless task of the patient in psychotherapy, the unfailing commitment of the therapist? About some characteristics in psychotherapeutic support with children and teenagers

Doi : 10.1016/j.neurenf.2024.10.002 
C. Mille , M. Braun, O. Yendjadj
 Université de Picardie Jules-Verne, Amiens, France 

Auteur correspondant.
Sous presse. Épreuves corrigées par l'auteur. Disponible en ligne depuis le Thursday 14 November 2024
Cet article a été publié dans un numéro de la revue, cliquez ici pour y accéder

Résumé

Mettre et remettre les souvenirs sur le métier, dans l’espoir de résoudre l’énigme du l’expression symptomatique d’une souffrance enfouie, constitue bien la réponse plus ou moins zélée du patient névrosé à l’attente implicite du psychanalyste. Le chapelet des souvenirs écrans vient ainsi s’égrener dans un champ d’attraction transférentiel, et fournit le matériau propre à édifier des ébauches successives de « biographie explicative ». Les souvenirs traumatiques les plus présents à la mémoire du patient ne tiennent souvent leur charge affective et émotionnelle que d’un effet d’après-coup et incitent à ouvrir d’autres voies de recherche régrédiente dans un passé plus ancien. Force est pourtant de constater que le thérapeute ne saurait avoir accès à de « purs souvenirs » et qu’au fil du temps n’affleurent que des souvenirs « pivots » autour desquels se tissent et se confortent les fantasmes. Or on connaît l’obstination dont Freud a continué de faire preuve, même après la révision de sa « neurotica », pour « découvrir les sources du Nil », c’est-à-dire accéder aux souvenirs les plus anciens : il est resté attaché à sa conception première selon laquelle les fantasmes ne sauraient émerger qu’à partir d’un antérieurement vécu. Les « constructions » du psychanalyste, échafaudées à partir de ses bases théoriques ont alors pour fonction de combler les lacunes de la mémoire et dans les cas favorables ont pour effet de relancer les associations du patient et faciliter l’émergence de souvenirs encore plus profondément enfouis. Elles sont aussi supposées constituer des hypothèses plausibles propres à reconstituer les traces d’un passé hors mémoire. Les souvenirs contribuent par ailleurs à forger le sentiment d’identité, viennent s’inscrire dans le « compromis identificatoire » de chacun. En conséquence, le rôle du psychothérapeute pourrait être de soutenir le travail du « je historien » que son patient tente d’effectuer en prenant en compte les récits de son entourage, les moments marquants de sa trajectoire et le souci de sa propre image. Il lui revient de l’aider à se détacher des versions officielles l’assignant à une place indiscutée dans la succession des générations ou la dynamique familiale. Dans cette perspective le travail psychothérapique cherche à valoriser les souvenirs qui ouvrent d’autres horizons, mais peut se heurter à des obstacles difficiles à vaincre. L’enfant en psychothérapie se préoccupe peu de revenir sur le passé, ce qui ne l’empêche pas de se montrer sensible au fait que son thérapeute puisse faire allusion au contenu de séances antérieures, ou lui rappeler ce dont il a pu être question au début de leur rencontre. La position de l’adolescent est foncièrement différente, il lui arrive certes de mal supporter qu’on pointe chez lui le rôle persistant de l’infantile alors qu’il tente de se faire reconnaître dans son identité adolescente. Il peut cependant retrouver le plaisir de raconter, de se raconter, au fil des suggestions de formulation ou de reformulation du thérapeute. Les cas de figure sont naturellement très différents d’un adolescent à l’autre en fonction de l’organisation psychopathologique sous-jacente. Certains adolescents semblent ne disposer d’aucun souvenir ou avoir fait du passé « table rase », d’autres paraissent prisonniers d’un accrochage nostalgique à une enfance merveilleuse, ou rivés à un passé douloureux à jamais accablant. Ainsi le thérapeute aura selon les circonstances à assumer un rôle de prospecteur, d’archiviste, de réinterprète, d’historien, voire d’embrayeur d’histoire.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Abstract

Remembering, again and again, to solve the enigma of a symptomatic expression related to a burrowed suffering, such is the response of a more or less zealous neurotic patient to his or her psychoanalyst's implicit expectations. The stream of screen memories is churned out in a transference field of attraction and renders the suitable material to develop successive drafts of a “explanatory biography”. Traumatic memories which are the most present in the patient's memory often get their affective and emotional charge from an afterwardsness effect and invite one to pursue research in other regredient ways towards an older past. It is evident though that the therapist is not able to reach “pure memories”, and that in the course of time only “pivotal” memories show up around which fantasies spin and strengthen. Yet we know about Freud's persistence, even after he gave up on his “Neurotica” in “searching for the source of the Nile”, that is to say having access to the oldest memories, and how he hung onto his first conception according to which fantasies would only emerge from a previous experience. The constructions from the psychoanalyst, put together based on his theoretical bedrock, have thus the function of filling in the gaps of memory and in favourable cases allow the patient's associations to be revitalised and help the emergence of even more concealed memories. They are also supposed to be plausible hypotheses for the reconstruction of traces from a non-memorable past. Memories also contribute to forge a sense of identity and come within the scope of everyone's “identificatory compromise”. Consequently, the therapist's role could consist of supporting the work of the “I, historian” his patient is trying to make, taking into account the narratives from his kin, the noteworthy moments in the course of his life, and the way he cares about his self-image. It comes down to the therapist to help the patient with splitting off from the official versions which summon him to an incontestable place in the generations succession or in the family dynamics. In this perspective, the psychotherapeutic work aims to give value to the memories that might lead to new prospects but may encounter difficult obstacles to overcome. A child in psychotherapy is barely preoccupied by remembering the past, which does not prevent him from being sensitive to the fact that his therapist might make references to material from former sessions or remind him what was going on at the moment they met. A teenager's position is fundamentally different: he might not tolerate being relegated to the persistent role of the infantile when he is trying to be acknowledged in his teenage identity. He can, however, rediscover the pleasure of telling, portraying himself as the therapist suggests wordings and rewordings. Naturally, each case appears to be different from one teenager to another, depending on the underlying psychopathological organisation of their personality. Some of them seem to have no memory or to have wiped out the past, while others seem to be nostalgically shackled by an idealised childhood or are riveted to a painful past, everlastingly overwhelming. Thus, depending on the circumstances, the therapist will have to take on roles such as the prospector, the archivist, the re-interpreter, the historian or even the one who engages the process of a life history.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Mots clés : Souvenirs, Mémoire autobiographique, Je historien, Psychothérapie enfants, Adolescents

Keywords : Memories, Autobiographical memory, “I, historian”, Child psychotherapy, Teenagers


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