Dans la continuité de nos recherches sur la médiation par le jeu de rôle, nous nous questionnons sur les modalités d’expression du transfert, compte tenu des caractéristiques de ce médium qui mêle activité de jeu et narration collective. À cet égard, nous faisons l’hypothèse qu’il mobilise une forme spécifique de transfert, à l’origine de mouvements thérapeutiques particuliers.

Nous avons rencontré deux groupes d’adolescents (7 au total) dans le cadre d’une médiation thérapeutique par le jeu de rôle, menée par un psychologue et un éducateur dans une institution de scolarisation adaptée. Nous avons conçu une grille de repérage des mouvements transférentiels permettant de caractériser la nature de ces mouvements et de différencier leur scène d’émergence, entre groupe et narration. Nous avons étudié les retranscriptions de l’intégralité des séances d’atelier pour mettre en évidence les processus émergents et leur évolution de manière longitudinale.

Nos résultats mettent en évidence un déploiement du transfert d’abord généralisé et marqué par des tendances massives à l’expression de l’agressivité, du déni ou du rejet de l’autre et du groupe. Au fil du temps, le mode de relation à l’objet semble évoluer, en s’appuyant sur le transfert qui s’engage avec les co-thérapeutes, et par l’intrication de ces relations aux plans actuels et narratifs.

Le jeu de rôle se révèle comme un lieu de projection de la dynamique relationnelle entretenue avec l’objet, et des représentations de la relation à l’autre. Le médium révèle alors les impasses de la création du lien et de la reconnaissance de la place de l’objet, les angoisses sous-jacentes, mais il devient également un transformateur des relations, parce qu’il permet l’émergence d’un transfert d’abord diffracté dans l’enveloppe narrative, qui autorise secondairement un mouvement de reprise et un apaisement des relations de groupe.

Le jeu de rôle offre des espaces de projection qui rendent compte de la souffrance liée à la situation de rencontre avec le groupe. Il est également le lieu d’où peuvent se déployer des dynamiques relationnelles protégées de la destructivité agie grâce au prisme de la narration et d’un transfert en trois temps qui contribue au processus d’historicisation, de mise en lien.

Following on from our research into mediation through role-playing games, we are investigating the ways in which transference is expressed given the characteristics of this medium which combines game activity and collective narrations. From this perspective, we hypothesize that it mobilises a specific form of transference at the origin of particular therapeutic movements.

We met with two groups of adolescents (7 adolescents altogether) in a therapeutic mediation through role-playing games, conducted by a psychologist and an educator in an adapted educational institution. We proposed a grid for identifying transference movements, making it possible to characterize the nature of these movements and to differentiate their scene of emergence between group and narrative. We studied the transcripts of all the workshop sessions to highlight the emerging processes and their evolution.

Our results showed that the transference was initially generalised and marked by massive tendencies to express aggression, denial or rejection of the other and the group. Over time, the mode of relationship to the object seemed to evolve, drawing on the transference enabled by the psychologist and the educator and by the link between relationships at the actual and narrative levels.

The role-playing game reveals itself as a place of projection of the relational dynamics and representations of the relationships. The medium then reveals the pitfall in the creation of a bond and the recognition of the object's place, and the underlying anxieties. However, it also becomes a transformer of relationships because it allows the emergence of a transference that is first diffracted in the narrative envelope, which secondly authorizes a movement of recovery and a relief of group relationships.

The role-playing game offers spaces for projection that takes account of the suffering linked to the situation of encounter within the group. It is also a place where relational dynamics can unfold, protected from the destructiveness of acting through the prism of narrative and a three-stage transfer that contributes to the process of historicization.