Aplasie médullaire acquise de l’enfant et de l’adulte jeune de moins de trente ans : expérience du service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique de l’hôpital 20 Août de Casablanca - 24/09/24
Acquired bone marrow aplasia in children and young adults under the age of 30: Experience of the Pediatric Hematology and Oncology Department of the 20 August Hospital, Casablanca
Résumé |
L’aplasie médullaire est une entité hématologique rare et sévère. Bien que bénigne, c’est une affection hématologique dont le pronostic peut se révéler fâcheux et l’évolution spontanée fatale. La prise en charge est longue, difficile et coûteuse. Dans les pays en voie de développement, le taux de mortalité est important en raison des difficultés de la prise en charge thérapeutique, aussi bien pour le traitement de support que pour le traitement spécifique. Nous avons réalisé une étude rétrospective intéressant 92 cas d’aplasie médullaire chez des patients âgés de moins de 30 ans, recensés au service d’hématologie et d’oncologie pédiatrique à l’hôpital universitaire 20 Août de Casablanca (le plus grand centre d’hématologie au Maroc), sur une période de dix ans (janvier 2010–janvier 2020). À travers ce travail, nous dressons un état des lieux et soulignons les difficultés rencontrées lors de la prise en charge des aplasies médullaires au Maroc. Dans notre étude, la moyenne d’âge était de dix-neuf ans avec des extrêmes allant de trois mois à 29 ans, le pic de fréquence a été observé chez les sujets âgés entre quinze et vingt ans. Le sexe ratio H/F était de 2,06 avec une prédominance masculine de 67 %. Dans notre série, seulement 35 % des patients présentaient un tableau d’insuffisance médullaire complet. Un syndrome anémique a été retrouvé chez 92 % des patients, les syndromes hémorragiques et infectieux étaient présents chez 70 % et 41 % des patients respectivement. Le délai moyen entre le diagnostic et la prise en charge était de 82jours. Selon le score de Camitta, 31 % de nos patients étaient atteints d’une aplasie médullaire peu sévère, 41 % d’une aplasie médullaire sévère tandis que 28 % présentaient une aplasie médullaire très sévère. Après bilan étiologique, nous avons retenu 90 % d’aplasies médullaires idiopathiques, 2 % d’aplasie médullaire constitutionnelles, et 8 % d’aplasie médullaire acquises secondaires : post-hépatique (trois cas), toxique (deux cas), médicamenteuse (un cas), HPN aplasiante (un cas). Le taux de décès durant les trois premiers mois suivant le diagnostic était de 21 %. Soixante-neuf pour cent de nos patients ont bénéficié d’un traitement spécifique : 28 ont été traités par la ciclosporine (CIS) seule en première intention, 20 ont eu recours à l’association du sérum anti-lymphocytaire et de la ciclosporine, deux ont bénéficié d’une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (GCSH), tandis que trois ont été traités par androgènes seuls. La réponse globale sous CIS était de 30 %, sous SAL+CIS était de 42 %, et après greffe de cellules souches hématopoïétiques était de 100 %. Dans notre étude, le taux global de décès était de 44 %, tandis que le taux de survie à un an était de 40 %. Il est important de préciser que les chocs septiques étaient la principale cause de décès (53 % des décès) suivis des chocs hémorragiques (24 % des décès). Ceci souligne la carence retrouvée en matière de réanimation hématologique et de traitement symptomatique. Notre étude multivariée définit les facteurs de risque suivants comme étant des facteurs prédictifs d’une moindre survie : l’âge supérieur à seize ans (RR : 3,28 ; IC : 1,29–8,33 ; p=0,012), les PNN inférieurs à 200 ou aplasie médullaire très sévère (RR : 3,01 ; 1,1–8,08 ; p=0,028), et la non-instauration de traitement spécifique (RR : 4,07 ; 1,77–9,35 ; p=0,0003). Le taux élevé de mortalité globale dans notre série était secondaire à plusieurs facteurs : l’inaccessibilité aux thérapies efficientes, le retard diagnostic, l’absence d’instauration du traitement spécifique, l’insuffisance en matière de traitement symptomatique mais aussi l’inaccessibilité géographique et financière.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Summary |
Bone marrow aplasia is a rare and serious hematologic disorder. Although benign, it is a hematologic disorder whose prognosis can be poor and whose spontaneous development can be fatal. Treatment is long, difficult and costly. In developing countries, the mortality rate is high due to the difficulties of therapeutic management, both supportive and specific. We conducted a retrospective study of 92 cases of AM identified in the Pediatric Hematology and Oncology Department of the 20 Août University Hospital in Casablanca over a 10-year period (January 2010–January 2020). In this work, we present an overview of the situation and highlight the difficulties encountered in the management of AM in the Pediatric Hematology and Oncology Department of the University Hospital of Casablanca. In our study, the mean age was 19 years, ranging from 3 months to 29 years, with a peak in the 15–20 age group. The sex ratio (M/F) was 2.06, with a male predominance of 67%. In our series, only 35% of patients had complete bone marrow failure. An anemic syndrome was present in 92% of patients, and hemorrhagic and infectious syndromes were present in 70% and 41% of patients, respectively. The median time from diagnosis to treatment was 82 days. According to the Camitta score, 31% of our patients had mild AM, 41% had severe AM, and 28% had very severe AM. After etiologic evaluation, we concluded that 90% of the patients had idiopathic bone marrow aplasia, 2% had constitutional bone marrow aplasia, and 8% of the patients were suspected to have secondary bone marrow aplasia: post-hepatitis (3 cases), toxic (2 cases), drug-induced (1 case), and aplastic PNH (1 case). Mortality in the first three months after diagnosis was 21%. Sixty-nine percent of our patients received specific treatment: 28 were treated with cyclosporin (CIS) alone as first-line therapy, 20 received a combination of antilymphocyte serum (ALS) and cyclosporin, 2 received hematopoietic stem cell transplantation (HSCT), while 3 were treated with androgens alone. The overall response rate was 30% with CIS, 42% with ALS+CIS and 100% with HSCT. In our study, the overall death rate was 44%, while the one-year survival rate was 40%. It is important to note that septic shock was the leading cause of death (53% of deaths), followed by hemorrhagic shock (24%). This highlights the lack of hemodynamic resuscitation and symptomatic treatment. Our multivariate study defined the following risk factors as predictive of worse survival: age greater than 16 years (RR: 3.28; CI: 1.29–8.33; P=0.012), PNN less than 200 or very severe bone marrow aplasia (RR: 3.01; 1.1–8.08; P=0.028), and failure to receive any specific treatment (RR: 4.07; 1.77–9.35; P=0.0003). The high overall mortality in our series was due to several factors: inaccessibility to effective therapies, delayed diagnosis, failure to initiate specific treatment, inadequate symptomatic treatment, and geographical and financial inaccessibility.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Mots clés : Aplasie médullaire acquise, Épidémiologie, Pronostic, Prise en charge
Keywords : Acquired bone marrow aplasia, Epidemiology, Prognosis, Management
Plan
Vol 111 - N° 10
P. 944-954 - octobre 2024 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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