Le présent article propose une revue des différentes méthodes phénoménologiques en philosophie et leur impact dans l'histoire de la pensée psychiatrique. L'enjeu de cet article consiste à montrer que la phénoménologie comme méthode rigoureuse de description de l'expérience vécue est indispensable pour une psychiatrie d'ambition scientifique. En partant du projet épistémologique d'Edmund Husserl, nous montrons comment, historiquement, des cliniciens et des psychiatres ont été inspirés par le geste critique spécifique qui était le déclencheur du mouvement phénoménologique. Après une présentation des méthodes et problèmes classiques, nous présenterons les limites épistémologiques de la phénoménologie standard. Nous rappelons que la phénoménologie ne peut décrire que l'expérience en tant qu'elle est vécue, et cela en mettant hors de circuit les préjugés préalables du chercheur. Ce geste trouve sa fécondité en psychiatrie pour penser la rencontre clinique de manière rigoureuse. Présentant les découvertes méthodologiques du fondateur de la psychopathologie phénoménologique, Karl Jaspers, nous montrons aussi les limites de son approche, qui seront ensuite dépassées par le seconde génération, incarnée par Ludwig Binswanger et Eugène Minkowski. Ces auteurs ont insisté sur le fait que la psychiatrie ne peut se fonder qu'en prenant en compte la dimension humaine de l'expérience pathologique. Enfin, nous exposons la fécondité des recherches contemporaines en psychiatrie autour de ce que nous avons appelé une phénoménologie de l'inapparent : les psychopathologies du sens commun, de l'ipséité et de la corporéité. Ces analyses aboutissent à la conclusion qu'une anthropologie phénoménologique est indispensable à la fondation épistémologique rigoureuse de la psychiatrie clinique qui prend l'expérience humaine comme son point de départ incontournable.