Les pavés du dire, ou quand la rue se fait réseau soignant - 13/06/24
The cobblestones of saying, or when the street becomes a caregiving network
Résumé |
Objectifs |
« Je suis un SDF logé ». Cette parole dit quelque chose de l’expérience de construction de l’adresse – terme dont on entend d’emblée la polysémie, eu égard aux pratiques de soin avec des personnes fréquentant ou ayant fréquenté la rue. En quoi la rue se constitue-t-elle, sous certaines conditions, comme constellation soignante ?
Méthode |
La rue est ici envisagée dans une perspective orientée par la psychothérapie institutionnelle, la psychanalyse lacanienne et la phénoménologie. Fil conducteur du propos, un itinéraire particulier est abordé dans une dimension d’après-coup propre à délivrer quelque enseignement concernant, d’une part, la fabrique d’« espaces d’habitabilité » (de Certeau) et, d’autre part, la « fonction soignante partagée » (Tosquelles). Sont discutées les portées cliniques de ces repérages, ainsi que leurs effets sur les dispositifs d’accompagnement et d’hébergement destinés aux personnes dites « sans abri » et « sans-domicile-fixe ».
Résultats |
La rue n’existe pas : c’est un préalable à toute pratique possible avec qui y séjourne, y vit ou l’emprunte. Ainsi, il n’est pas de « rue » qui puisse être essentialisée : elle est faite et défaite en permanence par celui ou celle qui la traverse et l’habite. Les usages de la rue – les modalités de l’habiter – s’envisagent au cas par cas. S’esquisse alors une différenciation entre circulation, itinérance et errance à l’appui du concept d’« énonciation piétonnière » proposé par Michel de Certeau.
Discussion |
Habiter relève d’une tentative où s’enchevêtrent rêverie, idéal et impossible. La fabrique d’espaces habitables se constitue entre abris, domiciles, déplacements et circulations. Dans une perspective clinique, tenir compte de ces modalités singulières d’habiter est un préalable à toute rencontre possible, laquelle peut, de surcroît et à l’occasion, avoir des effets thérapeutiques voire psychothérapeutiques.
Conclusion |
Dans ce contexte, l’abord clinique gagnera à se garder d’une posture unanimement militante, d’un repli théorique, d’une bienveillance charitable comme d’une volonté de réinsertion à tout prix. Glissements qui ne manquent pas d’être révélés comme tels dans les chevêtres d’une pratique appelée à une nécessaire polyphonie.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Abstract |
Goals |
“I am a housed homeless person”. This statement says something about the experience of constructing an address – a term whose polysemy is immediately obvious in the context of therapeutic practices with people who frequent or have frequented the street. Under certain conditions, how can the street become a constellation of care?
Method |
The street is considered here from the perspective of institutional psychotherapy, Lacanian psychoanalysis, and phenomenology. I take a retrospective look at a clinical case, providing insights into, on the one hand, the creation of “spaces of habitability” (de Certeau) and, on the other, the “shared caregiving function” (Tosquelles). I discuss the clinical implications of these findings, as well as their impact on support and accommodation services for the unhoused.
Results |
The street doesn’t exist: this is a prerequisite for any possible practice with whoever stays, lives, or makes use of the street. Thus, there is no “street” that can be essentialized: it is constantly made and unmade by those who cross it and inhabit it. The uses of the street – the ways in which it is inhabited – are considered on a case-by-case basis. A distinction between circulation, homelessness, and wandering is then sketched out, based on the concept of “pedestrian enunciation” (Michel de Certeau).
Discussion |
Dwelling is always an attempt at dealing with dreams, ideals, and the impossible. Inhabitable spaces are created between shelters, homes, displacements, and circulations. From a clinical perspective, taking these singular ways of living into account is a prerequisite for any possible encounter. Sometimes, this encounter has therapeutic or even psychotherapeutic effects.
Conclusion |
In light of the above, clinicians should be mindful of adopting a unanimously militant stance, a theoretical withdrawal, charitable kindness, or a desire to rehabilitate at all costs. These slippages are inevitably revealed as such in the interstices of a practice that should be polyphonic.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Mots clés : Rue, Sans-domicile-fixe, Fonction soignante, Transfert multiréférentiel, Psychothérapie institutionnelle
Keywords : Street, Homeless, Shared caregiving function, Multi-referentiel transference, Institutional psychotherapy
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