S'abonner

Réussite d’un rechallenge après syndrome 3M induit par les inhibiteurs du checkpoint immunologique : à propos d’un cas - 08/06/24

Doi : 10.1016/j.revmed.2024.04.211 
F. Rezungles 1, V. Sibaud 2, J. Dion 1, A. Pastissier 1, K. Delavigne 1, V. Blanchard 3, A. Laforet 4, P. Cougoul 1, O. Rauzy 1, T. Comont 1, V. Rivet 1,
1 Médecine interne et immunopathologie clinique, IUCT Oncopole, Toulouse 
2 Dermatologie, IUCT Oncopole, Toulouse 
3 Cardiologie, CHU de Toulouse, Toulouse 
4 Neurologie, CHU de Toulouse, Toulouse 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

Les inhibiteurs de checkpoints immunologiques (ICI), utilisés de plus en plus fréquemment en thérapie anti-cancéreuse, sont associés à un large spectre d’effets indésirables immuno-induits (irAEs) parmi lesquels de rares syndromes associant myasthénie, myosite et myocardite, (syndrome 3M). Devant la gravité clinique, une contre-indication absolue au ICI est alors généralement préconisée après cette toxicité et un rechallenge n’a pas encore été décrit. Nous présentons ici le cas d’un patient ayant présenté un syndrome 3M immuno-induit, ayant bénéficié d’un rechallenge par le nivolumab.

Observation

Un patient de 73 ans était pris en charge pour un mélanome, non muté BRAF, d’emblée métastatique au niveau ganglionnaire et pulmonaire. En novembre 2020, il recevait une première cure d’une combinaison nivolumab-ipilimumab (respectivement 1 et 3mg/kg). À 4 semaines, il présentait un psoriasis de grade 1, un diabète immuno-induit et une cytolyse hépatique mixte de grade 1. Deux jours après la seconde cure, il présentait brutalement des troubles de la déglutition, un ptosis bilatéral et une dyspnée s’aggravant rapidement et nécessitant une prise en charge en réanimation avec intubation orotrachéale. Sur le plan biologique il était mis en évidence une élévation de la troponine I à 1200ng/L (N<60,4ng/L) et des CPK à 3000UI/L (N 20–190UI/L). Le bilan immunologique était négatif, notamment la recherche des anti-Rach et anti-Musk. L’EMG confirmait un décrément significatif sur l’anconé gauche en faveur d’une myasthénie et l’IRM cardiaque retrouvait une prise de contraste transmurale du segment inféro-latéro-basal, sans anomalie de la cinétique segmentaire, compatible avec le diagnostic de myocardite. Nous confirmions alors un syndrome 3M immuno-induit. La prise en charge consistait en une corticothérapie (2mg/kg), 8 échanges plasmatiques (EP) et de la pyridostigmine, sans amélioration initialement. À 5 jours du début du traitement, l’abatacept était associé permettant une évolution favorable. La corticothérapie et la pyridostigmine étaient progressivement stoppés à respectivement à 4 et 5 mois de leur introduction. Sur le plan oncologique, une rémission métabolique complète était constatée. Cependant en mars 2022, une récidive cutanée, ganglionnaire et osseuse (lésion sternale) était mise en évidence, résistante à une nouvelle ligne de chimiothérapie (témolozomide). Le patient n’était pas éligible à une thérapie ciblée ou à un essai clinique. Dans ce contexte d’impasse thérapeutique, après discussion des risques avec le patient et après validation en RCP dédiée, le nivolumab en monothérapie était repris en avril 2023. En janvier 2024, après 16 cures, le patient n’avait pas présenté de complication immuno-induite à plus de 9 mois et une réponse partielle sur le plan oncologique était confirmée avec notamment une nette régression de la lésion osseuse sternale.

Discussion

À notre connaissance il s’agit du premier cas décrit de rechallenge après un syndrome 3M. Les complications neurologiques des ICIs, dont les myosites et myasthénies, sont compliquées d’atteintes myocardiques dans 10 % des cas, leur conférant un pronostic péjoratif avec une mortalité intra-hospitalière de 60 % [1]. Le syndrome 3M survient essentiellement chez des patients âgés (médiane de 71 ans au diagnostic), en cas de combinaison d’ICIs et principalement dans les 3 premiers mois de traitement [1]. La prise en charge habituellement proposée du syndrome 3M associe une corticothérapie à fortes doses associée à des immunoglobulines intraveineuses (IgIV) ou des EP [1]. Une contre-indication absolue à l’immunothérapie est alors classiquement retenue. Dans les cas de myosites immuno-induites, les données de rechallenge semblent tout de même favorables, y compris dans les formes graves [2, 3]. Il existe un seul cas décrit dans la littérature de rechallenge suite à une myocardite, également sans récidive d’irAEs. Dans notre cas, la reprise d’une monothérapie n’a pas été associée à une récidive de la toxicité et permettait l’obtention d’une réponse oncologique. Le délai de suivi est tout de même court et ne pouvons pour le moment pas exclure la survenue d’une toxicité immuno-induite tardive.

Conclusion

En cas de syndrome 3M induit par une combinaison d’ICIs, la contre-indication absolue au rechallenge doit rester la règle. En cas d’impasse thérapeutique, de rémission complète des toxicités cardiaques et neurologiques et après information du patient des risques encourus, la reprise d’ICI en monothérapie pourrait se discuter, au cas par cas, en RCP dédiée.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Plan


© 2024  Publié par Elsevier Masson SAS.
Ajouter à ma bibliothèque Retirer de ma bibliothèque Imprimer
Export

    Export citations

  • Fichier

  • Contenu

Vol 45 - N° S1

P. A248-A249 - juin 2024 Retour au numéro
Article précédent Article précédent
  • S’agit-il de complications tardives du nivolumab 18 mois après la perfusion ?
  • E. Berthoux, R. Euvrard, L. Pérard, S. Assaad, C. Lesiuk, N. Bihry, T. Perret, H. Boyle
| Article suivant Article suivant
  • Syndrome pneumo-rénal en médecine interne : l’alarme qui sonne !!!
  • F. Said, I. Naceur, T. Ben Achour, M. Jridi, M. Lamloum, I. Ben Ghorbel, M. Smiti

Bienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L’accès au texte intégral de cet article nécessite un abonnement.

Déjà abonné à cette revue ?

Mon compte


Plateformes Elsevier Masson

Déclaration CNIL

EM-CONSULTE.COM est déclaré à la CNIL, déclaration n° 1286925.

En application de la loi nº78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez des droits d'opposition (art.26 de la loi), d'accès (art.34 à 38 de la loi), et de rectification (art.36 de la loi) des données vous concernant. Ainsi, vous pouvez exiger que soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations vous concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte ou l'utilisation ou la conservation est interdite.
Les informations personnelles concernant les visiteurs de notre site, y compris leur identité, sont confidentielles.
Le responsable du site s'engage sur l'honneur à respecter les conditions légales de confidentialité applicables en France et à ne pas divulguer ces informations à des tiers.


Tout le contenu de ce site: Copyright © 2024 Elsevier, ses concédants de licence et ses contributeurs. Tout les droits sont réservés, y compris ceux relatifs à l'exploration de textes et de données, a la formation en IA et aux technologies similaires. Pour tout contenu en libre accès, les conditions de licence Creative Commons s'appliquent.