Un diagnostic qui coule de source - 08/06/24
Résumé |
Introduction |
L’information nécessaire au diagnostic et au pronostic d’un lymphome est actuellement obtenue par le biais d’une biopsie tissulaire, un geste invasif, pouvant limiter sa réalisation. La biopsie liquide consiste en l’amplification pour analyse de l’ADN tumoral circulant à partir d’un prélèvement de sang périphérique. L’étude de l’ADN libre tumoral permet également de définir les caractéristiques moléculaires de l’hémopathie maligne avec des enjeux pronostiques et de prévention des rechutes. La technique repose majoritairement sur un séquençage nouvelle génération (NGS), qui permet le séquençage de loci d’intérêt dans l’ADN plasmatique circulant, y compris présents dans de faibles quantités. Des études cliniques en oncologie solide et en hématologie, ont déjà montré l’intérêt de ces techniques dans le cadre du génotypage y compris lorsque la masse tumorale est faible, mais également pour déterminer la charge tumorale, pour le suivi de la maladie résiduelle après traitement, et la détection précoce d’une rechute.
Ici, nous présentons un cas illustrant l’intérêt de la biopsie liquide à visée diagnostique.
Observation |
Un homme de 63 ans, actif et autonome, sans antécédent personnel ou familial, se présente initialement avec fièvre nocturne récidivante, altération de l’état général et bicytopénie avec anémie et neutropénie. Des explorations à visée hématologique comprenant myélogramme, biopsie ostéomédullaire, recherche de clone HPN, bilan de cytopénie, phénotypage des lymphocytes circulants et de la moelle, ne permettent pas de retrouver d’étiologie. Les examens d’imagerie comprenant notamment une TDM thoraco-abdominopelvienne, un TEP-scanner, ne mettent pas en évidence de masse éligible à une biopsie, mais une splénomégalie hypermétabolique, ainsi qu’une hyperfixation ostéomédullaire diffuse. Quelques adénopathies juxta-centimétriques hypermétaboliques, non palpables, sont mises en évidence. Un traitement par prednisone 1mg/kg et plusieurs lignes d’antibiothérapie sont introduites sans efficacité.
Les cytopénies s’aggravent avec tableau d’érythrobastopénie, hémolyse intramédullaire et apparition d’une thrombopénie nécessitant un recours transfusionnel de culots globulaires et plaquettaires réguliers avec rendement transfusionnel médiocre. Il n’est pas retrouvé de schizocytes en faveur d’une micro-angiopathie thrombotique mais un test de Coombs positif en IgG. La recherche de clone HPN est négative. Un bilan infectieux large, comprenant une recherche d’endocardite à hémocultures négatives et de tuberculose est négatif, il n’est pas retrouvé d’argument pour une connectivite.
Les cytopénies sont moins bien tolérées cliniquement avec épisodes hypotensifs sans argument pour une complication infectieuse nécessitant un passage en réanimation.
Les examens d’imagerie et à visée hématologique sont répétés et élargis par des études cytogénétiques par NGS sur cellules circulantes et de la moelle avec panels myéloïdes et lymphoïdes, sans rentabilité en dehors de la mise en évidence d’une hématopoïèse clonale.
Dans l’hypothèse d’un syndrome d’Evans ou d’une aplasie médullaire, la corticothérapie est poursuivie. Devant l’aggravation des cytopénies, des traitements successifs par ciclosporine, rituximab, EPO, G-CSF et eltrombopag sont introduits sans amélioration des cytopénies.
Il apparaît un syndrome d’activation macrophagique nécessitant l’introduction d’étoposide, permettant une amélioration clinicobiologique incomplète et transitoire.
Parallèlement, les résultats de la biopsie liquide réalisée 15 jours auparavant avec séquençage haut débit de l’ADN libre circulant sur un panel lymphoïde, mettent en évidence une sous-population lymphoïde présentant une mutation L265P de MYD88, une mutation de FOXO1, une mutation de PIM1, deux mutations de PRDM1 et une mutation de TP53, portant le diagnostic de lymphome B diffus à grandes cellules. Un traitement par R-CHOP est initié et permet une amélioration clinique et biologique significative.
Conclusion |
Dans ce cas de diagnostic difficile dans un contexte fortement évocateur d’hémopathie lymphoïde avec manifestations hématologiques et inflammatoires aspécifiques, sans rentabilité d’un bilan large, la biopsie liquide a permis le diagnostic et l’initiation d’un traitement. Les caractéristiques de sensibilité diagnostique et pronostique, la capacité à orienter la prise en charge thérapeutique et le caractère non invasif sont autant d’arguments faisant de cette technique innovante un outil supplémentaire à envisager pour le diagnostic des hémopathies malignes dans des situations d’incertitude diagnostique.
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Vol 45 - N° S1
P. A246-A247 - juin 2024 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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