S'abonner

Os de verre, foie multinodulaire, ascite réfractaire : la clé du diagnostic était vasculaire… et moléculaire - 08/06/24

Doi : 10.1016/j.revmed.2024.04.021 
A. Renaud 1, , I. Archambeaud 2, P. Bore 3, L. Galmiche 4, A. Néel 5
1 Médecine interne, Hôtel-Dieu De Nantes, Nantes 
2 Hépato-gastro-enterologie, Hôtel-Dieu - CHU de Nantes, Nantes 
3 Oncologie médicale, institut de cancérologie de l’Ouest (ICO) - site de Nantes/Saint-Herblain, Saint-Herblain 
4 Laboratoire d’anatomo-pathologie, Hôtel-Dieu - CHU de Nantes, Nantes 
5 Médecine interne, centre hospitalier universitaire de Nantes, Nantes 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

En médecine interne, les enquêtes diagnostiques complexes nécessitent souvent une collaboration interdisciplinaire, au niveau local et parfois national. Nous présentons le cas d’une patiente chez qui a été posé le diagnostic d’une forme multiviscérale exceptionnelle de tumeur vasculaire épithélioïde par réarrangement ESWR1::NFACT2. La confrontation anatomoclinique et le recours à une expertise moléculaire ont été les deux éléments clés d’un processus diagnostic intensément collaboratif.

Observation

Une patiente de 39ans, asthmatique traitée et tabagique sevrée, s’était vu découvrir en 2020 à l’occasion d’une cholécystectomie de multiples lésions ostéocondensantes et ostéolytiques du squelette axial et périphérique proximal, de multiples nodules hépatiques d’allure vasculaire, ainsi qu’une atteinte péritonéale. Les prélèvements opératoires n’avaient pas apporté de diagnostic. La patiente, asymptomatique, fut perdue de vue. À l’été 2022, la patiente développait une ascite récidivante exsudative nécessitant des ponctions évacuatrices itératives. L’état général était conservé et la biologie usuelle normale, sans dysfonction hépatique ni hypoalbuminémie. L’imagerie (TDM, IRM, TEP) objectivait les mêmes lésions nodulaires sus-décrites, peu hypermétaboliques et peu évolutives en nombre et en taille, sans orientation étiologique. La biopsie hépatique trans-jugulaire révélait un foie d’architecture normale, sans néoplasie ni granulome, mais avec un aspect de dilatation sinusoïdale centro-lobulaire. Le cathétérisme hépatique objectivait une hypertension portale. Après discussion pluridisciplinaire, il a été conclu à une hypertension portale non cirrhotique avec un bloc sus-hépatique en lien avec un pseudo Budd-Chiari sur compression extrinsèque des veines sus-hépatiques (nodules hépatiques et engainement par le péritoine). L’ensemble des explorations et prélèvements à visée infectieuse et immuno-hématologique était négatif. En cœlioscopie le péritoine était d’aspect inflammatoire et multinodulaire. Les biopsies décrivaient des plages de remaniements fibreux peu inflammatoires et associés à une hyperplasie capillaire étiquetée réactionnelle. Une relecture nationale arrivait à la même conclusion. Pourtant, la présentation clinique, radiologique et la macroscopie cœlioscopique suggéraient un processus multiviscéral primitivement vasculaire. Plusieurs biopsies osseuses sous contrôle TDM étaient non contributives (artéfacts d’écrasement). Finalement une simple biopsie ostéo-médullaire à l’aveugle en iliaque postéro-supérieur révélait des lésions vasculaires atypiques avec réaction ossifiante périphérique. Le dossier était de nouveau discuté en RCP nationale (tumeur osseuse rare). Les anomalies histologiques osseuses étaient compatibles avec un angiosarcome mais l’évolution clinicoradiologique de la patiente était discordante. Une étude moléculaire de la biopsie péritonéale était préconisée (Centre Léon-Bernard, Lyon). Celle-ci permis de mettre évidence un réarrangement EWSR1::NFATC2 responsable d’une forme exceptionnelle de tumeur vasculaire épithélioïde.

Discussion

Cette patiente présentait une atteinte hépatique, péritonéale et osseuse indolente étendue et qui restait non étiquetée malgré de multiples explorations, en particulier, histologiques. Les discussions anatomoclinique avec hépatologues, radiologues et anatomopathologiste, ainsi que l’acharnement biopsique aboutirent finalement à orienter l’enquête vers une prolifération vasculaire. Le recours au réseau national et à un laboratoire de biologie moléculaire spécialisé permis finalement de confirmer cette hypothèse par la mise en évidence d’une anomalie moléculaire rare. Les tumeurs présentant des fusions de gènes EWSR1::NFATC2 ont un large spectre de morphologie et de comportement biologique, et incluent des malformations vasculaires, des hémangiomes, des tumeurs vasculaires épithélioïdes, des kystes osseux, et des sarcomes à cellules rondes. Les analyses en biologie moléculaire sont routinières en oncologie pédiatrique. En médecine interne, elles ont bouleversé l’approche de certaines proliférations cellulaires atypiques (histiocytose, etc). Pour les patients mettant en défaut les cadres diagnostics usuels, le recours au séquençage haut débit (e.g. Plateforme Sequoia) pourrait peut-être permettre d’améliorer la prise en charge, voire d’identifier de nouvelles entités, comme ce fut le cas pour le syndrome VEXAS.

Conclusion

Notre cas est une bonne illustration de la complexité de certaines situations diagnostiques et du caractère essentiel de la collaboration pluridisciplinaire, notamment avec l’anatomo-pathologiste et le « moléculariste » orienté. La démocratisation des approches de biologie moléculaire permettra peut-être de limiter l’errance diagnostique de patients souffrant de proliférations cellulaires inclassables.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

Plan


© 2024  Publié par Elsevier Masson SAS.
Ajouter à ma bibliothèque Retirer de ma bibliothèque Imprimer
Export

    Export citations

  • Fichier

  • Contenu

Vol 45 - N° S1

P. A139 - juin 2024 Retour au numéro
Article précédent Article précédent
  • Une cause auto-immune rare de hoquet : le syndrome de l’area postrema
  • J. Dollon, B. De Sainte-Marie, A. Briantais, R. Sylvain, D. Sarah, H. Frédéric, N. Schleinitz
| Article suivant Article suivant
  • Syndrome H : un diagnostic à ne pas méconnaître
  • M. Cherif, S. Gara, T. Ranim, I. Chabchoub, N. Litaiem, M. Jones, F. Zeglaoui

Bienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L’accès au texte intégral de cet article nécessite un abonnement.

Déjà abonné à cette revue ?

Mon compte


Plateformes Elsevier Masson

Déclaration CNIL

EM-CONSULTE.COM est déclaré à la CNIL, déclaration n° 1286925.

En application de la loi nº78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez des droits d'opposition (art.26 de la loi), d'accès (art.34 à 38 de la loi), et de rectification (art.36 de la loi) des données vous concernant. Ainsi, vous pouvez exiger que soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations vous concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte ou l'utilisation ou la conservation est interdite.
Les informations personnelles concernant les visiteurs de notre site, y compris leur identité, sont confidentielles.
Le responsable du site s'engage sur l'honneur à respecter les conditions légales de confidentialité applicables en France et à ne pas divulguer ces informations à des tiers.


Tout le contenu de ce site: Copyright © 2024 Elsevier, ses concédants de licence et ses contributeurs. Tout les droits sont réservés, y compris ceux relatifs à l'exploration de textes et de données, a la formation en IA et aux technologies similaires. Pour tout contenu en libre accès, les conditions de licence Creative Commons s'appliquent.