Témoigner aux procès après une catastrophe sociale : une tentative de restauration des garants métasociaux démocratiques - 06/12/23
Testifying at trials following a social catastrophe: An attempt to restore democratic metasocial guarantors
, M. Katz-Gilbert, A. DermitzelRésumé |
Contexte |
Cette étude explore les répercussions subjectives et groupales de la disparition forcée de personnes dans le contexte des dictatures latino-américaines des années soixante-dix. Pour saisir les ressorts d’une telle violence d’État, nous nous appuyons sur l’approche psychanalytique des groupes et des institutions. La répression politique instaurée dans ce contexte entraîne « une catastrophe sociale » (Puget et al., 1989) : suite à l’effondrement des garants métasociaux démocratiques, le contexte sociopolitique et institutionnel devient méconnaissable. Dans l’après-coup des innombrables crimes qui sont légitimés par les juntes, certains proches de disparus luttent pendant des décennies contre l’impunité des coupables en exigeant que justice soit faite.
Objectifs |
Nous souhaitons explorer quelles sont, pour les proches de disparus, les différentes fonctions associées au fait de témoigner dans le cadre de procès.
Méthode |
Dans le cadre d’une recherche qualitative, nous avons rencontré vingt-neuf proches de disparus vivant en Suisse. Nous avons analysé les entretiens semi-structurés au moyen d’une analyse thématique de contenu. Nous présentons certains résultats des analyses transversales en les illustrant par une étude de cas emblématique de l’ensemble.
Résultats |
Pour les proches de disparus, témoigner dans le cadre d’un procès semble constituer une voie royale pour participer activement à la restauration des garants métasociaux démocratiques. Ce faisant, les proches cherchent un étayage sur un collectif et particulièrement sur les institutions lorsqu’elles recouvrent leur fonction protectrice contre la violence d’État. En témoignant, ils contribuent à relancer les contrats narcissiques et plus largement tentent de redonner un visage humain tant à la personne disparue, qu’à ses proches et aux bourreaux.
Interprétation |
Le travail de mémoire et la lutte pour promouvoir la justice semblent omniprésents dans les pratiques réalisées par les proches de disparus, et ce, même cinquante ans plus tard. Afin d’inscrire les crimes dans l’Histoire et de lutter contre la politique systématique d’effacement des crimes, certains proches de disparus se sentent investis par une mission : informer et dénoncer les crimes politiques, ce qui leur permet également de symboliser, autant que faire se peut, la catastrophe et leur propre histoire. Cette recherche est bien sûr limitée vu le nombre de participants et l’unicité de l’entretien de recherche. Il serait pertinent d’approfondir les études portant sur les répercussions subjectives et groupales de tels violences d’État et leur impact transgénérationnel afin de favoriser l’écoute clinique des proches de disparus et de leurs descendants.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Abstract |
Context |
This study explores the subjective and group repercussions of forced disappearance in the context of Latin American dictatorships in the 1970s. To comprehend the dynamics of such state violence, the study draws on a psychoanalytic approach of groups and institutions. The political repression during this era leads to a “social catastrophe” (Puget et al., 1989): following the collapse of democratic meta-social guarantors, the socio-political and institutional context becomes unrecognizable. In the aftermath of numerous crimes legitimized by the juntas, relatives of the disappeared have been fighting for decades against the impunity of the culprits, demanding justice be served.
Objectives |
The study aims to explore the various functions associated with testifying in trials for relatives of the disappeared.
Method |
As part of a qualitative study, we interviewed twenty-nine relatives of disappeared people living in Switzerland. We analyzed the semi-structured interviews using thematic content analysis. We present some of the results of the cross-sectional analyses, illustrating them with a case study emblematic of the whole.
Results |
For relatives of the disappeared, testifying in a trial seems to be a royal road to actively participate in the restoration of democratic meta-social guarantors. In doing so, these relatives seek support from a collective and particularly from institutions, especially when these institutions regain their protective function against state violence. By testifying, they contribute to revitalizing narcissistic contracts and, more broadly, attempt to humanize not only the disappeared person but also their relatives and the perpetrators.
Interpretation |
Memory work and the struggle for justice appear to be prevalent in the practices undertaken by close relatives of the disappeared, even fifty years later. Some of these relatives feel invested with a mission to memorialize and denounce political crimes in order to place them within history and to combat systematic erasure of crimes. This mission also allows them to symbolize, as far as possible, the catastrophe and their own history. This research is of course limited by the number of participants and the unique research interview. Further studies on the subjective and group repercussions of such state crimes and their transgenerational impact would be relevant to promote clinical listening to the relatives of the disappeared and their descendants.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Mots clés : Violence d’État, Disparition forcée, Institution, Témoignage, Garants métasociaux
Keywords : State violence, Forced disappearance, Institution, Testimony, Meta-social guarantors
Plan
Vol 7 - N° 3
Article 100386- décembre 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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