Le prurit est une sensation déplaisante provoquant le besoin de se gratter en réponse à des stimulus chimiques (prurit chimique) ou mécaniques (prurit mécanique). Lors d’un prurit chronique, l’alloknésie, prurit mécanique provoqué par des stimuli mécaniques qui, en situation physiologique, sont associés au tact fin et non au prurit, est fréquemment décrite par les patients atteints de prurit chronique (dermatite atopique, psoriasis, ou prurigo nodulaire). L’implication des dômes tactiles, récepteurs du tact fin, constitués de cellules de Merkel et de fibres nerveuses Aβ reliées entre elles par des contacts synaptiques a été récemment rapportée. Une raréfaction des fibres Aβ ou un défaut d’activation de ces dernières par les cellules de Merkel déficientes en PIEZO2, principal mécanorécepteur, sont en effet responsables d’une levée d’inhibition du prurit mécanique dans des modèles murins. Il est ainsi démontré que les cellules de Merkel sont capables de percevoir les stimulus mécaniques conduisant au prurit mécanique. Par ailleurs, chez l’homme, le profil d’activation des mécanorécepteurs cutanés responsables de la perception du prurit mécanique est évocateur l’intervention de fibres C. Étonnamment, alors qu’il est connu que des fibres C et Aδ sont présentes dans les dômes tactiles humains en plus des fibres Aβ, leur(s) rôle(s) reste(nt) inconnu(s) et aucun contact avec les cellules de Merkel n’a été identifié à ce jour. Notre hypothèse est que les cellules de Merkel pourraient communiquer avec les fibres C/Aδ présentes dans les dômes tactiles par l’intermédiaire de synapses pour initier le prurit mécanique et être donc impliquées dans l’alloknésie.

La mise en place d’un modèle de co-culture homologue de rat alliant cellules de Merkel et neurones sensoriels a été réalisée. Une étude immunohistochimique en microcopie confocale a été faite sur ce modèle pour caractériser les cellules dans la culture, identifier et définir la nature des contacts entre les différents types cellulaires. Ainsi, les cellules de Merkel ont été identifiées à l’aide de la cytokératine 20 et la discrimination des types de fibres a été réalisée à l’aide d’un double immunomarquage : neurofilament « chaîne lourde » et périphérine. Les contacts ont été caractérisés avec des protéines pré-synaptiques : synaptophysine et protéine membranaire associée aux vésicules 2.

Des contacts de type synaptique entre des cellules de Merkel et des fibres C/Aδ ont été mis en évidence dans le modèle grâce à l’identification de protéines pré-synaptiques dans les cellules de Merkel en regard de ces zones de contact.

L’identification des récepteurs sensoriels responsables de l’initiation du prurit mécanique est essentielle à la compréhension de ses voies de signalisation. Les dômes tactiles, de par leur structure, leurs propriétés biomécaniques ainsi que leur capacité à percevoir les stimuli tactiles conduisant à la perception de prurit mécanique, apparaissent comme des candidats crédibles. La mise en évidence de contacts de type synaptique étroits entre les cellules de Merkel et des fibres C/Aδ chez le rat confirme l’intérêt d’explorer cette hypothèse.

La mise en évidence de la fonctionnalité de ces contacts constituera la prochaine étape afin d’éclairer d’un jour nouveau la physiopathologie de l’alloknésie chez l’homme, symptôme particulièrement pour les patients chez qui le toucher léger induit un prurit.