Dans nos pratiques cliniques auprès d’enfants en situation de grande précarité physique et psychique, la dimension traumatique est souvent présente. Les situations de carences affectives précoces ou les vécus violents durant les premières années sont prégnantes et impactent leur construction psychique. La nécessité de la rencontre avec un « autre-Sujet », étayant et s’engageant dans la relation se retrouve dans l’accompagnement thérapeutique. Or, pour les enfants, c’est également dans ce lien que les vécus traumatiques trouvent leurs origines et sont à la source de la compulsion de répétition. Dans le cadre d’une recherche portant sur la mise en place et l’évaluation d’un dispositif thérapeutique au Cambodge, nous nous questionnons sur la tentative de remise au travail du lien primitif comme support d’une remise en mouvement psychique.

Dix enfants accueillis au sein d’une ONG au Cambodge ont été suivis durant un an, au sein d’un dispositif thérapeutique pensé sur la base des médiations et avec le concours d’un interprète. Le recueil de données se constitue de notes d’observations en lien avec un travail commun d’élaboration du contre-transfert avec l’interprète. L’analyse s’effectue du côté des processus psychiques à l’aide de la grille EPE (évolution processus et enveloppes) permettant d’en saisir l’évolution. L’accent est mis sur le travail du lien au sein du dispositif thérapeutique par l’évolution de celui-ci et des processus psychiques en parallèle de l’élaboration contre-transférentielle.

Par la présentation de deux situations cliniques, nous questionnerons les processus intersubjectifs en jeu tant dans les rencontres cliniques que dans le travail du lien primaire au sein des rencontres. Au début des rencontres, nous soulignons une entrave des processus psychiques. Pour les enfants, le tissage d’un lien se trouve entravé et source de reviviscences des traumatismes précoces, s’étant joués dans les liens primaires avec l’environnement. Les défenses sont érigées contre la possibilité d’être en lien et se trouvent dans un registre archaïque. En cela, le lien constitue l’origine de ce travail thérapeutique. Il va progressivement se tisser par l’investissement de l’interprète et du thérapeute qui est lui-même aux prises avec une situation d’expatriation. Pour les enfants, ces modalités de liens se rejouent dans la relation à leur environnement et sur la scène comportementale, mobilisant ainsi toute la scène intersubjective. Ce travail premier du lien soutient l’émergence de nouveaux processus psychiques.

L’enjeu thérapeutique se retrouve sur la nécessité de mettre au travail les modalités de liens précoces qui se rejouent dans la relation thérapeutique. Ce travail du lien s’origine dans un investissement spécifique de l’interprète et du thérapeute au sein de la relation. Il permet une remobilisation psychique ouvrant sur des possibilités d’élaboration dans la relation avec l’environnement, sur la scène comportementale et intersubjective.

In our clinical practice with children in very precarious physical and psychological situations, the traumatic dimension is often present. Early situations of emotional deprivation or violent experiences during the first years of life are prevalent and have an impact on their psychological construction. The need to meet with an “other-subject”, supporting and engaging in the relationship, is found in therapeutic support. For children, it is also in this relationship that traumatic experiences find their origins and are at the source of the repetition compulsion. Within the framework of a research project on the implementation and evaluation of a therapeutic system in Cambodia, we question the attempt to put the primitive bond back to work as a support for a return to psychic movement.

Ten children hosted by an NGO in Cambodia were followed for a year, within a therapeutic system designed on the basis of mediation and with the help of an interpreter. The data collection consisted of observation notes linked to a common work of elaboration of the counter-transference with the interpreter. The analysis is carried out on the side of the psychic processes with the help of the EPE grid (evolution of processes and envelopes) allowing to grasp their evolution. The emphasis is placed on the work of the link within the therapeutic device by the evolution of the latter and of the psychic processes in parallel with the counter-transferential elaboration.

Through the presentation of two clinical situations, we questioned the intersubjective processes at play both in the clinical encounters and in the work of the primary link within the encounters. At the beginning of the encounters, we underlined a hindrance of the psychic processes. For the children, the weaving of a bond was hindered and was a source of reliving early traumas, having been played out in the primary links with the environment. The defenses were erected against the possibility of being linked and were found in an archaic register. In this respect, the link constituted the origin of this therapeutic work. It was gradually woven through the investment of the interpreter and the therapist who was himself in a situation of expatriation. For the children, these forms of connection were replayed in their relationship with their environment and on the behavioral stage, thus mobilizing the entire intersubjective stage. This primary work of the link supported the emergence of new psychic processes.

The therapeutic issue is the need to work on the modalities of early links that are replayed in the therapeutic relationship. This work on the link originates in a specific investment of the interpreter and the therapist within the relationship. It allows a psychic remobilization opening up possibilities of elaboration in the relationship with the environment, on the behavioral and intersubjective scene.