The Avalanche Study - 17/02/23
Résumé |
Introduction |
Le syndrome de détresse respiratoire aigu représente 10 % des admissions en réanimation et concerne 23 % des patients traités par ventilation mécanique. Récemment, sa prévalence a augmenté de manière importante avec la pandémie à COVID-19 (Plus de 2500 patients avec un syndrome de détresse respiratoire aigu ont été admis dans les services de réanimation français sur une période de deux mois). Malgré une amélioration de sa prise en charge, la mortalité du syndrome de détresse respiratoire aiguë reste élevée (40 à 50 % des cas dans les formes les plus sévères).
Bien que souvent indispensable, la ventilation mécanique peut être délétère et aggraver les lésions pulmonaires.
Récemment, la détection au lit du malade d’une fermeture complète des voies aériennes lors de l’inspiration a été suggéré lors de la réalisation d’une courbe pression-volume bas débit inspiratoire. Ce phénomène de fermeture complète des voies aériennes a été décrit chez environ 40 % des patients avec un syndrome de détresse respiratoire aigu. Son existence est probablement liée aux forces de tension superficielle. En effet, dans un modèle animal ex vivo, il est observé lors de l’inflation pulmonaire avec un gaz et non avec un liquide. Or la pression des voies aériennes n’augmente pas de manière linéaire au-delà de la pression d’ouverture des voies aériennes. Dans un modèle d’insufflation pulmonaire lente ex vivo, il a été rapporté des chutes intermittentes de pression au-delà du niveau de pression d’ouverture des voies aériennes. Ces observations suggèrent que de nouvelles zones pulmonaires se sont ouvertes, et que la pression se propage en distalité dans l’arbre bronchique. Puis, si la pression est supérieure à la pression d’ouverture des voies aériennes plus distales, ces dernières s’ouvrent, ouvrant de nouveaux segments pulmonaires et propageant ainsi la pression en distalité dans les voies aériennes, et ainsi de suite, telle une avalanche. La distribution de ces chutes intermittentes de pression lors de l’insufflation lente suit une loi de puissance (c’est-à-dire qu’elle est linéaire sur une échelle log-log : plus les chutes de pression sont importantes, plus elles sont rares, alors que les chutes de pression peu importantes sont plus fréquentes). Il est intéressant de noter que dans un modèle animal ex vivo, l’intensité des bruits induits par l’insufflation pulmonaire (crépitants auscultatoires) suit également une loi de puissance. Mais ce phénomène d’avalanche lors de l’ouverture des voies aériennes existe probablement in vivo. Dans un modèle animal de syndrome de détresse respiratoire aigu, les auteurs ont utilisé la tomographie par impédance électrique pour visualiser la distribution des gaz lors de la ventilation.
Nous pensons donc que le phénomène d’avalanche lors de l’ouverture des voies aériennes existe chez l’humain avec un syndrome de détresse respiratoire aigu, mais n’a pas été décrit jusqu’à présent en raison d’une fréquence d’échantillonnage insuffisante des signaux de pression et de volume. La description de ce phénomène permettrait de mieux comprendre la physiopathologie des lésions induites par la ventilation au cours du syndrome de détresse respiratoire aigu.
L’objectif principal est d’évaluer la prévalence du phénomène d’avalanche lors de l’ouverture des voies aériennes dans le syndrome de détresse respiratoire aigu.
Méthodes |
Il s’agit d’une étude de cohorte observationnelle, physiologique, monocentrique dont le but est de décrire la prévalence d’un phénomène physiologique (le phénomène d’avalanche lors de l’ouverture des voies aériennes) qui n’a jamais été décrit chez humain. Pour une proportion inconnue, avec un niveau de confiance à 95 % et une précision absolue fixée à 0,14, 49 patients sont nécessaires. Nous envisageons d’inclure 50 patients dans cette étude afin d’avoir une première estimation de ce phénomène jamais décrit chez l’humain.
L’éligibilité des patients est analysée quotidiennement par les investigateurs durant le staff matinal puis le protocole d’étude sera proposé aux patients voir si famille s’il ne peut pas consentir dû à son état clinique.
Les critères d’inclusion sont d’être majeur, d’avoir un SDRA modéré à sevère selon les critères de Berlin et d’absence d’effort respiratoire spontané. Etre affilé à la sécurité sociale et pas sous tutelle/curatelle ainsi qu’un consentement éclairé et signé par le patient ou son proche après information claire par un investigateur.
Les critères de non-inclusion sont un pneumothorax, fistule broncho-pulmonaire, une trachéotomie, une instabilité hémodynamique, une hypoxemie sévère (PaO2/FiO2<80mmHg), HTIC prouvée ou suspectée, une BPCO stade 3 Gold ou 4, un pacemaker ou défibrillateur automatique implantable non compatible avec le tomotographe par l’impédancemetrie électronique ainsi qu’une décision de limitation ou arrêt des thérapeutiques.
Lors des inclusions des caractéristiques démographiques ainsi que des paramètres de la ventilation mécanique seront enregistrés. Le statut vital à J28 et/ou à la sortie de l réanimation.
La ceinture de tomographie par impédance électrique (Pulmovista500, Drager, Lubeck, Allemagne) est placée entre le 4e et le 5e espace intercostal du patient et l’enregistrement des variations d’impédance intra-thoracique sera débuté. Enfin, la sonde de manométrie œsophagienne (Nutrivent), le capteur de pression des voies aériennes et le pneumotachographe positionnés sur la sonde d’intubation sont connectés à un transducteur de pression (TSD160 series, Biopac systems, Goleta, CA, USA) calibré au préalable au moyen d’une colonne d’eau pour les capteurs de pression ou d’une seringue calibrée pour le capteur de débit. Les signaux sont acquis par un convertisseur analogique-numérique (MP160, Biopac systems) et l’enregistrement est débuté à une fréquence de 2000Hz sur un ordinateur dédié à la recherche.
Puis la manœuvre de dérecrutement entre 15 et 5cmH2O sur un cycle respiratoire est réalisée :
– la pression expiratoire positive est réglée à 15cmH2O pendant 10 minutes ;
– puis la fréquence respiratoire est réglée à 8 cycles/min pendant quelques cycles respiratoires afin de limiter l’hyperinflation dynamique ;
– puis la pression expiratoire positive est diminuée à 5cmH2O sur un cycle respiratoire.
Une pause télé-inspiratoire et télé-expiratoire est réalisée à pression expiratoire positive 15cmH2O et 5cmH2O. Immédiatement après, 3 courbes pression-volume bas débit (5L/min) inspiratoire et expiratoire sont réalisées avant que les réglages initiaux du ventilateur ne soient restaurés. Au cours de ces manœuvres, seront enregistrées :
– la distribution de la ventilation au moyen de la tomographie par impédance électrique ;
– l’enregistrement des courbes de pression œsophagienne, de pression des voies aériennes et de débit avec une fréquence d’échantillonnage de 2000Hz Enfin, les enregistrements de variations d’impédance intra-thoracique, de pression œsophagienne, de pression des voies aériennes et de débit sont arrêtés et les réglages initiaux du ventilateur sont repris.
Les données de tomographie par impédance électrique sont analysées a posteriori avec un logiciel dédié (Drager EIT analysis Tool 6.1, Drager et PV500_DataAnalysis_SW130). Les données de pression œsophagienne, de pression des voies aériennes et de débit sont analysées a posteriori avec un logiciel dédié (Acqknowledge 5.0.5, Biopac systems). Les courbes pression-volume bas débit inspiratoire permettent de déterminer l’existence d’une fermeture complète des voies aériennes et la valeur de la pression d’ouverture des voies aériennes s’il existe une fermeture complète des voies aériennes. La manœuvre de dérecrutement entre 15 et 5cmH2O permet de mesurer le volume dérecruté entre 15 et 5cmH2O, et de calculer le potentiel de recrutement alvéolaire avec le ratio I/R.
La distribution des chutes de pression lors de l’inflation lente sur la courbe pression-volume bas débit inspiratoire est décrite. Le phénomène d’avalanche est défini si cette distribution suit une loi de puissance, c’est-à-dire, si elle est linéaire avec un R2≥0,80 sur une échelle log-log. Le critère de jugement principal est exprimé en fréquence et intervalle de confiance à 95 %.
Les données enregistrées seront analysées selon la comparaison des caractéristiques des patients selon l’existence ou non d’un phénomène d’avalanche lors de l’ouverture des voies aériennes. Les variables continues sont décrites en moyenne±écart-type ou médiane [25e–75e percentile] selon leur distribution, et comparées au moyen du test de Mann-Whitney ou du test t de Student selon le cas. Les variables catégorielles sont décrites en nombre (pourcentage) et intervalle de confiance à 95 %, et comparées au moyen du test de Fisher ou du test de Chi2 selon le cas.
Résultats |
En totalité entre le 01/02/2022 et le 10/06/2022 3 patients étaient inclus dans le protocole d’étude. Le moyen d’âge était de 69 ans avec 2 femmes pour un homme. Aucun des patients à eu un IMC supérieur à 25kg/m2. L’indice de gravité simplifié 2 était de 44 et 39 pour les 2 patients sans ouverture de pression des voies aériennes mais avec une valeur de 75 pour le patient avec une pression d’ouverture des voies aériennes. 2 patients étaient immunodéprimés dû à des hémopathies malignes. 1 patient présentait des comorbidités cardiaques et 1 patient présentait une comorbidité respiratoire de type BPCO stade 2 en plus de l’immunodépression. L’atteinte radiologique des patients était à 0 % lobaire versus 100 % diffuse avec 3 patients avec pneumonie dont 2 à Sars – Cov19. Au moment des mesures et à l’inclusion les 3 patients ont eu un ratio PaO2/FiO2 entre 100 et 200mmHg les classant en SDRA modéré selon la classification de Berlin. Au niveau de la gazométrie du jour de l’inclusion il est notable que la valeur des lactates est basse pour toutes les patients (1,27–1,4mmol/L) et avec une pCO2 stable (43,5–45,4cmH2O). La différence au niveau du pH s’explique par la différence des bicarbonates entre le patient 2 et les 2 autres patients qui ont une acidose à 7,31 et 7,33. Les 3 patients étaient ventilés en ventilation volume contrôlé avec une fréquence respiratoire élevée concordant pour le contrôle du pH et des valeurs pCO2. Leur volume courant était adapté et calculé par leur poids théorique idéal pour un volume d’inspiratoire à 6ml/kg du poids théorique idéal. Sur les paramètres de ventilation à l’inclusion il est notable que tous les 3 patients ont une faible PEP intrinsèque entre 0,1 et 2cmH2O. La pression plateau est de 21cmH2O pour les 3 patients et est alors inférieure à la valeur limite supérieure de la cible de 30cmH2O. La pression motrice est entre 11 et 13,9cmH2O. Le statut vital des patients à la sortie de la réanimation était vivant pour 0 % avec 1 patient toujours hospitalisé et sous-ventilation mécanique au 10 juin 2022 à J18 de l’intubation. En regardant le statut vital à J28 de l’intubation il est notable que 0 % étaient vivant avec tous les décès survenus pendant l’hospitalisation en réanimation. Les courbes pression – volume à bas débit inspiratoire retrouvent une absence de pression d’ouverture des voies aériennes pour les patients 1 et 2. Le patient 3 montre une pression d’ouverture des voies aériennes à 6,75cmH2O sur les 3 courbes fait à 1minute intervalle.
Concernant l’objectif principal, le phénomène d’avalanche n’était pas observé chez les 3 premiers patients inclus dans l’étude. La distribution de l’amplitude ainsi de la fréquence ne suit pas une loi de puissance. L’analyse de la mécanique respiratoire des patients montre un fort potentiel de recrutement selon le ratio R/I avec des valeurs entre 1,13 à 1,87. Au niveau des compliances du système respiratoire les valeurs des 3 patients varient à PEP 5cmH2O entre 21 et 41ml/cmH2O et à PEP 15cmH2O entre 16 et 37mL/cmH2O. Le plus grand changement entre PEP 5cmH2O et PEP 15cmH2O est notable pour le patient 3 avec un delta de 10ml/cmH20. La pression moteur (driving pressure) entre les 2 niveaux de PEP (5cmH20 et 15cmH2O), augmente de 10,1cmH2O pour le patient 1 et de 1,3cmH2O pour le patient 2 pendant qu’elle diminue pour le patient 3 de 2,9cmH2O.
Conclusion |
L’absence d’observation du phénomène d’avalanche chez les 3 patients ne permet pas d’exclure l’existence de ce phénomène chez des patients avec un SDRA modéré ou sévère. L’analyse pour la première fois de ce phénomène chez l’humain et avec une fréquence d’échantillonnage élevée n’était jamais pratiquée avant et laisse encore beaucoup de questions ouvertures sur comment analyser et recherche au mieux ce possible phénomène d’avalanche. Aussi le battement cardiaque ainsi que la fluctuation d’échantillonnage ont rendu l’analyse plus complexe que dans les études précurseur sur des poumons explantés au laboratoire. Le pourcentage de patients avec une ouverture des voies aériennes (33 %) correspond à ce qu’on retrouve dans la littérature, même si le nombre de patients inclus est trop faible pour en tirer des Conclusions sur la prévalence d’une ouverture des voies aériennes chez le patient avec un SDRA modéré ou sévère. Les courbes de pression-volume régional fait avec l’EIT montre que la pression d’ouverture des voies aériennes régional semble de pouvoir varier et n’est pas toujours concordant avec la courbe de pression – volume du poumon global. Comme observé chez le patient 3 avec 1 région qui est majoritairement ventilé et qui correspond dans sa cinétique à la courbe globale comparé aux 3 autres régions. L’ouverture de 2 régions avec une cinétique linéaire à partir de 16cmH2O semblerait de montrer des pressions d’ouvertures régionales beaucoup plus importantes que détecté par une courbe de pression–volume à bas débit d’inflation. Cette interprétation reste à prouver car une des 2 régions avec ce point d’inclinaison à 16cmH2O montre une augmentation du volume pour des pressions plus basses, puis une fermeture de son territoire avant d’ouvrir de nouveau. Cette chasse d’air pourrait probablement être liée à un phénomène de Pendelluft avant d’une vraie ouverture des voies aériennes régionales avec une pression élevée. Ce phénomène pourrait aussi expliquer la courbe régionale 3, qui ne s’ouvre pas du tout durant les 3 courbes pression – volume du patient 3. Pour pouvoir en tirer des conclusions sur cette hypothèse des pressions d’ouvertures des voies aériennes régionales et l’utilité de la tomographie par impédance électrique des futures études avec un nombre plus élevé de patients semble nécessaire. Probablement déjà notre étude après l’inclusion de 50 patients pourrait apporter des premières réponses. Il est notable qu’une équipe de Toronto travaille en ce moment sur ce sujet avec le protocole POET et pourra apporter plus de data et d’explications pour d’éventuelles d’adaptation des paramètres de la ventilation mécanique des patients avec des pressions d’ouverture des voies aériennes régionales. L’analyse de la mécanique ventilatoire des patients a montré que la totalité des patients ont eu un fort potentiel de recrutement et ont justifié des paramètres ventilatoires avec une PEP à au moins 15cmH2O en surveillant les paramètres hémodynamiques. La compliance du système respiratoire a montré comme attendu pour des patients avec un SDRA une diminution comparée à la valeur physiologique d’environ 100ml/cmH2O. Il est quand même notable qu’il y a des grandes variations entre les 3 patients (16–37cmH2O et 21–41cmH2O). Cette différence est concordant avec les paramètres de ventilation à l’inclusion et également avec le nombre de jours sous ventilation mécanique durant l’hospitalisation.
À ce stade de l’étude avec qu’un début d’inclusion de patients dû aux problématiques discuté précédemment aucune Conclusion peut être tirée sur l’existence et alors la prévalence du phénomène d’avalanche chez l’humain avec un syndrome de détresse respiratoire aiguë modéré ou sévère. L’analyse de la ventilation régionale du poumon par l’EIT n’a pas permis de prouver des pressions d’ouverture des voies aériennes régionales mais a renforcé que celui semble exister chez des patients avec un SDRA modéré et sévère nécessitant des futures études et la preuve d’une faisabilité de l’utilisation de l’EIT au lit du malade pour prouver l’importance dans l’utilisation quotidienne.
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Vol 40 - N° 2
P. 151-153 - février 2023 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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