Analyse du parcours de soin de patients atteints de fibromyalgie et de rhumatismes caractérisés - 16/06/22
Résumé |
Introduction |
La fibromyalgie touche environ 3 % de la population générale, sa physiopathologie est inconnue et sa prise en charge peu codifiée. L’objectif de cette étude est de décrire le vécu du parcours de soin de patients atteints de fibromyalgie et de le comparer à des rhumatismes bien caractérisés, pour mieux appréhender cette affection.
Patients et méthodes |
L’étude portait sur 37 patients adultes, issus d’un groupe hospitalo-universitaire, dont 19 atteints de fibromyalgie, 9 atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) et 9 atteints de spondylarthrite ankylosante (SPA). L’étude compare de façon quantitative et qualitative le vécu du parcours de soin dans les différents groupes de patients. Les patients ont été interrogés au cours d’un entretien téléphonique. Les éléments recueillis ont été analysés de deux façons : une approche quantitative permettant de comparer entre les groupes le délai diagnostique et la consommation de soin, et une approche qualitative, utilisant la méthode de l’interpretive phenomenological analysis (IPA) pour explorer en profondeur le vécu des patients. La conception de l’entretien et l’analyse des résultats ont fait l’objet d’un travail multidisciplinaire avec une interniste ayant une expérience clinique de cette pathologie, une psychiatre référente pour la méthodologie d’analyses qualitatives, et deux internes respectivement de médecine générale et médecine interne.
Résultats |
Le délai de diagnostic était en médiane (IQR) de 10,7 ans (3,5–21) dans le groupe fibromyalgie versus 1,4 ans (0,3–4,3) dans le groupe rhumatisme caractérisé (p=0017). Dans cet intervalle, 74 % des patients avaient vu plus de 10 fois le même médecin et 37 % avaient vu plus de 10 médecins différents dans le groupe fibromyalgie contre 17 % (p=0,001) et 17 % (p=0,2), respectivement, dans le groupe rhumatisme caractérisé. L’analyse qualitative du récit des patients montre dans les deux groupes un vécu intolérable de la douleur, avec souvent le sentiment d’un manque de reconnaissance de celle-ci par le médecin. La douleur est associée au lexique du vieillissement accéléré du corps, et le passé est mis sur un piédestal. Le récit des patients atteints de fibromyalgie révèle une souffrance et un handicap fonctionnel qui semble plus importants que chez les patients du groupe rhumatisme. Ces patients ayant une fibromyalgie rapportent un sentiment de perte de contrôle, avec parfois une perte d’emploi aboutissant à une crise identitaire. L’isolement social est fréquent et semble être de mauvais pronostic. Les patients atteints de fibromyalgie ont une présentation clinique particulière et très homogène dans l’échantillon avec des manifestations anxieuses dans le discours, de fréquents antécédents traumatiques physiques ou psychiques, rapportés par 79 % (15/19) d’entre eux, de possibles traits perfectionnistes, ainsi qu’une grande difficulté à verbaliser les émotions. Ils expriment également une ambivalence importante concernant la nature de leur affection, avec souvent un rejet de l’aspect psychique, et une recherche active de liens de causalité. Une quête attentionnelle envers le médecin semble constante, avec un vécu abandonnique de la relation médecin patient, non retrouvée chez les patients atteints de rhumatisme. Cette quête était reproduite dans l’entretien avec des stratégies narratives visant à convaincre l’interlocuteur, une logorrhée anxieuse reflétée par une durée de d’entretien significativement plus longue dans le groupe fibromyalgie, en médiane (IQR) 46 minutes (43–68) dans le groupe fibromyalgie versus 34 minutes (30–45) dans le groupe rhumatisme (p=0,003). Le système de soin apparaît défaillant dans la prise en charge de ces patients avec un manque de formation des professionnels de santé, des réactions parfois inappropriées de la part des soignants et une stigmatisation des aspects psychiques.
Conclusion |
Les patients atteints de fibromyalgie connaissent une errance diagnostique majeure en comparaison avec la PR et la SPA. Ces patients au profil particulier et homogène ont le sentiment de manquer de crédibilité auprès des médecins. Malgré sa prétendue bénignité, cette affection doit être considérée comme sévère au vu du retentissement majeur qu’elle entraîne et les professionnels de santé doivent être formés à prendre en charge ces patients.
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Vol 43 - N° S1
P. A67 - juin 2022 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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