Une anorexie lourde de conséquences - 16/06/22
Résumé |
Introduction |
Nous rapportons le cas d’un patient hospitalisé pour une pancytopénie associée à une altération de l’état général (AEG) depuis un an : une anorexie mentale très sévère est diagnostiquée, elle aura de multiples complications qui seront fatales.
Observation |
Un patient de 38 ans aux antécédents de syndrome dépressif présente une AEG avec perte de 30kg depuis un an. Acceptant finalement les soins, il est hospitalisé devant la découverte d’une pancytopénie. L’interrogatoire retrouve un régime alimentaire dit sans restriction, avec compléments alimentaires et vitamines, sans méthode purgative ni trouble du transit. L’examen clinique retrouve une cachexie (IMC à 17kg/m2) sans syndrome tumoral, avec des anomalies cutanées : hématomes superficiels, lanugo, xérose et œdèmes des membres inférieurs; il est hypotherme, bradycarde et hypotendu. Une dénutrition profonde est constatée (albumine 26g/L, préalbumine effondrée, créatinine 20μM), sous-estimée par une hypovolémie, sans carences vitaminiques, avec une hyperferritinémie, cytolyse hépatique et cholestase anictérique à 3N. Le myélogramme retrouve une transformation gélatineuse de la moelle. Un hypopituitarisme est démasqué (TSH basse 0,33 mUI/L, T3 et T4 hautes 3,1 et 9 pM; FSH et prolactine normales, LH indosable, testostérone basse 2,4nM ; IGF1 indosable, GH normale 28μg/L) associé à un hypercorticisme d’entraînement secondaire à l’anorexie sévère (cortisol>150μg/dL, cortisol binding protein indosable, ACTH élevé 13 pM). Il n’y a pas d’adénome hypophysaire ni de pathologie tumorale, digestive, auto-immune ou hématologique retrouvés. L’anorexie mentale est confirmée par les psychiatres. Suite à une hypoglycémie sévère et prolongée se compliquant d’une crise convulsive généralisée, le patient présente un coma calme : il est intubé puis transféré en réanimation médicale. Une nutrition entérale prudente et progressive est instaurée par paliers de 5kcal/kg (objectif de 30kcal/kg/jour) associée à des vitamines, oligo-éléments et à une hydratation adaptée : un syndrome de renutrition inapproprié (SRI) est évité. L’amélioration neurologique lente permet son extubation puis son retour en service conventionnel. Néanmoins, une autophagie hépatique apparaît avec insuffisance hépatique aiguë : cytolyse à 18N, TP à 30 % (sans carence en vitamine K), cholestase ictérique à 5N. Elle se complique d’une nouvelle hypoglycémie sévère : le patient inhale puis présente un arrêt cardio-respiratoire (ACR) hypoxique. La fibroscopie bronchique post-intubation réalisée à son retour en réanimation aspire un liquide séro-hématique d’allure plasmatique abondant (500cc).
Discussion |
Le panhypopituitarisme secondaire à l’anorexie mentale a été décrit dans plusieurs cas de la littérature : il se corrige après la renutrition. L’hypercorticisme d’entraînement rapporté ici était consécutif à un stade avancé de l’anorexie, avec un taux de cortisol rarement si élevé. Le syndrome d’autophagie hépatique est une complication peu fréquente mais possible lors d’une renutrition. L’autophagie fournit des nutriments et de l’énergie : c’est une voie catabolique lysosomale des protéines à longue durée de vie, elle est cruciale pour l’homéostasie des cellules et leur survie en condition de stress. Lorsque la privation nutritionnelle est prolongée, le mécanisme est dépassé avec majoration des cellules mortes en autophagie, entraînant une insuffisance hépatique aiguë possiblement critique. Le monitoring hydroélectrolytique avec renutrition prudente permet généralement une amélioration progressive des perturbations hépatiques. Contrairement au SRI, ce syndrome ne nécessite pas de suspension de l’alimentation. Des équipes ont proposé la mise en place de N-acétylcystéine, sans résultat statistiquement significatif. Enfin, le syndrome de fuite capillaire notamment pulmonaire peut rarement compliquer une renutrition trop agressive. Il se résout habituellement spontanément mais peut nécessiter l’introduction d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion, voire de diurétiques.
Conclusion |
L’anorexie mentale peut entraîner d’importants désordres métaboliques, hormonaux et organiques, pouvant menacer le pronostic vital s’il ne sont pas corrigés de manière adaptée ou à temps. Le déni, le retard de prise en charge et le sexe masculin sont de mauvais pronostic. Le cas du patient rapporté ici est en effet d’évolution défavorable : l’inhalation se complique d’une pneumopathie avec choc septique puis défaillance multiviscérale incontrôlée qui mèneront au décès du patient.
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Vol 43 - N° S1
P. A187-A188 - juin 2022 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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