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Pancytopénie centrale secondaire à un panhypopituitarisme - 16/06/22

Doi : 10.1016/j.revmed.2022.03.090 
J. Liberatore 1, , A.C. Delcourt 2, A. Riche 1, Q. Bodard 2
1 Médecine interne et maladies infectieuses, C.H. d’Angoulême, Angoulême 
2 Diabétologie et endocrinologie, C.H. d’Angoulême, Angoulême 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

De nombreuses situations fréquentes en médecine interne sont responsables de cytopénies. Nous rapportons l’observation peu connue d’une pancytopénie centrale secondaire à un panhypopituitarisme dans un contexte de chirurgie de cranyopharyngiome.

Observation

Une patiente de 47 ans sans antécédent notable a bénéficié d’une ablation de craniopharyngiome (tumeur de l’hypophyse), compliquée d’une cécité de l’œil droit, d’une hémianopsie latérale homonyme gauche, d’un diabète insipide et d’un pan hypopituitarisme. Plusieurs hospitalisations ont été nécessaires pour insuffisance surrénalienne aiguë et syndrome œdémateux généralisé avec hyponatrémie sévère, en lien avec un défaut d’observance en HYDROCORTISONE et inadaptation aux besoins en DESMOPRESSINE. Elle présentait lors de chaque hospitalisation une pancytopénie avec anémie normocytaire arégénérative jusqu’à 9,3g/dL, neutropénie à 0,36 G/L et thrombopénie à 55 G/L. Le bilan étiologique n’a pas révélé de carence martiale, en folate ou vitamine B12. La supplémentation thyréotrope était équilibrée. Nous n’avons pas mis en évidence de consommation d’alcool ou de prise de médicament myélotoxique. Le bilan hépatique et l’électrophorèse des protéines sériques était normale. Les sérologies virales (VIH, VHB, VHC, EBV, CMV, érythroparvovirus B19) étaient sans particularité. Il n’y avait pas de stigmate de CIVD ni d’hémolyse, avec test de Coombs négatif. Le bilan auto-immun comprenant facteurs antinucléaires, antinucléaires solubles, anti-ADN natifs, anti-cardiolipine, anti-béta2glycoprotéine1 et anticoagulant circulant était sans anomalie. La recherche de clone HPN s’est révélée négative. Il n’y avait pas d’hépatosplénomégalie au scanner. Le myélogramme montrait une moelle de richesse normale, avec bonne maturation des trois lignées, sans cellule suspecte au frottis. La biopsie ostéomédullaire retrouvait quelques signes de dysmyélopoïèse, sans excès de blaste ni critère d’hémopathie. A chaque épisode, les cytopénies se corrigeaient totalement en quelques jours après reprise de la supplémentation corticotrope sans recours à un autre traitement spécifique. Le diagnostic de pancytopénie consécutive au panhypopituitarisme a été retenu.

Discussion

Dans une série de 65 patients atteints de panhypopituitarisme, Gokalp et al. ont rapporté la survenue d’une anémie, leucopénie et thrombopénie dans respectivement 80, 20 et 10 % des cas. De rares observations de pancytopénie associée à un panhypopituitarisme sont décrites dans la littérature. L’hypopituitarisme est le plus souvent consécutif à un syndrome de Sheehan, plus rarement à un macroprolactinome ou une hypophysite auto immune. Notre observation est, à notre connaissance, le premier cas de pancytopénie en lien avec un panhypopituitarisme secondaire à une ablation de craniophyaringiome.

Dans l’ensemble des cas publiés, le taux d’hémoglobine varie entre 6 et 10g/dL, le taux de neutrophiles entre 0,8 et 1,5 G/L, et le taux de plaquettes entre 23 et 96 G/L. Les rares biopsies ostéomédullaires rapportées dans la littérature montrent également quelques signes de dyserythropoïèse ou dysgranulopoïèse, toujours sans maladie hématologique associée. Les cytopénies se corrigent en quelques jours à quelques semaines après supplémentation hormonale.

Le lien entre antéhypophyse et myélopoïèse est décrit dans la littérature depuis les années 1950, mais le mécanisme physiopathologique précis reste incompris. Les hormones thyroïdiennes et la testostérone sont connues pour leur effet de stimulation des progéniteurs érythroïdes et de l’érythropoïétine (EPO), tandis que l’hormone de croissance stimule la formation de granulocytes et d’érythrocytes grâce à l’insuline growth facteur I (IGF I). Par ailleurs, le cortisol produit sous l’effet de l’ACTH augmenterait la sensibilité des progéniteurs hématopoïétiques et leur réponse à l’EPO. L’action de l’hypophyse sur la thrombopoïèse est en revanche moins bien connu. Il est difficile de déterminer qui des glucocorticoïdes ou de la thyroxine permet la correction de la pancytopénie, puisque ces deux hormones sont administrées simultanément en cas d’hypopituitarisme. Il est probable que leurs actions soient intriquées. Cependant, la pharmacodynamie de la tyroxine, dont l’efficacité est attendue après plusieurs semaines, laisse penser que la correction rapide des cytopénies en quelques jours est principalement due à l’effet des glucocorticoïdes.

Conclusion

Nous rapportons une cause rare de pancytopénie centrale secondaire à un pan hypopituitarisme. Même si les mécanismes sous-jacents ne sont pas complètement identifiés, cette complication mérite d’être connue.

Le texte complet de cet article est disponible en PDF.

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