Utilisation des données de vie réelle pour estimer l'effet traitement en cancérologie: émulation du protocole de l'essai randomisé E2100 à partir de la base nationale ESME - 03/05/22
Résumé |
Introduction |
L'essai contrôlé randomisé (ECR) constitue le gold standard pour estimer l'effet causal d'un traitement, en garantissant par l'allocation aléatoire et le strict respect du protocole d’étude un contrôle élevé des différents biais. En complémentarité des ECR, les données de vie réelle (DVR) peuvent être intéressantes dans certaines situations comme dans les tumeurs rares ou lorsque la survie globale (OS) n'est pas évaluable en critère principal dans l'ECR. La mise en œuvre d’étude à partir de DVR nécessite cependant un cadre et des méthodes spécifiques afin de contrôler du mieux possible les biais. Parmi ces méthodes, l’émulation d'essai a récemment été proposée par Hernàn et Robins. L'objectif est d’évaluer la faisabilité de l'approche par émulation à partir de DVR, via l’évaluation de l'effet de l'addition du bevacizumab (BVZ) au paclitaxel (P) sur la survie de patientes atteintes de cancer du sein métastatique (CSM) HER2-négatif.
Méthodes |
L'approche par émulation consiste à appliquer les concepts de design des ECR aux données observationnelles, en définissant sept éléments-clés d'un protocole : (1) les critères d’éligibilité (2) les stratégies thérapeutiques (3) la procédure d'attribution (4) la période de suivi (5) le critère de jugement (6) l'effet causal d'intérêt (intention de traiter/per-protocole) et (7) le plan d'analyse. Ce travail a été basé sur l’étude de phase III E2100 (P+BVZ versus P), qui démontrait l'amélioration de la survie sans progression lors de l'addition du BVZ au P en première ligne de traitement (L1) dans le CSM HER2-négatif, mais sans bénéfice statistiquement significatif en OS. Nous avons tout d'abord émulé le protocole d'E2100 à partir de la base nationale en vie réelle ESME afin d'estimer l'effet en vie réelle sur l'OS de cette combinaison (P+BVZ) ; les patients présentant les critères d’éligibilité et ayant initié le P ou le BVZ en L1 dans le mois précédent ou les quatre mois suivant le diagnostic ont été inclus. Puis une analyse utilisant des méthodes de contrôle des biais basées sur le score de propension, telles que la pondération inverse aux probabilités d’être traité (IPTW), a été réalisée. L'OS était définie comme le temps depuis le t0 (i.e. date minimale où tous les critères d’éligibilité sont respectés pour un patient) jusqu’à la date de décès ou la date des dernières nouvelles.
Résultats |
La cohorte émulée à partir de la base ESME (période d'inclusion 2008-2017 et suivi jusqu'au 04/2020) comprenait 3795 patients : 2256 dans le groupe P+ BVZ et 1539 dans le groupe P. Avant ajustement, les médianes d'OS étaient de 28,8 mois (P+BVZ) versus 23,4 mois (P) dans la cohorte émulée (HR 0,85, IC 95% 0,77–0,90), contre 26,7 mois (P+BVZ) versus 25,2 mois (P) (HR 0,88, p=0,16) dans l'essai E2100. Après ajustement par IPTW, permettant d’équilibrer les caractéristiques des groupes dans la cohorte émulée (différence des moyennes standardisées <0,1 atteinte pour chaque covariable), l'estimation du HR était similaire à 0,85 (IC 95% 0,78–0,92).
Conclusion |
La cohérence dans les estimations de l'effet des traitements à l’étude souligne l'intérêt de l'approche par émulation dans l'analyse des DVR issues de large bases hospitalières. Ces résultats nécessitent cependant une interprétation prudente au vu des différences constatées dans les mesures de précision des estimations, ainsi que la réalisation d'analyses de sensibilité. Ce travail contribuera à la rédaction de recommandations sur l'utilisation de l’émulation d'essais cliniques en oncologie.
Mots clés |
Cancer du sein métastatique; Efficacité; Données de vie réelle; Données de vie réelle; Émulation d'essai clinique; Biais de confusion
Déclaration de liens d'intérêts |
AA rapporte une bourse doctorale dans le cadre d'un contrat CIFRE (Centre Léon Bérard, UNICANCER, UMR CNRS 5558, Roche). DP rapporte des honoraires (Laboratoire Roche) en dehors du contexte de ce travail et de la communication qui lui est reliée. BBHY, MG et RC sont des salariés du Laboratoire Roche. Les autres auteurs n'ont rien à déclarer.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Vol 70 - N° S2
P. S75 - mai 2022 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.