Mort inattendue du nourrisson en lien avec une addiction maternelle au tramadol - 20/09/21
Résumé |
Objectifs |
La dépendance au tramadol (TR), antalgique morphinomimétique le plus prescrit en France, est une réalité inquiétante : obtention illégale en augmentation (enquête OPPIDUM 2018) et implication la plus fréquente dans les décès, directs ou indirects (par ex. par noyade), par antalgiques : 49/119 décès de l’enquête DTA 2018. Nous rapportons ici un type particulier de décès : celui d’un nourrisson (Mort Inattendue du Nourrisson ou MIN) en lien avec l’addiction au TR d’un parent en période de confinement lié à la pandémie de COVID-19.
Méthode |
Couché la veille au soir par le compagnon de sa mère, après un biberon de jus d’orange et un bain, un enfant de 11 mois est retrouvé décédé dans son lit. L’autopsie révèle une cyanose et une congestion polyviscérale, cohérentes avec l’hypothèse d’un décès par détresse respiratoire aiguë.
Résultats |
Les analyses toxicologiques (CL-SM/SM et CL-SMHR) mettent en évidence, à l’exclusion de tout autre toxique, du TR [sang cardiaque (SC) 6240μg/L (toxicité adulte>800μg/L) ; urine (UR) 291mg/L], de l’O-desméthyl-TR (O-DMT) [SC 902μg/L ; UR 127mg/L] et du N-desméthyl-TR (N-DMT) [SC 993μg/L ; UR 39,8mg/L]. Au-delà de questions d’ontogénie et du génotype CYP2D6 de l’enfant [CYP2D6*1/*17 cohérent avec les ratios métaboliques (RM) SG et UR], ces résultats sont compatibles avec une administration de TR ayant entraîné des effets toxiques majeurs potentiellement létaux (dépression respiratoire sévère, coma, convulsions, troubles cardiaques) chez cet enfant.
Dans ce contexte d’empoisonnement, d’une cohérence avec les déclarations de la mère et de son compagnon [addiction maternelle au TR, et à cet usage, bouteille de jus d’orange préparée avec des comprimés de TR, accidentellement utilisée par le compagnon pour préparer le biberon (60 à 90mL pris par l’enfant)] et de la question d’éventuelles administrations préalables de TR à ce nourrisson, une analyse des phanères [cheveux et ongles] de l’enfant, de la mère, du compagnon et de la sœur (6 ans) de l’enfant est réalisée [concentrations en pg/mg ; segments capillaires de 2cm du proximal (S1) au distal (S3) ; nd : non détecté] : enfant [cheveux : TR 1420 (S1), 1622 (S2), 2736 (S3) ; O-DMT 16 à 38 ; N-DMT 34 à 100 (TR en quantité significative dans les bains de décontamination) – ongles : TR 584 ; O-DMT 8 ; N-DMT 15], mère [cheveux : TR 2340 (S1), 2150 (S2), 2500 (S3) ; O-DMT 704 à 1170 ; N-DMT 827 à 1360], compagnon [ongles : TR 72 ; O-DMT nd ; N-DMT nd] et sœur [cheveux : TR 261 (S1), 524 (S2) ; O-DMT 15 (S1), 16 (S2) ; N-DMT 20 (S1), 38 (S2)].
Les profils des concentrations capillaires, les RM dans les cheveux de l’enfant et de sa sœur comparables à ceux relevés chez des employés de l’industrie pharmaceutique fabricant le tramadol [1 ], les quantités de TR dans les bains de contamination, les concentrations faibles observées dans les ongles de l’enfant et du compagnon [2 ] :
– confirment les prises répétées de TR par la mère ;
– indiquent l’existence de contaminations externes (environnementales, sueur de la mère, sueur de l’enfant au moment du décès [3 ]) pouvant, en sus d’une contribution par l’exposition in utero, expliquer la présence de TR dans les phanères de la victime.
Conclusion |
Ce cas édifiant illustre le risque (probablement favorisé en période de confinement, mais dans une mesure qui n’a pas été évaluée à ce jour) d’intoxication pédiatrique accidentelle liée à une addiction parentale au TR et l’intérêt d’analyser les matrices kératinisées (cheveux et ongles) de l’ensemble de la famille dans une telle situation.
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Vol 33 - N° 3S
P. S15 - septembre 2021 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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