Incidence et caractéristiques des AVC ischémiques au cours des Syndromes Hyperéosinophiliques clonaux: toxicité vasculaire des éosinophiles? - 19/12/20
Résumé |
Introduction |
La leucémie chronique à éosinophiles (LCE) associée au réarrangement FIP1-PDGRFα (F/P) est un syndrome hyperéosinophilique (SHE) responsable d’une prolifération clonale d’éosinophiles sensible au traitement par Imatinib Mesylate (IM) et présentant le plus souvent une atteinte splénique, cutanée, respiratoire et cardiaque. La survenue d’accidents ischémiques cérébraux a été rapportée dans de nombreux contextes de SHE qu’ils soient clonaux, réactionnels ou idiopathiques. Nous décrivons ici une série de 15 patients ayant présenté des AVC ischémiques dans un contexte de LCE F/P, dans le but de préciser les caractéristiques cliniques, radiologiques et la prise en charge thérapeutique de ces évènements.
Patients et méthodes |
Les données sont issues d’une série nationale rétrospective de 151 patients ayant présenté une LCE F/P entre 2003 et 2019. Les données concernant les AVC ischémiques ont été précisées rétrospectivement, avec notamment une relecture centralisée des imageries cérébrales.
Résultats |
Quinze patients, soit 10 % de la série, ont présenté un AVC ischémique. Il s’agissait d’hommes (n=15, 100 %) avec un âge médian de 51 ans. Ils présentaient un risque cardiovasculaire (selon l’index SCORE) bas, intermédiaire et élevé dans 33 %, 47 % et 20 % des cas respectivement. L’AVC ischémique était inaugural de la maladie à éosinophile dans 80 % des cas avec un NIHSS médian de 4. Lors de l’AVC, Tous présentaient une hyperéosinophilie avec une médiane à 12G/l et aucun des patients n’était traité par IM. Les atteintes extra-cérébrales concernaient le cœur (n=7), la rate (n=7), la peau (n=6) et les poumons (n=4). Par rapport aux patients sans AVC (n=136), l’atteinte cardiaque était plus fréquente (46 % vs 15 %, p=0,006) mais aucune différence n’était notée concernant les autres atteintes cliniques ou les paramètres biologiques (numération, IgE totales, tryptase, vitamine B12 et CRP). L’imagerie cérébrale montrait des AVC bilatéraux dans 80 % des cas, avec 66 % de distribution jonctionnelle–un seul patient ayant présenté une hypovolémie sévère. Il n’y avait pas d’argument pour une vascularite sur les séquences injectées (n=6) ou les artériographies (n=2). L’évaluation cardiaque par échographie (n=15) et IRM cardiaque (n=7) mettant en évidence une fibrose endomyocardique dans 4 cas et une myocardite dans 3 cas avec un thrombus mis en évidence dans un cas. L’évaluation rythmique, des troncs supra-aortiques, était normale et les AVC étaient classés « d’étiologie indéterminée » selon la classification TOAST dans 87 % des cas. Il n’y avait pas d’anomalies du LCR (n=6) ni de SAPL (n=7). En dehors du traitement classique de prévention secondaire cardiovasculaire, 8 patients ont reçu une corticothérapie systémique devant le diagnostic de SHE, sans rémission obtenue. L’initiation d’IM (n=15) a permis une rémission hématologique et moléculaire totale en un mois dans tous les cas. La durée médiane de suivi était de 5 ans. Seuls 2 patients ont présenté un second évènement ischémique sous IM mais avec de nouveaux facteurs de risque identifiés (FA et thrombus intracardiaque).
Discussion |
Il s’agit de la première série d’AVC ischémique dans un contexte d’hyperéosinophilie clonale définie moléculairement. Les AVC ischémiques survenant dans un contexte d’hyperéosinophilie doivent faire rechercher une atteinte cardiaque spécifique car l’origine embolique est souvent le mécanisme suspecté. Cependant, aucun de ces patients n’avaient de troubles du rythme et la moitié d’entre eux ne présentait pas d’anomalie cardiaque. De plus la distribution « derniers prés », largement rapportée dans la littérature dans des SHE d’étiologie variée, est atypique pour une pathologie emboligène. Des données cliniques telles que des observations de thrombus artériels et veineux, et des cas de vascularites primitives à éosinophiles mais aussi de biologie comme l’activation du facteur tissulaire par la protéine cationique des éosinophiles font suspecter une toxicité vasculaire directe des éosinophiles. Le faible taux de récidive d’AVC après normalisation des éosinophiles sous IM, même chez des patients à très haut risque cardiovasculaire, plaide en faveur d’un traitement spécifique rapide dès le diagnostic.
Conclusion |
Les AVC ischémiques sont une complication non rare des LCE F/P et ce même en l’absence d’atteinte cardiaque. La présentation clinicoradiologique homogène de type AVC jonctionnel,également retrouvée dans d’autres type de SHE, fait évoquer la possibilité d’une toxicité vasculaire cérébrale des éosinophiles.
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Vol 41 - N° S
P. A46 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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