Diabète phosphoré et ostéomalacie: le carboxymaltose ferrique sur le banc des accusés - 19/12/20
Résumé |
Introduction |
Pourtant bien décrite dans la littérature, l’hypophosphorémie induite par le carboxymaltose ferrique (FCM) est peu connue des cliniciens et prescripteurs. Bien que rapidement et spontanément réversible dans la plupart des cas, cette hypophosphorémie est susceptible de se compliquer notamment d’atteintes osseuses sévères comme l’ostéomalacie.
Observation |
Nous rapportons l’observation d’une patiente de 45 ans suivie en médecine interne depuis 1999 pour une maladie de Rendu–Osler, compliquée d’une anémie ferriprive nécessitant six cures de FCM en quatre ans dont trois sur l’année précédant les symptômes. Début 2019, on note l’apparition d’un tableau douloureux diffus osseux et musculaire avec une asthénie marquée. La scintigraphie osseuse révèle des foyers hyperfixants du bassin, des côtes, des pieds. Le bilan biologique sanguin et urinaire montre une hypophosphorémie franche avec une phosphaturie inadaptée. La calcémie, le dosage de vitamine D et la PTH sont normaux. Le FGF23 est, de manière inappropriée, normal. Le diagnostic de diabète phosphoré compliqué d’une ostéomalacie est retenu. Les diagnostics d’ostéomalacie oncogénique et de rachitismes héréditaires autosomiques dominants et récessifs sont éliminés. Le FCM est mis en cause. La patiente est traitée par supplémentation orale en phosphore, vitamine D et contre-indication au FCM. À quatre mois de la dernière perfusion de FCM, on observe la disparition du diabète phosphoré. Les douleurs osseuses s’améliorent lentement.
Discussion |
Le phosphore (Ph) est un anion majeur pour le fonctionnement cellulaire et la minéralisation osseuse. Le rein est le principal acteur de l’homéostasie du phosphore, régulant les entrées et sorties par le biais de différents facteurs (FGF-23, PTH, 1-25 vitD) agissant sur des récepteurs spécifiques (NPTa et NPTc). Le FGF-23 permet l’excrétion rénale du phosphore. Sa synthèse, au niveau osseux, est stimulée par l’augmentation de la phosphorémie, par une carence en fer, une hypoxie ou une inflammation. En situation physiologique, le FGF-23 est synthétisé sous forme intacte active (iFGF-23), puis clivé en forme inactive (cFGF-23) par l’action d’enzymes protéolytiques, régulant l’excrétion rénale du Ph. L’étude de la physiopathologie du rachitisme hypophosphatémique autosomique dominant (ADHR), a permis la découverte de résistances à la protéolyse du iFGF-23 responsables d’hypophosphorémie avec hyperphosphaturie. De la même manière, le FCM est responsable de l’inhibition de la protéolyse du FGF-23 entraînant une accumulation de sa forme active et donc la fuite rénale de phosphore avec hypophosphorémie. Cette hypophosphorémie demeure transitoire dans la majorité des cas. Cependant, lorsqu’elle se pérennise, les complications, telle que l’ostéomalacie, peuvent apparaître. Dans sa revue de littérature, Zoller et al. notent que 58 % des patients normo-rénaux présentent une hypophosphorémie après l’injection de FCM, 9 % pour les patients insuffisants rénaux et 0 à 4 % pour les autres formes de fer IV (iron sucrose ou iron isomaltoside) quelle que soit la fonction rénale.
Conclusion |
L’ostéomalacie est une complication rare mais grave des supplémentations en FCM. La carence martiale chronique de cause non traitable, l’inflammation chronique et l’hypoxie sont des facteurs associés aux complications sévères alors que l’insuffisance rénale protège de l’hypophosphatémie. Le traitement actuel consiste en une supplémentation en phosphore et en vitamine D. Les futurs traitements pourraient comporter les anticorps anti-FGF23 (burosumab) utilisés dans le traitement de l’hypophosphatémie liée à l’X.
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Vol 41 - N° S
P. A207 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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