Une cause d’hyperammoniémie à ne pas méconnaître : la maladie de Rendu–Osler - 19/12/20
Résumé |
Introduction |
La télangiectasie hémorragique héréditaire aussi appelée maladie de Rendu–Osler (MRO) est une maladie autosomique dominante évolutive à l’origine d’épistaxis récidivantes, de télangiectasies cutanées et de malformations vasculaires (MV) viscérales. Ces MV peuvent concerner le foie, et dans de rares cas être à l’origine d’hyperammoniémie (HA). En 2018, seulement une dizaine de cas d’encéphalopathie hyperammoniémique liée à la maladie de Rendu–Osler ont été décrits.
Observation |
Une patiente de 78 ans souffre d’une MRO, authentifiée par 3 critères de Curaçao, avec télangiectasies, atteinte ORL (épistaxis récidivantes), digestive (angiomes gastriques) et MV hépatique (avec insuffisance cardiaque à haut débit) avec mutation sur le gène ACVRL1. Une échographie hépatique de 2018 montrait un hyperdébit hépatique lié à une vraisemblable fistule artério-portale. La gravité des épistaxis (nombreuses transfusions sanguines) et l’insuffisance cardiaque motivent en 2019 le recours à des cures de bévacizumab qui diminuent nettement les besoins transfusionnels. En juillet 2020, la patiente est hospitalisée pour malaise avec perte de contact et tremblements diffus 48heures avant l’hospitalisation. À l’admission, il n’y a pas de signes de localisation, mais elle est ralentie. En l’absence de troubles hydroélectrolytiques, on découvre une HA à 155,2μmol/L. Les enzymes hépatiques sont normales, mais le facteur V est à 69 %. Un scanner abdominal objective un foie aux contours bosselés, de nombreuses petites MV distales étendues entre le système artériel et sus-hépatique, et entre le système artériel et porte. Il existe également de volumineuses et nombreuses MV porto-sus-hépatiques. Le bilan étiologique non invasif d’hépatopathie est négatif. L’état de vigilance de la patiente est fluctuant au cours de l’hospitalisation. Nous parvenons à faire diminuer l’ammoniémie et à retrouver une vigilance normale grâce à l’utilisation de lactulose, rifaximine et benzoate de sodium, traitement épurateur indiqué dans les maladies du cycle de l’urée qui permet l’épuration d’un atome d’azote par acylation de la glycine et excrétion urinaire d’acide hippurique. Notre patiente n’est cependant pas éligible aux options thérapeutiques curatrices à savoir la transplantation hépatique ou l’embolisation vasculaire hépatique, devant le nombre et la diffusion des malformations porto-caves.
Discussion |
En cas d’HA dans le contexte de MRO, chez les patients éligibles, le traitement de choix est la transplantation hépatique, voire l’embolisation des MV, envisageable éventuellement si celles-ci sont peu nombreuses sachant que de nouvelles MV peuvent se développer par la suite. Le bévacizumab pourrait avoir un intérêt dans les MV hépatiques, toutefois, l’HA de notre patiente s’est développée alors qu’elle a déjà bénéficié de 12 perfusions, les 6 dernières 2 à 3 mois avant l’épisode. L’épistaxis déglutie, ou des saignements digestifs, peuvent participer à l’HA. Par analogie avec l’encéphalopathie hépatique, nous avons utilisé le lactulose et la rifamixine, mais devant des résultats insuffisants, à titre humanitaire, nous y avons adjoint le benzoate de sodium hors AMM, car indiqué classiquement dans les hyperammoniémies secondaires au déficit enzymatique du cycle de l’urée, avec un bon résultat.
Conclusion |
L’apparition de symptômes neurologiques inhabituels chez un patient atteint de maladie de Rendu–Osler et dont l’imagerie cérébrale ne permet pas d’expliquer les symptômes, doit faire évoquer une HA. Le cas échéant, différentes options thérapeutiques peuvent se discuter en tenant compte de l’étendue des MV hépatiques, du terrain et de l’âge du patient.
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Vol 41 - N° S
P. A177 - décembre 2020 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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