Cet article se propose d’effectuer une archéologie et une généalogie de l’expertise médico-juridique portant sur les transidentités, et d’en examiner les effets sur les approches psychanalytiques.

Il s’agit montrer ici comment les institutions médicale, psychiatrique, psychologique et psychanalytique ne sont pas des modalités de traitement d’une souffrance transidentitaire qui précèderait leur intervention, mais au contraire la créent, l’instituent, et contribuent à l’institutionnaliser, en fabriquant une catégorie et en produisant un savoir à son sujet. Si la visée clinique, théorique et épistémique de l’approche psychanalytique reste de déconstruire toute production de savoir, il semble alors pertinent de se demander comment s’inscrit la psychanalyse dans cette institution ontologisante du « transsexualisme ».

Exploration théorique/épistémologique. Epistémologie située.

Participant du renforcement de l’idéologie du genre, le paradigme médico-juridique du « transsexualisme » affirme la dualité des sexes et leur manifestation métonymique par les organes génitaux, dont des expert/es sont en charge de vérifier la conformité. Les approches psychanalytiques principales renouvellent ce règne de l’expertise: énoncés privilégiés comportant des présomptions statutaires de vérité et une supra-légalité, elles martèlent un rappel à l’ordre de genre soit en exigeant des gages de conformité au genre de destination, soit en assénant performativement une irréductible différence des sexes.

Pour ne pas se faire prescripteur des formes hégémoniques de la sexualité et de la sexuation, le discours analytique n’a rien de particulier à dire des transidentités: pas plus que des cis-identités, considérées comme une catégorie unitaire, sauf à formaliser de manière pathologisante et généralisatrice des identifications de genre ou des orientations sexuelles.

Contre l’abstraction imaginaire d’une psychanalyse non-située, le point de vue de psychanalystes trans est ici largement attendu.

Les identifications transidentitaires ne manquent pas d’interroger la psychanalyse sur l’abstraction sur laquelle peut être construit un sujet de l’inconscient coupé du sujet politique. Il s’agit donc, dans un premier temps, de reconnaître la plus grande exposition à la vulnérabilité des patient/es trans, sans l’essentialiser.

Si la psychanalyse n’a pas pour vocation de réaliser la moindre extraction de vérité sur les transidentités, celles-ci ne manquent pas, en retour, de révéler les normes de genre et le dispositif de sexualité qui sous-tend une majeure partie de ses théorisations. La psychanalyse peut ainsi recevoir, des études trans et queer, une analyse critique de la différence de genre et de sexe lui permettant d’effectuer une archéologie du contrat social et de ses effets psychiques.

This article proposes to carry out an archaeology and genealogy of medico-legal expertise on transidentities, and to examine its effects on psychoanalytical approaches.

The aim here is to show how medical, psychiatric, psychological, and psychoanalytical institutions do not effectively treat any transidentitary suffering that pre-dates their intervention, but, on the contrary, create this suffering, institute it, and contribute to institutionalizing it, by fabricating a category and producing knowledge about it.

Since the clinical, theoretical, and epistemic aim of psychoanalysis is to deconstruct any knowledge production, it seems relevant to ask how psychoanalysis is positioned within this ontologizing institution of “transsexualism.”

Theoretical/epistemological exploration. Standpoint epistemology

A reinforcement of gender ideology, the medico-legal paradigm of “transsexualism” postulates sexual duality and its metonymic manifestation by the genitals, whose congruency is verified by experts.

The majority of psychoanalytical theories perpetuate this hegemonic expertise: their statutory presumptions of truth and supra-legality enforce a call to gender order either by demanding tokens of gender conformity, or by performatively asserting an irreducible sexual difference.